C'est à l'échelle mondiale qu'il faut désormais inventer de nouveaux concepts mobilisateurs, pour parvenir à cet idéal : l'égalité en dignité et en droit de tous les êtres humains.

Françoise Héritier, anthropologue, ethnologue, féministe, femme politique, scientifique (1933 – 2017)

Briser cette chaîne de maltraitance qui se reproduit de génération en génération

Témoignage reçu en réponse au questionnaire du site.

 
- Avez-vous vous-même été frappé(e) ?
J'ai subi de la violence éducative sous forme de coups divers : martinet, fessées, claques, coups de bâtons, cheveux tirés etc... et sous forme de violence verbale : chantage, menaces, dévalorisation, humiliations, non respect de ma vie privée.
J'ai également subi la violence de voir les autres enfants de la famille subir ce même traitement.
Je n'ai jamais reçu à ce jour un signe d'affection ou une remarque positive ou bienveillante de la part de mes parents.
Enfant, j'ai toujours eu le sentiment d'être un gros boulet attaché à leur cheville.

- A partir de et jusqu'à quel âge ?
Très tôt sans doute, encore bébé et jusqu'à 16 ans environ quand je ne me suis plus laissée faire.

- Par qui ? (père, mère)
Père et mère

- Cette ou ces personnes avaient-elles elles-mêmes subi de la violence éducative dans leur enfance ? De quel type, pour autant que vous le sachiez ?
Oui elles avaient également été élevées dans la violence et dans le non-respect.

- Vous souvenez-vous de vos sentiments et de vos réactions d'alors (colère, tristesse, résignation, indifférence, sentiment d'injustice ou au contraire de l'avoir “bien mérité”...) ?
Pendant et après les coups, je me souviens d'avoir ressenti un puissant sentiment de colère après eux, de la haine même. Je voulais me venger et je ressentais beaucoup de rage impuissante.
Pour les humiliations faisant intervenir des tierces personnes, le ressenti était différent et je me sentais infiniment triste, dévalorisée. Je me sentais honteuse.
J'ai rarement eu le sentiment de l'avoir bien mérité. En général, je ressentais un profond sentiment d'injustice.

- Avez-vous subi cette(ces) épreuve(s) dans l'isolement ou avez-vous eu le soutien de quelqu'un ?
Dans l'isolement. Mes cousins et cousines étaient traités pareillement. Mes grands parents, oncles et tantes n'y trouvaient rien à redire, c'était normal à leurs yeux. C'était même bien. Une bonne éducation.

- Quelles étaient les conséquences de cette violence lorsque vous étiez enfant ?
Une peur pétrifiante à l'idée du châtiment qui allait finir par tomber.
Absolument aucune estime de moi-même, aucune confiance dans mes capacités. La peur de mal faire, d'échouer sans cesse.
Une très grande timidité.
Le souffre douleur des autres au collège.
L'espoir de recevoir un peu d'affection sans cesse déçu.
La résignation et le désir de vite grandir pour vite partir de là.

- Quelles en sont les conséquences maintenant que vous êtes adulte ? En particulier vis-à-vis des enfants, et notamment si vous êtes quotidiennement au contact d'enfants (les vôtres, ou professionnellement) - merci de préciser le contexte ?
Toujours ce manque de confiance en soi qui m'empêche de réaliser et de faire aboutir mes envies et mes projets.
Lorsque j'ai été enceinte de mon premier enfant, je n'ai pas remis en cause l'éducation que j'avais reçue, je ne me suis pas non plus posée la question de comment je voulais élever mon enfant. Je pensais tout naturellement refaire la même choses que mes parents car j'avais le sentiment que finalement ça m'avait bien servi...
Heureusement, quand j'ai eu ce petit bébé dans mes bras, si confiant et que j'ai saisi le poids de la responsabilité que j'avais dans sa vie, j'ai réfléchi d'une autre façon.
J'ai compris que j'avais la capacité de faire de son enfance un cauchemar qui le poursuivrait sa vie durant ou bien de l'aider à se construire chaque jour dans le respect et l'amour.
J'ai assisté à une conférence d'Isabelle Filliozat, lu ses livres, la Fessée, les livres de Thomas Gordon, Alice Miller etc... participé à des discussions de parents sur le sujet de l'éducation bienveillante etc...
J'ai été farouchement déterminée à ce que mes enfants ne soient pas de nouvelles victimes de violence éducative. J'ai voulu briser cette chaîne de maltraitance qui se reproduit de génération en génération.
Pourtant, certaines fois c'est vraiment difficile à réaliser car des vieux automatismes du passé essaient de ressortir bien malgré moi... Il faut sans cesse lutter contre ce que l'on a vécu.

- Globalement, que pensez-vous de votre éducation ?
A mes yeux, ce n'était pas vraiment une éducation, plutôt un conditionnement dans la violence sous diverses formes afin d'obtenir les comportements souhaités.
Toute forme d'expression des sentiments était proscrite (excitation, pleurs, colère etc..)

- Viviez-vous, enfant, dans une société où la violence éducative est courante ?
Oui, tout autour de moi je voyais des enfants en proie à diverses violences que se soit dans leur milieu familial ou en milieu scolaire. L'enfant devait un respect indiscutable à l'adulte quelle que soit la situation mais il n'y en avait jamais pour lui en retour. Il était tout le temps traité comme moins important que l'adulte. Ses besoins, ses envies étaient secondaires.

- Qu'est-ce qu'évoque pour vous l'expression « violence éducative ordinaire » ? Quels types de violence en font partie ? Et quelle différence faites-vous, le cas échéant, entre maltraitance et « violence éducative ordinaire » ?
Pour moi la violence éducative ordinaire regroupe toutes ces violences qui font partie du quotidien et qui semblent "banales", usuelles voire même normales.
Des violences sur lesquelles l'attention ne se porte pas forcément car elles semblent moins préjudiciables que la maltraitance au sens où ce terme est utilisé (j'ai l'impression qu'on parle plus de malveillance pour les faits les plus violents, les plus choquants)
Pour autant, la violence éducative ordinaire est aussi une forme de maltraitance à mes yeux et elle regroupe les violences verbales comme le dénigrement, la moquerie, le chantage, les cris, les termes méprisants tout autant que physiques.
J'y ajouterais aussi ces formes de violence qui consistent à ne pas respecter l'enfant et ses besoins au quotidien.
Par exemple en lui coupant la parole, en ne tenant pas compte de son avis, en ne lui laissant pas exprimer ses sentiments mais en lui demandant de les étouffer, en lui racontant des choses fausses, en le forçant à "faire la bise", en le taquinant contre son gré, en répondant à sa place etc...

- Avez-vous des objections aux idées développées par l'OVEO ? Lesquelles ?
Non aucune, j'adhère à toutes.

- Comment nous avez-vous connus : site ? livre d'Olivier Maurel ? salon ? conférence ? autres ?
En partie grâce à internet et grâce à une association de parentalité dont je fait partie qui a mis à ma disposition des livres, des parents à l'écoute et qui a organisé une conférence avec I. Filliozat

- Ce site a-t-il modifié ou renforcé votre point de vue sur la violence éducative à l'égard des enfants ?
Il a complétement renforcé mon point de vue et m'a montré à quel point cette violence éducative est importante et surtout non reconnue dans la société dans laquelle on évolue.

- Si vous acceptez de répondre, merci de préciser sexe, âge et milieu social.
33 ans- Assistante administrative

Marine

, , ,