La violence n'est pas innée chez l'homme. Elle s'acquiert par l'éducation et la pratique sociale.

Françoise Héritier, anthropologue, ethnologue, féministe, femme politique, scientifique (1933 – 2017)

Des sentiments d’impuissance…

Témoignage reçu en réponse au questionnaire du site.

1) Avez-vous subi vous-même de la violence éducative au cours de votre enfance ? Sous quelle forme ?
Oui.
Sous forme de corrections physiques occasionnelles voire fréquentes (gifles, frappes et coups de pied très violents) de la part de mon père

2) A partir de et jusqu'à quel âge ?
Difficile de me souvenir d'un début, en tout cas jusqu'à 13 ans, époque du départ de mon père (et globalement de l'autorité parentale)

3) Par qui ? (père, mère, grands-parents, autre personne de la famille ou de l'entourage, enseignant...)
Concernant la violence physique, de la part de mon père.

4) Cette ou ces personnes avaient-elles elles-mêmes subi de la violence éducative dans leur enfance ? De quel type, pour autant que vous le sachiez ?
Je ne sais pas.

5) Vous souvenez-vous de vos sentiments et de vos réactions d'alors (colère, tristesse, résignation, indifférence, sentiment d'injustice ou au contraire de l'avoir “bien mérité”...) ?
Je ne me souviens pas d'avoir pensé « l'avoir bien mérité » suite à une correction. Mais ce dont je me souviens, c'est d'avoir ressenti des sentiments d'IMPUISSANCE, d'injustice, de haine et de désir de vengeance, des sensations de conflits intérieurs et des sensation d' « impossibilité » (c'est le mot qui me vient à l'esprit), des états de confusion et de solitude.

6) Avez-vous subi cette(ces) épreuve(s) dans l'isolement ou avez-vous eu le soutien de quelqu'un ?
Plutôt dans l'isolement.

Ma mère rapportait à mon père les évènements de la journée. C'est vrai que nous (mon frère, ma soeur et moi) n'avions pas beaucoup de respect pour les égarements maniaques et autoritaires de ma mère (personne angoissée par la saleté, aimant le contrôle des choses, un peu manipulatrice et à ses heures dominatrice), mais nous en souffrions. Cela se traduisait par des conflits fréquents avec ma mère, des insultes, bref, des comportements que le père venait corriger le soir de manière assez violente en faisant la tournée des chambres.

Nous ne parlions pas de tout cela entre frères et soeur. Nous subissions.

7) Quelles étaient les conséquences de cette violence lorsque vous étiez enfant ?
Les conséquences directes étaient un sentiment de haine prononcé pour mes parents.
Ce qui pouvait se traduire également par des violences de ma part en particulier à l'encontre de ma mère (jets d'objets, insultes ...)
Je ressentais aussi un conflit intérieur Amour / Haine très fort.
Parallèlement, j'étais un enfant plutôt solitaire et anxieux et ces moments renforcaient ces états. L'impression finalement d'être voué à moi-même et de devoir subir.

8) Quelles en sont les conséquences maintenant que vous êtes adulte ? En particulier vis-à-vis des enfants, et notamment si vous êtes quotidiennement au contact d'enfants (les vôtres, ou professionnellement) - merci de préciser le contexte ?
Aujourd'hui, je manque réellement de confiance en moi et je suis sujet à nombreuse peurs, notamment celle de ne « pas y arriver ». Mais la vie est complexe et je ne prends pas pour seule cause cette violence.
Parallèlement, ce sujet de violence éducative me renvoit aussi à des absences : pas de souvenirs de tendresse ou de douceur, pas de valeurs parentales réconfortantes ...
J'ai une fille de 6 ans, avec qui j'essaye de développer aujourd'hui une relation basée sur l'amour, la tendresse, le respect et la transmission.
J'ai pu donner quelques fessées à ma fille lorsqu'elle portait des couches. Il s'agissait plus d'un geste que d'un coup. Dans tous les cas, à la lecture d'un article paru dans libération « Faut-il interdire la fessée ? Ou Faut-il une loi pour interdire la fessée ? ... » (2008 ou 2009), et me questionnant sur mon passé, j'ai décidé d'abolir cette pratique.

9) Si vos parents ont su éviter toute violence, pouvez-vous préciser comment ils s'y sont pris ?

10) Globalement, que pensez-vous de votre éducation ?
Je pense que je suis devenu quelqu'un qu'on dit « bien élevé » mais je parle de protocoles.
Pour le reste, je pense m'être fabriqué tout seul et plutôt dans la douleur.
Le souvenir que j'ai de l'environnement créé à l'époque par mes parents reste pour moi aujourd'hui anxiogène.

11) Viviez-vous, enfant, dans une société où la violence éducative est courante ?
Je suis né en 1968.
Oui. Mon cousin se faisait régulièrement « tabassé » par mon oncle et c'est le mot qui convient. En réunion de famille, personne n'intervenait.
Oui également à l'école, où le surveillant général se déplacait dans le collège avec une baguette de bambou.

12) Si vous avez voyagé et pu observer des pratiques coutumières de violence à l'égard des enfants, pouvez-vous les décrire assez précisément : quel(s) type(s) de violence ? par qui ? à qui (sexe, âge, lien de parenté) ? en quelle circonstance ? pour quelles raisons ? en privé ? en public ?

13) Qu'est-ce qu'évoque pour vous l'expression « violence éducative ordinaire » ? Quels types de violence en font partie ? Et quelle différence faites-vous, le cas échéant, entre maltraitance et « violence éducative ordinaire » ?
L'ordinaire n'est jamais très loin de chez nous. J'y mets pêle-mêle tape et frappe en tout genre, langage grossier et pression morale adressés à l'enfant.

14) Avez-vous des objections aux idées développées par l'OVEO ? Lesquelles ?
Je n’ai qu’à vous encourager à continuer cette lutte contre la violence et en la dénonçant de plus en plus pour que les enfants sachent que ce qu’ils subissent N'EST PAS JUSTE !!!

15) Comment nous avez-vous connus : site ? livre d'Olivier Maurel ? salon ? conférence ? autres ?
Site. Recherches sur les conséquences des violences éducatives.

16) Ce site a-t-il modifié ou renforcé votre point de vue sur la violence éducative à l'égard des enfants ?
Oui.

17) Si vous acceptez de répondre, merci de préciser sexe, âge et milieu social.
Homme, 42 ans, designer-plasticien

Frédéric

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