Quand on a rencontré la violence pendant l'enfance, c'est comme une langue maternelle qu'on nous a apprise.

Marie-France Hirigoyen.

5 ans après la loi du 10 juillet 2019, comment les médias abordent-ils la question de la violence éducative ordinaire ?

Dans l’objectif d’apporter des éléments de bilan de la loi du 10 juillet 2019 « relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires », il nous a semblé intéressant d’analyser les discours médiatiques actuels.

Les médias ont abordé la question à différentes reprises ces derniers mois :

  • en juin-juillet 2023, à l’occasion des révoltes urbaines qui ont suivi la mort du jeune Nahel Merzouk, tué par un policier pour un refus d’obtempérer, dans lesquelles de nombreux adolescents ont été impliqués,
  • en avril 2024, lors de l’arrêt de la cour d’appel de Metz maintenant le droit de correction (voir notre lettre ouverte à la Cour de cassation), puis de la campagne de StopVEO sur la question de l’héritage des violences, et de la « journée de la non-violence éducative » (JNVE) le 30 avril,
  • en juin-juillet 2024, à l’occasion du deuxième baromètre IFOP-Fondation pour l’enfance et des 5 ans de la loi de 2019.

Nous avons constaté plusieurs types de discours (à noter que nous nous sommes concentrés essentiellement sur les médias « mainstream » : radio et télévision ; les publications dans la presse étant en général plus nuancées et avançant davantage d’éléments de contexte et de réflexion ; nous n’avons pas tenu compte non plus des échanges sur les réseaux sociaux ou média en ligne (voir ci-dessous la liste des émissions référencées dans cet article). Ils suivent un spectre allant de la nécessité du recours aux punitions corporelles à la nécessité d’un changement de paradigme quant à notre façon de considérer les plus jeunes. Dans l’ensemble, nous remarquons que la dimension structurelle de la domination adulte est au mieux impensée, au pire, revendiquée. Pourtant, l’idée émerge timidement avec les notions d’infantisme (discrimination des plus jeunes) et d’enfantisme (luttes en faveur des intérêts des enfants).

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On ne dresse pas un enfant, on l’élève

Témoignage reçu en réponse au questionnaire du site


Avez-vous subi vous-même de la violence éducative au cours de votre enfance ? Sous quelle forme ?

Oui, la plupart du temps des insultes verbales, tirer les cheveux, des gifles, du chantage, négligence...

À partir de et jusqu'à quel âge ?

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Violence éducative ordinaire et violences sexuelles, quels liens ?

(Mis à jour le 9 juillet 2024)

En 2019, dans son exposé des motifs1, la proposition de loi sur l’interdiction “des violences éducatives ordinaires” précisait :

La VEO est l’ensemble des pratiques coercitives et punitives utilisées, tolérées, voire recommandées dans une société, pour éduquer les enfants. Elle est faite de violence verbale : moqueries, propos humiliants, cris, injures... ; de violence psychologique : menaces, mensonges, chantage, culpabilisation... ; et/ou de violence physique : gifles, pincements, fessées, secousses, projections, tirage de cheveux, tapes sur les oreilles…).

On pourrait donc considérer que les violences sexuelles en seraient exclues, car elles ne seraient ni tolérées ni recommandées par la société et n’auraient pas de caractère éducatif. Ajoutons qu’elles sont a priori considérées comme des crimes ou des délits par le code pénal.

Cependant, il nous semble important d’interroger cette distinction apparente entre violence éducative et violence sexuelle pour mettre en lumière un certain continuum et certaines formes de la violence éducative ordinaire à caractère sexuel.

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  1. Voir le dossier législatif de la loi du 10 juillet 2019 et notre article Loi d’interdiction des « violences éducatives ordinaires ». Quelques précisions juridiques.[]

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Les Rencontres de l’OVEO 2023 – Replay en vidéos

Le samedi 21 octobre 2023, nous avons organisé la première édition des "Rencontres de l'OVEO" sur la domination adulte et la violence éducative ordinaire.

L’évènement a eu lieu à Paris et a réuni un public venu d'un peu partout en France, engagé sur la remise en question de l'adultisme et du statut minoritaire réservé aux plus jeunes dans notre société.

Nos 16 invité·es – chercheurs et chercheuses, artistes, jeunes personnes, militant·es… – ont présenté leurs recherches ou leur témoignage sur l’éducation comme moyen de domination, l’intersection de l’adultisme avec d’autres rapports de domination, les traumatismes de l’enfance, le mépris pour la santé mentale des jeunes, l’abandon des enfants victimes de violences sexuelles et d’inceste, l’hégémonie de l’institution scolaire et sa dimension disciplinaire, et bien d’autres sujets encore.

