Quand on a rencontré la violence pendant l'enfance, c'est comme une langue maternelle qu'on nous a apprise.

Marie-France Hirigoyen.

De l’origine radicale du mal : la preuve par Gaza ?

Nous publions ci-dessous le point de vue de deux militantes de l’OVEO qui dénoncent le génocide en cours à Gaza, qui atteint en premier lieu les plus jeunes.


Photo : Nils Huenerfuerst (Unsplash)

Par cahty malherbe et Daliborka Milovanovic

La lutte contre la violence éducative et la domination adulte ne doit pas s’arrêter aux portes de l’Occident, mais doit intégrer une préoccupation décoloniale, à savoir la question de la colonialité et sa déconstruction. L’enfantisme1 ne doit pas rester « blanc », ou « occidentalo-centré », comme le sont encore trop souvent aujourd’hui les luttes féministes.

En 2012, Olivier Maurel a proposé une formule d’une grande pertinence, pour qualifier l’aveuglement de celles et ceux qui, dans le champ des sciences humaines, réfléchissent aux causes et aux processus du phénomène violence : le trou noir2. Ce « trou noir », c’est à la fois celui de l’absence ou de la rareté des recherches sur les effets à long terme de la violence éducative ordinaire, notamment les effets sur le destin social, politique et historique des humains, et celui de la mémoire traumatique des victimes que nous avons presque toutes et tous été de ce type particulier de violence. Notamment en histoire et en sciences politiques, il ne vient presque jamais à l’idée des chercheur·euses (sauf exception 3) que les conditions de l’enfance d’un groupe de dirigeants ou d’une population donnés aient pu sérieusement déterminer le cours de leur histoire.

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  1. Construit sur le modèle de « féminisme », le terme « enfantisme » désigne les luttes en faveur des intérêts des enfants. L’enfantisme revendique une égalité de dignité et de respect entre enfants et adultes, l’abolition des rapports de domination adultiste et des conditions de vie décentes et sûres pour toutes les jeunes personnes. Il est entendu que les luttes enfantistes doivent intégrer tous les enfants et toutes les jeunes personnes (et pas seulement « nos chères têtes blondes »), quelles que soient leur nationalité, la couleur de leur peau, leur religion, leur classe sociale, leur sexe et tout autre critère discriminant.[]
  2. La Violence éducative : un trou noir dans les sciences humaines, Olivier Maurel, L’Instant présent, 2012.[]
  3. Voir La psychohistoire : de l'origine du mal.[]

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Pour une véritable culture du consentement

L’avènement d’une véritable culture du consentement ne peut faire l’économie d’une réelle éradication de la violence éducative ordinaire

Par Amandine C., membre de l'OVEO (mars 2023)

On ne peut que se réjouir de la libération de la parole des femmes qui, partout dans le monde, dénoncent en la révélant « l’épidémie mondiale » (Dr Denis Mukwege) de viols qu’elles ont subis et continuent à subir. Les législations, nationales et internationales, semblent sortir de la léthargie et de la cécité, bousculer le déni collectif. Les retours en arrière restent une menace omniprésente, mais en même temps, le flot enfin libéré des témoignages, le réveil, semblent ne pas pouvoir se tarir. Il en va de la responsabilité et de la crédibilité des autorités de ne plus faire la politique de l’autruche.

Il est à noter que la Suède, en 2018, avait été moquée pour sa nouvelle loi sur le viol exigeant un consentement mutuel explicite avant tout rapport sexuel et au cours de celui-ci : Yes means yes. Les railleries n’ont pas manqué pour tourner cela en dérision alors que le sens profond était oublié, ou en tout cas amputé de ses réelles implications. Est-ce un hasard si la Suède, premier pays à avoir aboli les châtiments corporels en 1979 et à mettre au cœur de ses politiques le respect du statut de personne de l’enfant, est aussi le premier à adopter une loi aussi pointilleuse ? Il reste intéressant que, dans ce pays où, depuis 1979, une génération entière a pu grandir dans une meilleur considération de la souveraineté du sujet, l’idée même de consentement apparaisse avec une évidence qui n’en est pas une pour la plupart des autres pays.

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Enquête de l’OVEO : 5 ans après le vote de la loi “relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires”, où en est-on ?

Le 10 juillet 2019 a été adoptée la loi “relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires”, inscrivant dans le Code civil que “l’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques”.

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Près de cinq ans plus tard, l’OVEO souhaite établir un bilan de cette loi, en interrogeant les professionnel·les de l’enfance et de la parentalité.

Voici le lien pour répondre à cette enquête : https://forms.gle/pUH9burgMV2oZRp88
Les réponses permettront de nourrir notre état des lieux et nos préconisations.

Nous vous remercions pour votre contribution et pour la diffusion la plus large possible dans vos réseaux professionnels !

