C’est seulement quand se produit un changement dans l’enfance que les sociétés commencent à progresser dans des directions nouvelles imprévisibles et plus appropriées.

Lloyd de Mause, président de l'association internationale de Psychohistoire.

En mémoire d’Alice Miller

Alice Miller est décédée le 14 de ce mois d’avril 2010, à l’âge de 87 ans.

L’apport de son œuvre à ses lecteurs ainsi qu’à la cause des enfants et de l’humanité est incommensurable.

Tous ceux et celles qui ont lu ses livres, depuis Le Drame de l’enfant doué à Ta vie sauvée enfin, en ont eu leur vie profondément transformée. Lire Alice Miller, c’est se recentrer sur soi-même, sur l’enfant qu’on a été. C’est, quoi qu’il ait pu subir de dégradant et de mutilant, reprendre contact avec l’innocence de cet enfant. C’est, balayant tous les jugements qu’on a pu porter sur les enfants, leur « folie », leur « péché originel », leur « bestialité innée », les « pulsions » dont la culture du mépris de l’enfant les a affublés, oser dire totalement innocent l’enfant que nous avons été. Personne avant Alice Miller n’avait été aussi radical. A partir de cette certitude que ses livres savent communiquer à ses lecteurs, pour chacun, une véritable résurrection devient possible, simplement parce que chacun peut se reconnecter avec l’enfant qu’il a été, la source de la vie en lui.

Alice Miller a infiniment apporté aussi à la cause de l’enfance. Elle a montré, sans jamais les minimiser, contrairement à ce qu’on a souvent tendance à faire, toutes les violences auxquelles les enfants sont soumis : manque de tendresse, négligences, manque de soins, abus sexuels et surtout la plus universelle, partout considérée comme normale et pédagogique: la violence éducative ordinaire. L’action de son œuvre en profondeur est certainement pour beaucoup dans l’adoption par vingt-cinq pays du monde de législations interdisant toutes les formes de punitions corporelles et d’humiliations. Grâce à elle, et à ses études sur l’enfance des principaux criminels de masse du XXe siècle, on a pu comprendre comment ce qui se passait dans l’intimité du microcosme familial pouvait avoir des conséquences gravissimes dans le macrocosme de la vie sociale et politique des adolescents et des adultes.

Il faut espérer que l’on comprendra plus tard tout ce que l’œuvre d’Alice Miller a apporté à la cause de l’humanité. En montrant que la vie des adultes, leur vie familiale, sociale, politique, toute leur histoire, tourne autour de l’enfance et des enfants, Alice Miller, comme son compatriote Copernic quatre siècles plus tôt, a remis le monde à l’endroit. Freud avait failli le faire, mais en inventant la théorie des pulsions, après la mort de son père et pour ne pas l’accuser, il en était revenu à la vieille accusation contre les enfants, dépositaires, d’après lui, des pires pulsions. Alice Miller, par l’écoute empathique de ses patients, a compris que cette théorie était fausse et a eu le courage de la dénoncer. Et du courage, il en fallait, car elle s’est trouvée immédiatement rejetée par nombre de ses anciens confrères. Mais en faisant la lumière sur la principale origine de la violence humaine, l’œuvre d’Alice Miller nous donne l’espoir de réduire cette violence multiforme issue d’enfances ravagées.

Alice Miller n’est plus là, mais il nous reste ses livres, il nous reste son site dont j’espère que Brigitte Oriol va continuer à s’occuper. Ne serait-il pas possible que des lecteurs et lectrices d’Alice Miller entreprennent, avec l'accord de Brigitte Oriol, de traduire les articles de ce site dans le maximum de langues possible pour que la pensée d’Alice Miller devienne accessible à tous et se répande plus largement encore que lorsqu’elle était encore là ?

Olivier Maurel

Lire la traduction en anglais de cet article :A Tribute to Alice Miller.
Lire la traduction en italien sur le site Non Togliermi il Sorriso, qui publie aussi cet hommage : Ciao Alice et la traduction de nombreux articles d'Alice Miller.

A lire également (en anglais) sur le site Project NoSpank :
un article paru dans The New York Times dès le 26 avril 2010.


L'œuvre d'Alice Miller

Le Drame de l'enfant doué, C'est pour ton bien, L'Enfant sous terreur, La Connaissance interdite, Abattre le mur du silence, Libres de savoir sont parmi les plus connus des livres d'Alice Miller. Aujourd'hui plus que jamais, nous voulons rappeler l'importance de ces ouvrages qui resteront un témoignage formidable de son engagement contre l'abus et la maltraitance des enfants.

Le site d'Alice Miller est également une source d'information incontournable sur la violence éducative, les souffrances de l'enfance et leurs conséquences sur toute notre vie. Vous y trouverez des témoignages reçus de lecteurs et ses réponses et de nombreux articles tels que : Dire la vérité aux enfants, A propos du pardon, Le rôle décisif des témoins lucides dans notre société, La dépression ou l'art de se leurrer, Qu'est-ce que la haine ?, D'où vient le mal dans le monde et comment se génère-t-il, qui sont parmi les plus représentatifs de ses recherches.

Sur notre site, vous pouvez également lire un extrait de C'est pour ton bien : Existe-t-il une « pédagogie blanche » ?


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