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Je me comparais à ces petits canards dont on taille les ailes pour qu’ils ne s’envolent pas

Témoignage reçu en réponse au questionnaire du site.

Avez-vous subi vous-même de la violence éducative au cours de votre enfance ? Sous quelle forme ?

Oui, violences physiques, gifles, coups, tirer les cheveux, coups de martinet... de la part de mes deux parents, mais surtout ma mère qui assumait en grande partie notre éducation. violences psychologiques surtout de la part de ma mère : menaces, chantage affectif (menace de suicide !), influence sur le choix de mes copines (selon leur milieu social en particulier).

A partir de et jusqu'à quel âge ?
Je ne sais pas quand çà a commencé... Pour les coups çà s'est terminé vers 15-16 ans, pour le reste, sans doute quand j'ai quitté la maison à 18 ans, même si l'influence des ces violences perdurent jusqu'à maintenant..

Par qui ? (père, mère, grands-parents, autre personne de la famille ou de l'entourage, enseignant...)
Mes parents, mon frère

Cette ou ces personnes avaient-elles elles-mêmes subi de la violence éducative dans leur enfance ? De quel type, pour autant que vous le sachiez ?
Oui. Violence éducative ordinaire, le fouet du cheval pour ma mère...

Vous souvenez-vous de vos sentiments et de vos réactions d'alors (colère, tristesse, résignation, indifférence, sentiment d'injustice ou au contraire de l'avoir “bien mérité”...) ?
De la peur, de l'injustice (surtout quand une fois où mon frère avait inventé des choses à mon sujet, des choses graves qui ont mis ma mère dans une rage folle), de la colère plus tard à l'adolescence, des sentiments de révolte...

Avez-vous subi cette(ces) épreuve(s) dans l'isolement ou avez-vous eu le soutien de quelqu'un ?
Aucun soutien... Je me souviens qu'il y avait une affiche d'Allo enfance maltraitée dans le préau de l'école... j'ai eu la tentation de les appeler, mais jamais le courage...

Quelles étaient les conséquences de cette violence lorsque vous étiez enfant ?
Pas beaucoup confiance en moi. Soumission à l'adulte jusqu'à en perdre mon instinct de protection : j'ai été victime d'attouchements à la piscine municipale par un monsieur qui a profité de mon innocence et de mon incapacité à dire non. Sentiment de devoir être irréprochable pour être accepté par les autres...

Quelles en sont les conséquences maintenant que vous êtes adulte ?

Burn out professionnel l'année dernière, suite à une accumulation de stress en raison de mon obstination à remplir sans faillir mes obligations professionnelles quasi équivalentes à un temps plein alors que j'étais à temps partiel à 50 % sur un poste de responsable de ressources (in?)humaines. J'étais incapable de dire à ma hiérarchie que je n'y arrivais plus. Par ailleurs, le burn out a été déclenché suite à une altercation avec un responsable syndical : cette personne s'est mise à me crier dessus, et malgré le fait que j'avais pleinement raison, j'ai été impressionnée, déstabilisée et j'ai craqué.

En particulier vis-à-vis des enfants, et notamment si vous êtes quotidiennement au contact d'enfants (les vôtres, ou professionnellement) - merci de préciser le contexte ?

J'ai deux enfants de 5 ans et 2 ans. Avant la naissance de mon aînée, j'étais intimement persuadée que les fessées étaient nécessaires pour se faire obéir, et que les enfants devaient obéir au doigt et à l'oeil. Heureusement, à la naissance de ma fille, j'ai découvert le maternage à travers le portage, l'allaitement et de fil en aiguille je me suis de plus en plus intéressée à l'éducation non-violente, au point d'avoir créer l'année dernière une association de soutien à la parentalité qui fait la promotion du maternage et de l'éducation non-violente. Néanmoins, la bienveillance vis à vis de mes enfants ne coule pas toujours de source. Suite à ce burn out, je suis allée voir une psychologue plusieurs fois. Son aide a été primordiale sur la compréhension des mécanismes qui font que parfois la colère et la violence me submergent. J'ai compris que bien souvent mes enfants étaient les victimes de mon mal-être et de mon incapacité à exprimer mes sentiments. Le chemin est sans doute encore long, mais je vois déjà les effets de l'éducation positive sur l'atmosphère familiale, ce qui m'encourage à persévérer sur cette voie qui me semble la seule possible pour donner l'amour et l'assurance dont mes enfants ont besoin pour grandir.

Globalement, que pensez-vous de votre éducation ?
Du point de vue de mes parents, j'ai reçu une bonne éducation. De mon point de vue, elle est désastreuse, puisque elle a eu des conséquences graves sur ma vie d'enfant et d'adulte. A un certain moment, je me comparais à ces petits canards dont on taille les ailes pour qu'ils ne s'envolent pas de la basse-cour. J'ai mis des années à penser par moi-même et non plus comme ma mère.

Viviez-vous, enfant, dans une société où la violence éducative est courante ?
Oui, en France.

Qu'est-ce qu'évoque pour vous l'expression « violence éducative ordinaire » ? Quels types de violence en font partie ? Et quelle différence faites-vous, le cas échéant, entre maltraitance et « violence éducative ordinaire » ?
La VEO regroupe l'ensemble des châtiments corporels, les violences psychologiques (humiliations, menaces, insultes...).
La différence entre la maltraitance et la violence éducative ordinaire : la maltraitance on peut en mourir, la violence éducative ordinaire, on peut y survivre, mais à quel prix ?

Avez-vous des objections aux idées développées par l'OVEO ? Lesquelles ?
Aucune, vous faites un travail formidable. Même si c'est parfois difficile pour moi de lire certaines choses sur votre site qui font écho à ma propre souffrance, elles sont nécessaires pour la prise de conscience que la VEO est un fléau de la société actuelle.

Comment nous avez-vous connus : site ? livre d'Olivier Maurel ? salon ? conférence ? autres ?
La toute première fois par le biais du magasine Grandir autrement.
J'ai également lu le livre sur la Fessée.

Ce site a-t-il modifié ou renforcé votre point de vue sur la violence éducative à l'égard des enfants ?
Cela a renforcé mon opinion sur ce que je présumais comme étant néfaste pour le développement des enfants.

Si vous acceptez de répondre, merci de préciser sexe, âge et milieu social.
Je suis une femme de 32 ans, milieu social modeste pendant l'enfance, milieu social intermédiaire actuellement.