Quand on a rencontré la violence pendant l'enfance, c'est comme une langue maternelle qu'on nous a apprise.

Marie-France Hirigoyen.

Sept choses que les parents doivent savoir à propos des pleurs du bébé

En relation avec l'article Non, l'empathie ne rend pas les bébés capricieux !, nous publions la traduction française (difficile à trouver sur Internet) d'un grand classique du site Ask Dr Sears :7 Things Parents Should Know About Baby's Cries


1. Les pleurs du bébé : un signal parfait. Les scientifiques ont depuis longtemps émis l'idée que le son des pleurs du bébé avait les trois caractéristiques du signal parfait.

Premièrement, un signal parfait est automatique. Un nouveau-né crie par réflexe. Le nourrisson ressent un besoin qui va déclencher une inspiration d'air soudaine suivie d'une forte expulsion de cet air au travers des cordes vocales, qui à leur tour vibrent pour produire le son que nous appelons "pleurs". Dans les premiers temps, le petit bébé ne pense pas "quelle sorte de son va mener à ce que l'on me nourrisse ?", il crie seulement de manière automatique. De plus, ces pleurs sont produits facilement. Une fois ses poumons remplis d'air, le nourrisson peut émettre ses cris avec très peu d'efforts.

Deuxièmement, les pleurs sont dérangeants d'une manière adéquate : suffisamment stridents pour capter l'attention de celui ou celle qui s'occupe du bébé, mais pas au point qu'il veuille fuir complètement ce son.

Troisièmement, les pleurs peuvent se modifier au fur et à mesure que l'émetteur et le récepteur apprennent à préciser le signal.

Le signal émis par chaque bébé est unique. Les pleurs d'un bébé sont le langage du bébé, et chaque bébé pleure (crie) différemment. Les chercheurs qui s'intéressent à la voix appellent ces sons uniques les "empreintes de pleurs", aussi uniques pour un bébé que ses empreintes digitales.

2. Réagir aux pleurs d'un bébé est biologiquement correct. La mère est biologiquement programmée pour donner une réponse maternante aux pleurs du nouveau-né, et pas pour se restreindre. Des changements biologiques remarquables se produisent dans le corps de la mère en réaction aux cris de son enfant. Lorsqu'elle entend son bébé pleurer, la circulation sanguine augmente dans les seins de la mère, s'accompagnant d'une impulsion biologique de "prendre dans les bras et nourrir". L'allaitement au sein lui-même cause une décharge de prolactine, une hormone que nous supposons être la base biologique de ce que l'on appelle "intuition maternelle". L'ocytocine, hormone qui déclenche le réflexe d'éjection du lait, provoque aussi des sentiments de détente et de plaisir, manière agréable de compenser la tension provoquée par les pleurs du bébé. Ces sentiments vous aident à aimer votre bébé. Mamans, écoutez les signaux biologiques de votre corps quand votre bébé pleure, plutôt que les donneurs de leçons qui vous disent de faire la sourde oreille. Il leur est facile de vous donner de tels conseils, car ils ne sont pas reliés biologiquement à votre bébé. Il ne se passe rien au niveau de leurs hormones lorsque votre bébé crie.

3. Ignorer le signal des pleurs, ou y répondre ? Une fois que vous savez évaluer la signification du signal des pleurs de votre bébé, l'important est de savoir ce que vous en ferez. Fondamentalement, vous avez le choix entre deux solutions : ignorer ou réagir. Ignorer les pleurs de votre bébé est en général une situation perdant-perdant. Le bébé accommodant abandonne et cesse de se manifester, se replie sur lui-même, finit par penser que ce n'est pas la peine de pleurer – et, finalement, que c'est lui-même qui "n'en vaut pas la peine". Le bébé perd sa motivation pour communiquer avec ses parents, et les parents manquent une occasion d'apprendre à connaître leur bébé. Tout le monde y perd. Un bébé avec une personnalité plus marquée - la plupart des bébés aux besoins intenses - n'abandonne pas si facilement. Au lieu de cela, il crie de plus en plus fort et c'est l'escalade dans l'intensité de son signal, le rendant de plus en plus dérangeant. Il y a plusieurs façons d'ignorer ce signal persistant. Vous pouvez attendre qu'il ait fini de pleurer, puis le prendre afin qu'il ne pense pas que ce sont ses pleurs qui ont attiré votre attention. C'est en fait une sorte de lutte pour le pouvoir. Vous apprenez au bébé que vous contrôlez la situation, mais aussi qu'il n'est pas habilité à communiquer. Cela ferme la communication parent-enfant, et, sur le long terme, tout le monde perd.

