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La violence éducative dès le berceau…

Témoignage reçu en réponse au questionnaire du site.

 
Avez-vous vous-même été frappé ? A partir de et jusqu'à quel âge ?
*****de mes premiers mois à environ 15 ans. Maman s'est longtemps vanté d'avoir commencé par les tapes sur la main quand je tendais la main hors du berceau.

Par qui ? (père, mère, grands-parents, frère, oncle, autre personne de la famille ou de l'entourage, enseignant...).
**** par ma mère uniquement.

Celui ou celle qui vous a frappé avait-il (ou elle) subi des châtiments corporels ?
****oui, dans sa famille, et en pension (dès l'âge de 4 ans). Mais elle continue à dire qu'elle ne regrette rien, que c'était pour son bien, que ça lui a transmis de bonnes "valeurs", dont le "respect" (qu'elle confond souvent avec la soumission) des autres. Ensuite, elle a vécu 20 ans d'enfer avec mon père. Ma mère, durant tout le temps où elle m'a frappée, était elle-même victime de graves violences de la part de mon père...je me rends compte que cela fait partie intégrante (sans l'excuser) de la compréhension de la "chaine de violence" qui coule d'un individu sur l'autre. Ainsi, si ma mère se défoulait autant, c'est aussi pour reverser une partie de la violence qu'elle subissait. Violence physique envers moi qui s'est aussi arrêtée quand je l'ai encouragée à quitter la maison et que, donc, la violence de mon père a cessé...quand un parent est violent, c'est toujours parce-qu'il a été violenté, ou qu'il se sent / est violenté dans sa vie. Je voudrais rajouter que ma mère, malgré cette violence éducative ordinaire, était aussi maternante qu'elle le pouvait...ce qui m'a sans doute donné la possibilité d'une brêche dans la reproduction de violence familiale.

Viviez-vous dans une société où les enfants sont couramment frappés ?
****oui, en France...les enfants sont régulièrement frappés, sans vergogne ; dans la rue, dans les magasins, dans le cercle amical...

Cette manière de vous faire obéir vous a-t-elle été profitable ?
***absolument pas. Je n'écoutais que parce-que j'avais peur "que ça tombe encore". J'ai longtemps rangé ma chambre, pas parce-que c'est mieux pour retrouver ses affaires, mais par peur des gifles quotidiennes et des affaires passées par la fenêtre....ça a créé une peur viscérale de ma mère ; et même si nos relations ont évoluées avec le temps, si elle a beaucoup travaillé sur elle et progressé, si l'animosité n'est plus présente, il me reste une distance corporelle infranchissable, celle que j'ai mise entre elle et moi pour ne plus souffrir de ses coups et de ses mots acerbes. J'ai aussi, et malgré mon fort caractère, une soumission à l'autorité qui me sidère toujours ! c'était devenu, petit à petit, ma première réaction. Et elle était d'autant plus forte que j'étais face à de la violence. J'ai ainsi subi 12 ans de harcèlement à mon travail...il m'a fallu plusieurs maladies graves, dont une dépression, pour que je rompe enfin mes chaînes et la chaine que je risquais de reproduire...j'avais 33 ans !

Avez-vous l'impression d'en subir encore les conséquences ?
****oui, quand je suis fatiguée et que j'ai moins de facilités à me contrôler, la violence ressort TOUJOURS, envers mes enfants et envers mon mari. Et puis, en rompant mes chaines, il a fallu que je procède à des changements drastiques dans ma vie, professionnelle en particulier. Car plus jamais, je ne veux subir l'autorité. De fait, aujourd'hui, je suis devenu travailleur indépendant.

Avez-vous subi cette épreuve dans l'isolement ou avez-vous eu le soutien de quelqu'un ?
****jusqu'à 13 ans, j'étais seule. Après cet âge-là, une éducatrice m'a confirmé ce que je pressentais : qu'il n'était pas normal que maman s'abatte ainsi sur moi, pour tout et pour rien...de ce moment-là, j'ai redoublé de force pour affronter ma mère et ne plus subir. Il m'a fallu 20 ans de plus pour m'en libérer.

Voyez-vous un rapport entre votre éducation et votre opinion actuelle sur les châtiments corporels ?
***oui, je sais, au fond de moi, ce que cela fait d'avoir "une sorcière" en face de soi, la personne que l'on aime le plus au monde qui fonce sur vous pour se défouler, l'incompréhension qui en découle, le dégoût de soi (parce-que forcément, à un moment donné, on adhère à l'idée qu'on le mérite), la barrière puis la haine....durant ma première grossesse, j'ai aussi fait une dépression : j'aimais déjà tellement mon fils, cet enfant que je voulais de toutes mes forces depuis tant d'années, mais j'avais en même temps tellement peur de lui faire subir cela ! je me rappelle m'être souvent dit "cet enfant n'a pas demandé à venir, et moi, je vais peut-être le faire souffrir comme j'ai souffert". Heureusement, mes enfants, mon mari, deux psychothérapies, beaucoup de lectures, de belles rencontres avec des parents non violents, m'ont fait progresser, m'ont ouvert une autre voie...mais que de travail !

Avez-vous des objections aux idées développées sur ce site ? Lesquelles ?
***aucune, bien au contraire 🙂

Ce site a-t-il modifié ou renforcé votre point de vue sur les châtiments corporels ?
***pas vraiment, puisque je suis fan d'Alice Miller depuis des années et la lecture de "la fessée", et que j'ai déjà fait le chemin contre la Violence Educative Ordinaire à partir de la naissance de mon fils à qui j'ai promis, dès ses premières minutes, d'être à sa hauteur.

Si vous avez voyagé et pu observer des pratiques coutumières de châtiments corporels sur les enfants, pouvez-vous les décrire assez précisément : quelles punitions ? infligées par qui ? à qui (sexe, âge, lien de parenté) ? en quelle circonstance ? pour quelles raisons ? en privé ? en public ?
***pas vraiment....mais je le constate déjà très régulièrement en France, et partout, surtout sur les petits (moins de 6 ans).

Avez-vous pu observer un rapport entre la pratique des châtiments corporels ou leur absence et la violence ou l'absence de violence des moeurs locales ?
****ce que je peux observer dans mon entourage amical, c'est qu'en totale contradiction avec la volonté des parents qui frappent (souvent, c'est "que leurs enfants se comportent bien") les enfants qui sont frappés se comportent très mal en dehors du regard de leurs parents : ils frappent à leur tour, se moquent, tentent de soumettre...et toujours de façon hypocrite, en se cachant. Les parents, malheureusement, se sentent confortés dans leur croyance qu'un enfant a BESOIN d'être frappé pour comprendre, sans remarquer que leurs enfants les imitent, mais surtout que les miens, non frappés et non violentés, ne le font pas malgré leur sombres prédictions ("tu verras, en grandissant, ils seront infernaux si tu les frappes pas").

Si vous acceptez de répondre, merci de préciser sexe, âge et milieu social. :
je suis une femme, j'ai 38 ans, deux enfants (garçon et fille), travailleur indépendant, classe moyenne durant l'enfance, aisée maintenant.

Ariane