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« Pas de vagues » non plus quand les enfants subissent la violence d’un enseignant…

Nous avons reçu ce témoignage rédigé par un collectif de parents d'élèves de l'école Marca de Pau, où une classe de CM1 se vide de ses élèves en réponse à des pratiques violentes et humiliantes de l'enseignante.

Si la justice a seulement imposé un suivi psychologique de neuf mois à celle-ci, les parents d'élèves se sont unis pour dénoncer cette violence "éducative" et attendent toujours des mesures à la hauteur de la situation. Mais l'Éducation nationale, l'autre "Grande Muette", reste jusqu'ici silencieuse. Un témoignage supplémentaire sur le niveau de violence qu’il faut atteindre en France, que ce soit à l’école, dans les familles ou en tout lieu, pour qu’un nombre suffisant d’adultes se mobilisent et qu’il soit reconnu que des enfants ne devraient pas avoir à subir cela. La plupart du temps, et c'est ce qu'on lit dans certains commentaires à propos de cette affaire, on trouve normal que les enfants soient punis, parfois même frappés. Et on argumente sur la violence des enfants eux-mêmes, qui ne vient bien sûr de nulle part. A suivre...


C'est peut-être un record. Mais un triste record. 17 élèves sur les 29 de la classe de CM1 de l'école Marca à Pau ont été radiés 1 depuis la rentrée de septembre. Radiés pour échapper aux agissements de la maîtresse, rapportés par les enfants dès le premier jour de classe. Des faits qu'il serait trop long de lister ici (humiliations, cris, gestes de violence) mais dont la gravité a poussé des parents à saisir la justice. Sept plaintes (pour "violences psychologiques aggravées par l'autorité conférée par la qualité d'enseignante et par la minorité de 15 ans des victimes") déposées la première quinzaine de septembre ont permis d'établir ces faits, alors que l'inspection académique des Pyrénées-Atlantiques préférait jouer la montre (un premier rendez-vous accordé le 14 septembre, 10 jours après les premiers faits) et remettre en question la parole d'une classe entière face à un adulte manifestement dans un total déni.

La procureure de Pau, dans sa décision du 1er octobre, citait “des pratiques visant à proférer des mots dégradants ou à faire répéter des phrases humiliantes devant toute la classe, et des gestes de violence sur le matériel” et prononçait un "classement sous condition de suivi psychologique de 9 mois". Une mesure dite alternative aux poursuites pénales. Si l'enseignante justifie de ce suivi durant 9 mois, elle ne sera pas poursuivie. Pour nous, parents, l'essentiel était là : la justice reconnaissait des faits pénalement répréhensibles, citant des comportements "d'atteinte à l'intégrité de la personne ayant occasionné un trouble psychologique aux enfants tant directement visés qu'à ceux qui en ont été les témoins". L'administration allait enfin pouvoir sauver la face, reconnaître que nos inquiétudes étaient fondées et suspendre l'enseignante, au moins le temps de ces 9 mois de suivi.

L'inspecteur d'académie n'avait-il pas affirmé dans la presse : “Si l’enquête démontre que des violences psychologiques ont bien été commises, nous prendrons nos responsabilités” ?

On ne laisse pas une victime face à son agresseur, moins encore quand ce dernier est un adulte devant des enfants de 9 ans. C'est pourtant ce qu'a délibérément choisi de laisser faire l’Éducation nationale depuis maintenant deux mois et demi, et plus d'un mois après la décision de justice.

“Vous avez de la chance d'avoir une maîtresse remarquable”, lançait à des parents médusés l'inspecteur d'académie, Pierre Barrière, à la veille des vacances de la Toussaint. Pour lui, “l'affaire a été classée”. Circulez, il n'y a rien à voir - surtout, pas de vagues 2 !

Il n'hésitera pas à verser dans le complotisme en évoquant dans la presse “une histoire de vengeance” échafaudée par un parent d'une précédente école de la maîtresse qui aurait fait courir un bruit sur elle et aurait poussé les enfants à comploter à leur tour... Une accusation indigne de la part d'un représentant de la fonction publique qui avait peut-être pour but de détourner l'attention de ses propres manquements, puisque nous savons par ailleurs que la maîtresse qui s'en est prise à nos enfants avait déjà poussé d'autres parents et personnels scolaires d'autres écoles à alerter sa hiérarchie pour des faits comparables. À chaque fois, l'administration avait "fait le nécessaire", c'est-à-dire au pire fermé les yeux, au mieux sermonné l'enseignante (“lui rappeler ses obligations”) ou l'inviter à changer d'établissement pour sévir ailleurs.

Dans la presse encore, le même inspecteur évoquera “un manque de compréhension des méthodes de l'enseignante”. Ce point-là résonne particulièrement avec le combat mené par l'OVEO, que nous espérons voir aboutir avec le projet de loi. Si les violences subies par nos enfants n'ont pas provoqué dans l'administration la réaction de protection de nos enfants que nous pensions évidente, c'est peut-être parce qu'elles ont été exercées dans cette sphère éducative. Alors même que la justice est intervenue et a reconnu des violences psychologiques, la logique de protection de celle qui détient l'autorité a prévalu.

Aujourd'hui, à l'école Marca, l'état des lieux est catastrophique : ceux qui ont choisi de partir subissent une double peine, victimes reconnues et obligés de déraciner leurs enfants d'une école de quartier où ils avaient grandi avec bonheur. Les autres, souvent les plus fragiles (mères célibataires, fratries dans la même école), doivent continuer à confier leurs enfants à celle qui les a violentés et n'a jamais montré le moindre signe de regret ou d'attention devant leur souffrance.

Le ministre Jean-Michel Blanquer rappelait encore récemment la volonté du gouvernement d'offrir aux élèves “non pas un lieu punitif et désagréable, mais au contraire une école de la confiance où l'on va avec plaisir et bonheur pour apprendre”. Exactement l'école Marca que nos enfants avaient connue jusque-là, et qu'ils ont pour certains définitivement perdue en cette funeste rentrée 2018.

Le collectif Marca


A lire sur notre site : VEO institutionnelle et soutien aux "lanceurs d'alerte"

Quelques articles dans la presse :

La République des Pyrénées, le 24 septembre et le 17 octobre 2018

Sud-Ouest le 18 octobre 2018

France Bleu le 2 octobre 2018



  1. Plus exactement, désinscrits par leurs parents. Les deux notes sont de l'OVEO.[]
  2. Allusion à un mouvement qui, jusqu'ici, n'a dénoncé que les violences subies par les enseignants, sans jamais interroger les racines de cette violence ni remettre en question la violence de certains enseignants et du système éducatif lui-même...[]