Vous pouvez aussi vous insensibiliser complètement, jusqu'à n'être plus du tout "dérangé" par les pleurs, et ainsi apprendre au bébé que l'on ne s'occupe de lui que si c'est "le bon moment". C'est une autre situation perdant-perdant. Le bébé n'obtient pas ce dont il a besoin, et les parents se retrouvent dans un état d'esprit qui ne leur permet pas de profiter de la personnalité unique de leur bébé. Enfin, vous pouvez prendre votre bébé pour le calmer, et le reposer ensuite parce que "ce n'est pas encore le bon moment pour le nourrir". Après tout, il doit apprendre à être heureux de façon "autonome". Perdant-perdant encore une fois, il va se remettre à pleurer et vous vous sentirez en colère. Il va apprendre que ses tentatives de communication, bien qu'entendues, n'obtiennent pas la réponse adéquate, ce qui peut l'amener à ne plus se faire confiance : "Peut-être qu'ils ont raison. Peut-être que je n'ai pas vraiment faim."

4. Etre maternante. L'autre choix est de réagir rapidement et de façon maternante. C'est gagnant-gagnant pour le bébé et pour la mère, qui s'appliquent à mettre au point un système de communication utile pour tous les deux. La mère répond promptement et d'une façon judicieuse, de telle sorte que le bébé sera moins désespéré la prochaine fois qu'il aura besoin de quelque chose. Le bébé apprend à "crier mieux", d'une manière moins dérangeante, puisqu'il sait que sa mère va venir. La mère structure l'environnement du bébé en sorte qu'il ait moins besoin de pleurer ; elle le garde auprès d'elle si elle sait qu'il est fatigué et prêt à s'endormir. La mère devient plus sensible aux pleurs, et y réagit donc de façon appropriée. Une réponse rapide lorsque le bébé est tout petit et facilement déstabilisé ou lorsque le cri indique clairement un danger, une réponse plus lente lorsque le bébé est plus âgé et commence à apprendre à résoudre certains désagréments par lui-même.

Répondre de manière appropriée aux pleurs de votre bébé est le premier défi de communication, et le plus difficile auquel vous aurez à faire face en tant que mère. Vous ne maîtriserez ce système qu'après la répétition des milliers d'appels-réponses des premiers mois. Si, dès le départ, vous considérez les pleurs du bébé comme un signal auquel on doit répondre et qu'il faut interpréter plutôt que comme une mauvaise habitude qu'il doit perdre, vous vous donnez la possibilité de devenir experte en tout ce qui concerne votre bébé. Chaque signalétique mère-bébé est unique. C'est pourquoi ceux qui préconisent, face aux pleurs, de "s'entraîner", avec des formules toutes faites du genre "laissez-le pleurer 5 minutes la première nuit, 10 minutes la seconde" et ainsi de suite, ont une vision beaucoup trop limitée.

5. Ce n'est pas votre faute si bébé pleure. Parents, consolez-vous ! Si vous réagissez bien à votre bébé et faites votre possible pour qu'il se sente en sécurité dans ce monde nouveau, ne vous croyez pas en faute si votre bébé pleure beaucoup. De même que ce n'est pas vous qui décidez le moment où votre bébé arrête de pleurer. Bien sûr, restez ouverts pour apprendre de nouvelles façons d'aider votre bébé (par exemple changer son régime alimentaire si besoin, le porter d'une autre façon) et faites appel à votre médecin si vous suspectez une cause physique derrière les pleurs. Mais il y aura des moments, quand vous ne saurez pas pourquoi votre bébé pleure, où vous vous demanderez si le bébé le sait lui-même. Il peut arriver que le bébé ait simplement envie ou besoin de pleurer, ne soyez pas désespéré si aucun de vos remèdes habituels ne marche.