Nous sommes fièr·es d'avoir pu faire de ces rencontres un lieu sécurisé où chacun et chacune a pu (re)trouver d’autres personnes partageant une même vision et une même dynamique, parfois dans la vulnérabilité.

Aujourd'hui, nous sommes heureux·ses de mettre à votre disposition une partie des communications présentées au cours de cette journée (retrouvez le programme de la journée ici). Ces vidéos permettent de restituer certains temps forts de cette première édition.

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Émanciper l’enfance, le livre des premières Rencontres de l’OVEO

À la suite des "Rencontres sur la violence éducative ordinaire et la domination adulte" qui se sont déroulées le 21 octobre dernier, l'OVEO et les éditions Le Hêtre Myriadis publient le recueil des textes des contributeur·ices qui y sont intervenu·es. 

Ce livre est le reflet de cette journée : des échanges de savoirs engagés, expérientiels et scientifiques. Il associe et réunit la voix de militant·es, de jeunes personnes et de chercheurs et chercheuses pour comprendre en profondeur les racines de la violence éducative ordinaire et de la domination adulte.

La sortie en librairie est prévue pour ce mois de mai, et vous pouvez d'ores et déjà le précommander sur le site des éditions Le Hêtre Myriadis

Que sont la violence éducative ordinaire et la domination adulte ? Pourquoi les enfants sont-ils massivement victimes de violences ? Quels sont les liens entre domination adulte et violence sur les enfants ? Existe-t-il un continuum entre les violences ordinaires et les violences sexuelles ou les maltraitances envers les plus jeunes ? Le statut juridique de « mineur » est-il indépassable ? Quels sont les liens entre la domination adulte sur les enfants et les autres formes de domination (masculine, de classe, économique, écologique, raciste, coloniale…) ? La relation éducative comme rapport à la fois interpersonnel et social est-elle fondée sur la domination ? Comment lutter contre la violence éducative et l'adultisme ? Quelles sont les pratiques de résistance enfantiste existantes ou à développer ?

Voici quelques-unes des questions cruciales auxquelles les contributeurs et contributrices de cet ouvrage ont tenté de répondre. Issus des communications présentées lors des Rencontres de l’OVEO d'octobre 2023, ces textes font le point sur un sujet émergent en sciences sociales, en politique et dans le grand public.

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Observations à la Cour de cassation : notre lettre ouverte

Le 18 avril dernier, la Cour d'appel de Metz a relaxé un agent de police au titre du "droit de correction". Nous publions le message que nous avons adressé à la Défenseure des droits et au Défenseur des enfants.


Madame, Monsieur,

Nous vous sollicitons dans le cadre de l’affaire d’un agent de police relaxé en appel malgré des faits de violence commis à l’encontre de ses enfants et de son ex-conjointe (Relaxe d'un policier jugé pour violences intrafamiliales : le parquet général de Metz se pourvoit en cassation ; Violences intrafamiliales : à Metz, un policier poursuivi pour avoir frappé son ex-femme et leurs deux enfants relaxé par la Cour d'appel).

Le parquet général s’étant pourvu en cassation, nous vous sollicitons au titre des prérogatives que vous détenez de l’article 33 de la loi n°2011-333 du 29 mars 2011.

Dans une précédente affaire, pour des faits de violences commis par une enseignante, vous avez en 2017 présenté des observations à la Cour de cassation, préconisant l’abandon du droit de correction coutumier (Décision du Défenseur des droits N°2017-12) :

« […] la chambre criminelle de la Cour de cassation pourrait, à l’occasion de la présente espèce, affirmer que la société actuelle ne reconnaît plus de droit de correction aux personnes ayant autorité sur un enfant, susceptible de justifier, au sens pénal du terme, des violences physiques ou morales, fussent-elles légères. »

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Les injonctions à plus de répression ne régleront pas la question de la violence

Par Jean-Pierre Thielland, membre de l'OVEO. Article d'abord publié le 20 avril 2024 sur le blog de Médiapart à la suite de l'intervention du Premier ministre sur "la violence des jeunes".


Gabriel Attal n’a pas failli à la règle, comme bon nombre d’hommes politiques, il s’empare d’une question de société réellement préoccupante pour en faire une opération de communication idéologique. Pas pour répondre sérieusement à la question de la violence, qui ne concerne d’ailleurs pas seulement les collégiens ou les adolescents, mais pour un étalage de mesures totalement tournées vers la répression. Un discours à seule visée électoraliste qui vient renforcer les idéologies autoritaires dans le contexte des élections européennes.

Si Gabriel Attal avait voulu réellement s’attaquer à la question de la violence chez les jeunes, il aurait commencé par dire : « La culture de la violence éducative, c’est fini ! »

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De l’origine radicale du mal : la preuve par Gaza ?

