La violence n'est pas innée chez l'homme. Elle s'acquiert par l'éducation et la pratique sociale.

Françoise Héritier, anthropologue, ethnologue, féministe, femme politique, scientifique (1933 – 2017)

Une dissolution qui ne dit pas son nom : celle de la CIIVISE

Le gouvernement a décidé de substituer à la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE) une structure associative (donc non institutionnelle), et d’écarter celui qui la présidait et était devenu l’incarnation de la dénonciation de ces violences sexuelles faites aux enfants : le juge Durand et son équipe.

Nous publions sa réaction, diffusée au journal de 7 h de France Culture le mardi 12 décembre 2023.

« Depuis plusieurs semaines déjà, on voyait des incertitudes sur le sort de la CIIVISE, on aurait bien voulu la fermer purement et simplement. Qu’est-ce qui gêne avec la CIIVISE ? Les préconisations? La parole des victimes ? Le messager ?
Nous parlons de violences sexuelles faites aux enfants. Nous parlons de ce dont il ne faut pas parler. Nous parlons de l’un des dénis les plus puissants de l’histoire humaine.
C’est toujours le messager qui paie. D’abord l’enfant victime lui-même. Et aujourd’hui, c’est à eux que je pense. Ce qui gêne, c’est l’émergence d’une parole.
La CIIVISE a été instituée le 23 janvier 2021 parce que le président de la République française s’est adressé aux victimes de violences sexuelles dans leur enfance.
Au moment où la CIIVISE restituait ces témoignages, il n’y avait, le 20 novembre, aucune représentation officielle pour respecter ces 30 000 témoignages.
Et dans la communication du gouvernement, aujourd’hui, il n’y a pas eu un seul mot à l’égard de ces personnes. Cette parole ne comptait pour rien, comme si elle n’avait pas existé. Et cet acte aujourd’hui, c’est un acte de déni. »

Dans son rapport final, la CIIVISE recommande 82 préconisations pour que les violences sexuelles faites aux enfants fassent dorénavant l’objet d’une politique publique et de pratiques professionnelles spécifiques. La sidération que provoque la massivité des violences sexuelles sur les plus jeune et le déni collectif ancien et durable dont elles font toujours l’objet nécessitent que la totalité de ces préconisations soient réellement mises en œuvre.

Ajoutons que le climat d'emprise qui « autorise » les violences sexuelles sur les plus jeunes est une conséquence logique de la culture de violence éducative ordinaire : croire et faire croire qu’un enfant doit obéir aux demandes d'un adulte, et finir par annihiler chez l'enfant toute tentative ou capacité de révolte, pour le confort des « grands », c'est construire la vulnérabilité des plus jeunes.

Un déni plus massif encore est celui de la domination adulte elle-même, puisqu’elle est toujours la norme sociale, et totalement invisibilisée, même dans les travaux de la CIIVISE. « Ce qui gêne », pour reprendre les termes du juge Durand, c'est que la question des enfants (leur statut, leurs droits, la critique de l'éducation) passe toujours au second plan des priorités, comme si elle pouvait n'être résolue qu'après toutes les autres, quand au contraire cette assignation culturelle des enfants à des stéréotypes, à la loi du plus « fort » et donc au silence fait que toute forme de violence subie se reproduit à chaque génération, dans une répétition et une vengeance sans fin –  à moins d'une prise de conscience par toute la société de la violence et de l'injustice faite aux enfants.

L’OVEO n'en salue pas moins le travail réalisé par la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants. C’est par son indépendance et la liberté de sa parole que cette commission a gagné la confiance de plus de 30 000 victimes qui se sont exprimées. L’OVEO demande le maintien du président Edouard Durand à la tête de la CIIVISE et la poursuite de ses travaux.


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