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La violence éducative toujours dans le « trou noir » de la psychanalyse

Par Olivier Maurel

En 2010 et 2011, pour vérifier dans quelle mesure les sciences humaines tenaient compte de la violence éducative ordinaire sur les enfants, j’ai étudié tous les livres publiés en français sur la violence humaine aux environs de l’an 2000, et j’ai présenté le résultat de ce travail dans un livre : La Violence éducative : un trou noir dans les sciences humaines (L’Instant présent, 2012).

Les Figures de la cruauté. Entre civilisation et barbarie (éditions In Press)

Or, une correspondante m’a signalé un livre plus récent qui se présente aussi comme une étude globale sur un aspect de la violence : la cruauté. Ce livre s’intitule : Les Figures de la cruauté. Entre civilisation et barbarie (éditions In Press). Il s’agit en fait d’un recueil d’articles publié en mai 2016 et résultant d’un séminaire organisé sur la saison 2014-2015 par l’association Schibboleth – Actualité de Freud, et dont la quasi-totalité des participants (35 sur 40) étaient psychanalystes. Ce livre, de plus de 600 pages grand format, a été conçu dans « le cadre des activités scientifiques » de cette association. Il réunit une quarantaine d’auteurs, ce qui représente un bon corpus pour savoir si, quinze ans après l’an 2000, la psychanalyse accordait à la violence éducative ordinaire une place un peu plus importante qu’elle ne le faisait (ou plutôt qu’elle ne le faisait pas) quinze ans avant. Je me suis donc procuré ce livre et je l’ai lu de près.

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Uniforme scolaire, violence éducative et violence en milieu scolaire

Témoignage en forme de billet d’humeur reçu le 13 janvier 2023.


Récemment, le ministre de l'Éducation français (Gabriel Attal, qui a récemment été "muté" au poste de Premier ministre) a annoncé "expérimenter" l'uniforme dans plusieurs écoles du pays, et d'ores et déjà plusieurs municipalités s'y sont mises. Comme c'est parti là, la France cherche à implanter l'uniforme scolaire obligatoire, et ce au niveau national. Et ce, après avoir tenté d'implanter un service national universel obligatoire pour les adolescents (comprenez une version "lite" du service militaire), et avoir fait la chasse aux tenues connotées trop "musulmanes" dans plusieurs lycées. Tout ceci pour, selon eux, lutter contre le "communautarisme", l'extrémisme religieux et le harcèlement scolaire.

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La Force des femmes

Ce compte-rendu du livre du Dr Mukwege La Force des femmes est suivi de la lettre envoyée le 3 janvier 2015 au Dr Mukwege par Olivier Maurel, qui a attiré son attention sur les liens entre la violence éducative ordinaire, les violences sexuelles et leur utilisation comme arme de guerre. C’est après avoir reçu cette lettre que le Dr Mukwege a commencé à parler de violence éducative, comme il le fait dans ce livre. Voir aussi l’article d’Olivier Maurel Rwanda : de la violence sur les enfants au génocide (2014) et, sur le même sujet, les p. 86-87 de son livre Oui, la nature humaine est bonne ! (2009).

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CIIVISE : l’inquiétude des associations et collectifs de l’enfance

Nous publions ici la tribune rédigée et coordonnée par l'OVEO, Le Collectif Enfantiste et Claf’Outils pour critiquer les conditions de mise en place de la nouvelle CIIVISE et la remise en cause de sa doctrine « Je te crois je te protège ».
Ce texte, paru sur L'Humanite.fr, a recueilli les signatures de nombreuses autres associations que la nôtre : Ancrage, Cap d’agir, Claf’Outils, Collectif enfantiste, Eveil et Sens: Grandir Ensemble, Impact, JUFAM (Justice des Familles), Collective des mères isolées, Lamevit (l'association mille et une victimes d'inceste) Martinique, Association Le Monde à Travers un Regard, Mouv'Enfants, Protéger l'enfant, Tangram, Vers une autre relation adulte enfant.


Depuis le 11 décembre, le gouvernement a annoncé le remaniement de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, allant à l’encontre des demandes des associations de l’enfance. La sortie du juge des enfants Edouard Durand marque un éloignement de la doctrine de l’accueil inconditionnel de la parole des enfants qu’il portait avec son équipe, si importante pour toutes les victimes d’hier et d’aujourd’hui. La remise en doute de la parole de l’enfant et de la compréhension des violences sexuelles elles-mêmes est un véritable recul.

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Le pouvoir des adultes sur les enfants : une introduction pour les jeunes

Texte du dessin : L’adultisme – seulement pour les vieux ! © Natascha Welz

Manfred Liebel et Philip Meade proposent un résumé de leur ouvrage Adultismus. Die Macht der Erwachsenen über die Kinder. Eine kritische Einführung (« L’adultisme. Le pouvoir des adultes sur les enfants. Une introduction critique ») pour rendre leur propos plus accessible aux jeunes lecteur·ices. Le texte a été traduit par Manfred Liebel et Marnie Valentini en français et est disponible ici : Qu’est-ce que l’adultisme ? (« Was ist adultismus »)

Cette version en ligne est ponctuée de questions afin d’inciter le/la lecteur·ice à s’interroger sur sa propre expérience. Les idées des auteurs sont formulées de manière simple, avec de nombreux exemples, sans que la pertinence du propos n’en soit altérée.

