Vos enfants ne sont pas vos enfants, ils sont les fils et les filles de l'appel de la Vie à elle-même. Ils viennent à travers vous et non pas de vous. Et bien qu'ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas.

Khalil Gibran, extrait du recueil Le Prophète.

Pièce de théâtre : cache ta joie !

Nous venons de prendre connaissance d'une intéressante et impressionnante pièce en un acte sur la maltraitance intitulée Cache ta joie ! L'auteur propose de venir l'interpréter elle-même là où on le lui propose, en libre participation à la sortie.
On peut avoir une idée du ton et de l'intérêt de cette pièce en lisant le passage qui suit.
Je peux te dire que depuis que je suis arrivée, je respire mal. Je te jure, voilà deux jours que j'ai l'impression d'avoir les poumons dans la gorge. Je suis à la limite de l'étouffement. Et alors…je ne peux pas regarder quelque part sans avoir les souvenirs qui me reviennent. C'est insupportable! Rien que d'ouvrir un tiroir, ça me fait des drôles de sensations. J'ai l'impression de faire une bêtise à chaque objet que je touche… Je t'assure. Comme si tu pouvais jaillir de ton plumard pour me flanquer une dérouillée. C'est con ! C'est marrant, tu vois, mais… même pendant toutes ces années loin de toi, tu as toujours été là quand même. Comme une menace ! Je t'assure. Quoi que je fasse, je n'arrive pas à m'empêcher de penser que t'es là, que tu me surveilles, et que ça va tomber avec le traditionnel "Mens pas ! Je t'ai vue!" Toute petite, si tu savais ce qu'elle a pu m'interroger cette phrase qui m'annonçait à chaque fois une gifle. "Mens pas, je t'ai vue !". Même quand t'étais pas là, même quand c'était pas moi, t'avais le culot de cette injustice ! .. Oui…oh remarque ! Le nombre d'enfants élevés dans la mauvaise foi. A la " fais ce que je dis mais ne fais pas ce que je fais "… Ah oui ! mais il faut savoir que les grandes personnes… quand elles font des bêtises, c'est qu'elles ne pouvaient pas faire autrement ! C'est pas pareil ! Faut les comprendre… Si elles font des choses interdites… c'est que c'est plus fort qu'elles. Et puis merde ! Ça a la patience à bout les grandes personnes… C'est fatigué… Tellement fatiguées, qu'elles ne peuvent plus se retenir… de rien ! Alors elles sont bien obligées de gueuler et de punir… ou de cogner… Ça les vide. Ça les libère de tout ce qu'elles ont subi à l'extérieur. Parce qu'il faut pas croire…mais dehors… elles n'arrivent pas aussi facilement à les faire régner, leurs lois ! D'ailleurs elles n'essaient même pas. On ne verra jamais un grand, tirer l'oreille d'un grand, ou lui faire faire cent lignes… le mettre au coin sur les genoux… Non, entre eux, les grands, ils ne se punissent pas, ils s'expliquent… Enfin, des fois… parce que la plus part du temps, quand ils se font marcher dessus, ils ont tellement peur… alors là, bizarrement, ils arrivent à se retenir ! C'est des journées entières qu'ils passent à se faire écrabouiller… Et alors forcément, le soir, quand ils rentrent à la maison, plus ils se sont fait écraser, plus ils ont besoin de se regonfler…ça se comprend ! C'est drôlement normal ! Alors ils asseyent leurs petits, pour se sentir un peu plus grands. Ils se dressent en face comme un exemple, comme le brillant résultat qu'il va falloir atteindre. Et vas-y que ça se gargarise en bombant le torse ou les mamelles… en frappant sur la table… en brandissant du poing ! Tous les coups sont permis pour élever les enfants. Et même s'il faut les priver de dessert ou bien les forcer à finir… Tant qu'ils ne se seront pas fourrer dans le crâne que c'est comme ça et pas autrement, ça continuera ! Et si ils ont le malheur de demander "pourquoi?", on leur apprend très vite qu'un enfant, ça ne répond pas et ça ne pose pas de questions! C'est comme ça ! et pas autrement !!

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