Nous publions ci-dessous le point de vue de deux militantes de l’OVEO qui dénoncent le génocide en cours à Gaza, qui atteint en premier lieu les plus jeunes.


Photo : Nils Huenerfuerst (Unsplash)

Par cahty malherbe et Daliborka Milovanovic

La lutte contre la violence éducative et la domination adulte ne doit pas s’arrêter aux portes de l’Occident, mais doit intégrer une préoccupation décoloniale, à savoir la question de la colonialité et sa déconstruction. L’enfantisme1 ne doit pas rester « blanc », ou « occidentalo-centré », comme le sont encore trop souvent aujourd’hui les luttes féministes.

En 2012, Olivier Maurel a proposé une formule d’une grande pertinence, pour qualifier l’aveuglement de celles et ceux qui, dans le champ des sciences humaines, réfléchissent aux causes et aux processus du phénomène violence : le trou noir2. Ce « trou noir », c’est à la fois celui de l’absence ou de la rareté des recherches sur les effets à long terme de la violence éducative ordinaire, notamment les effets sur le destin social, politique et historique des humains, et celui de la mémoire traumatique des victimes que nous avons presque toutes et tous été de ce type particulier de violence. Notamment en histoire et en sciences politiques, il ne vient presque jamais à l’idée des chercheur·euses (sauf exception 3) que les conditions de l’enfance d’un groupe de dirigeants ou d’une population donnés aient pu sérieusement déterminer le cours de leur histoire.

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  1. Construit sur le modèle de « féminisme », le terme « enfantisme » désigne les luttes en faveur des intérêts des enfants. L’enfantisme revendique une égalité de dignité et de respect entre enfants et adultes, l’abolition des rapports de domination adultiste et des conditions de vie décentes et sûres pour toutes les jeunes personnes. Il est entendu que les luttes enfantistes doivent intégrer tous les enfants et toutes les jeunes personnes (et pas seulement « nos chères têtes blondes »), quelles que soient leur nationalité, la couleur de leur peau, leur religion, leur classe sociale, leur sexe et tout autre critère discriminant.[]
  2. La Violence éducative : un trou noir dans les sciences humaines, Olivier Maurel, L’Instant présent, 2012.[]
  3. Voir La psychohistoire : de l'origine du mal.[]

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Pour une véritable culture du consentement

L’avènement d’une véritable culture du consentement ne peut faire l’économie d’une réelle éradication de la violence éducative ordinaire

Par Amandine C., membre de l'OVEO (mars 2023)

On ne peut que se réjouir de la libération de la parole des femmes qui, partout dans le monde, dénoncent en la révélant « l’épidémie mondiale » (Dr Denis Mukwege) de viols qu’elles ont subis et continuent à subir. Les législations, nationales et internationales, semblent sortir de la léthargie et de la cécité, bousculer le déni collectif. Les retours en arrière restent une menace omniprésente, mais en même temps, le flot enfin libéré des témoignages, le réveil, semblent ne pas pouvoir se tarir. Il en va de la responsabilité et de la crédibilité des autorités de ne plus faire la politique de l’autruche.

Il est à noter que la Suède, en 2018, avait été moquée pour sa nouvelle loi sur le viol exigeant un consentement mutuel explicite avant tout rapport sexuel et au cours de celui-ci : Yes means yes. Les railleries n’ont pas manqué pour tourner cela en dérision alors que le sens profond était oublié, ou en tout cas amputé de ses réelles implications. Est-ce un hasard si la Suède, premier pays à avoir aboli les châtiments corporels en 1979 et à mettre au cœur de ses politiques le respect du statut de personne de l’enfant, est aussi le premier à adopter une loi aussi pointilleuse ? Il reste intéressant que, dans ce pays où, depuis 1979, une génération entière a pu grandir dans une meilleur considération de la souveraineté du sujet, l’idée même de consentement apparaisse avec une évidence qui n’en est pas une pour la plupart des autres pays.

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Enquête de l’OVEO : 5 ans après le vote de la loi “relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires”, où en est-on ?

Le 10 juillet 2019 a été adoptée la loi “relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires”, inscrivant dans le Code civil que “l’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques”.

enfant-question

Près de cinq ans plus tard, l’OVEO souhaite établir un bilan de cette loi, en interrogeant les professionnel·les de l’enfance et de la parentalité.

Voici le lien pour répondre à cette enquête : https://forms.gle/pUH9burgMV2oZRp88
Les réponses permettront de nourrir notre état des lieux et nos préconisations.

Nous vous remercions pour votre contribution et pour la diffusion la plus large possible dans vos réseaux professionnels !

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