La version imprimée en allemand est présentée ainsi :

Dans notre société, les enfants sont souvent méprisés, contrôlés et désavantagés. C’est ce que nous appelons l’adultisme. Ce livre explique le sujet avec un langage simple, des dessins et des photos. Nous montrons comment les jeunes sont touchés par l’adultisme. Dans la famille, à l’école, dans les transports, en politique. Par des règles et des interdictions dans la vie quotidienne.

Mais nous donnons aussi des exemples de ce que les jeunes peuvent faire contre l’adultisme. Et comment les adultes pourraient partager leur pouvoir avec les enfants. Nous pensons que les enfants devraient déjà pouvoir voter. Les droits de l’enfant doivent être connus et appliqués. Et la politique doit changer pour que les enfants la trouvent intéressante.

Cela contribuerait à un monde dans lequel tous sont pris au sérieux et participent à la vie commune. Quel que soit leur âge.

Nous pensons que ce texte devrait être diffusé largement afin qu’un maximum de personnes (jeunes et moins jeunes) puissent être sensibilisées à la discrimination qu’est l’adultisme.
Dans ce but, nous vous proposons ici, avec l'accord des auteurs, deux versions en pdf :

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Une dissolution qui ne dit pas son nom : celle de la CIIVISE

Le gouvernement a décidé de substituer à la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE) une structure associative (donc non institutionnelle), et d’écarter celui qui la présidait et était devenu l’incarnation de la dénonciation de ces violences sexuelles faites aux enfants : le juge Durand et son équipe.

Nous publions sa réaction, diffusée au journal de 7 h de France Culture le mardi 12 décembre 2023.

« Depuis plusieurs semaines déjà, on voyait des incertitudes sur le sort de la CIIVISE, on aurait bien voulu la fermer purement et simplement. Qu’est-ce qui gêne avec la CIIVISE ? Les préconisations? La parole des victimes ? Le messager ?
Nous parlons de violences sexuelles faites aux enfants. Nous parlons de ce dont il ne faut pas parler. Nous parlons de l’un des dénis les plus puissants de l’histoire humaine.
C’est toujours le messager qui paie. D’abord l’enfant victime lui-même. Et aujourd’hui, c’est à eux que je pense. Ce qui gêne, c’est l’émergence d’une parole.
La CIIVISE a été instituée le 23 janvier 2021 parce que le président de la République française s’est adressé aux victimes de violences sexuelles dans leur enfance.
Au moment où la CIIVISE restituait ces témoignages, il n’y avait, le 20 novembre, aucune représentation officielle pour respecter ces 30 000 témoignages.
Et dans la communication du gouvernement, aujourd’hui, il n’y a pas eu un seul mot à l’égard de ces personnes. Cette parole ne comptait pour rien, comme si elle n’avait pas existé. Et cet acte aujourd’hui, c’est un acte de déni. »

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Reconnaissance de la domination adulte, et donc des femmes sur les enfants, par une sociologue féministe

Christine Delphy. Photo lmsi.

Nous souhaitons ici vous signaler deux articles écrits par Christine Delphy, sociologue féministe, sur la domination adulte.

La reconnaissance de la domination des adultes, et donc des femmes, sur les enfants est une question douloureuse. Christine Delphy l’aborde dans la préface de son article “L’état d’exception : La dérogation au droit commun comme fondement de la sphère privée1. L’article, paru pour la première fois en 1995 dans Nouvelles Questions féministes, vol. 16, n° 4, est publié actuellement dans Penser le genre.

La première fois que j’ai dit lors d’une réunion féministe informelle ce qui me semblait aller de soi : que les enfants sont un groupe opprimé, l’une de mes amies a fondu en larmes en protestant qu’elle n’opprimait pas ses enfants2. Cela me rappelait l’attitude des premiers hommes confrontés au mouvement féministe, qui se mettaient presque à pleurer en disant qu’ils n’avaient jamais fait de mal à personne. En prétendant être attaqués personnellement, ils mettaient un terme à la discussion. Je n’avais pas cédé à ce chantage-ci, mais je cédai à ce chantage-là. Après tout, c’étaient mes camarades de lutte. Il m’a fallu dix ans, et la circonstance d’être à l’étranger, pour oser écrire ce texte.

Cet aveu est important, et si nous sommes attentifs·ives aux luttes féministes, nous savons que la question est toujours d’actualité. Claire, ancienne membre du collectif #NousToutes, a créé le « Collectif Enfantiste » parce que ses actions pour les enfants au sein du public féministe étaient invisibilisées.

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  1. Article publié dans L'Ennemi principal ; penser le genre, aux éd. Syllepse ; vous le trouverez ici sous forme de brochure A5 (à imprimer en recto-verso) ou ici au format A4 pour impression ou lecture en continu.[]
  2. Dans toutes les citations, c’est nous qui soulignons (note de l’OVEO).[]

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