C'est un fait dans la vie des nouveaux parents : bien que les bébés pleurent pour exprimer un besoin, leur manière de pleurer dépend aussi de leur tempérament individuel. Ne croyez pas que les pleurs de votre bébé sont dirigés contre vous. Votre tâche consiste à créer un environnement positif qui fera diminuer le besoin de pleurer du bébé, à lui offrir des bras aimants et détendus pour qu'il ne pleure pas tout seul, et à aller aussi loin que vous le pouvez dans le travail de détective qui consiste à chercher pourquoi votre bébé pleure et comment vous pouvez l'aider. Le reste, c'est le bébé qui décide. "Lorsque je me sentais déstabilisée dans mon maternage, je demandais à une mère calme, raisonnable et impartiale d'observer comment je me comportais avec mon bébé chez moi, un jour ordinaire. Je sais que c'est moi qui en sais le plus sur mon propre bébé, mais il est parfois difficile d'être objective, et la voix de l'expérience peut apporter de l'aide."

6. Ce que la recherche nous apprend. Les chercheures Sylvia Bell et Mary Ainsworth ont mené dans les années 1970 des études qui auraient dû mettre définitivement à l'index les théories sur les "enfants gâtés". (Il est intéressant de noter que, jusqu'alors, les auteurs qui s'intéressaient au développement de l'enfant et préconisaient le "laissez-les pleurer" étaient presque tous des hommes. Il a fallu que des femmes chercheures commencent à rectifier le tir.) Ces chercheures ont étudié deux groupes de couples mère-nourrisson. Le groupe 1 était constitué de mères donnant des réponses promptes et maternantes aux pleurs de leur enfant. Le groupe 2 était constitué de mères plus retenues dans leur réaction. Elles ont trouvé qu'à l'âge d'un an, les enfants du groupe 1, auxquels les mères avaient répondu rapidement et de manière plus maternante, étaient moins portés à recourir aux pleurs comme moyen de communication. Ces enfants semblaient avoir un attachement à leur mère plus sécurisé et avaient développé de meilleures facultés de communication, devenant moins pleurnichards et moins manipulateurs.

Jusqu'à cette époque, on avait fait croire aux parents que s'ils prenaient leur bébé dans leurs bras chaque fois qu'il pleurait, il n'apprendrait jamais à se calmer et deviendrait de plus en plus exigeant. D'autres études ont été menées qui détruisaient définitivement les théories sur les enfants gâtés, en montrant que les bébés dont les pleurs ne recevaient pas une réponse rapide se mettaient à pleurer davantage, plus longtemps, et d'une manière plus dérangeante. Dans une étude qui comparait deux groupes de bébés en pleurs, dans l'un des groupes, les nourrissons recevaient une réponse immédiate et maternante, tandis que dans l'autre groupe, on laissait les enfants pleurer. Les bébés dont les pleurs recevaient une attention appropriée pleuraient moins dans une proportion de 70 %. Chez les bébés qu'on laissait pleurer, à l'inverse, les pleurs ne diminuaient pas. Fondamentalement, la recherche a montré que les bébés dont les pleurs étaient entendus et auxquels on répondait apprenaient à "pleurer mieux", ceux qui étaient le produit d'un style de maternage plus retenu apprenaient à "pleurer plus fort". Il est intéressant de noter que ces études ont montré des différences non seulement dans la manière de communiquer des bébés avec leurs parents selon les réactions qu'ils obtenaient à leurs cris, mais aussi des différences chez les mères.

Ces études ont montré que les mères qui donnaient une réponse plus limitée et moins maternante devenaient graduellement insensibles aux pleurs de leur bébé, et cette insensibilité se propageait à d'autres aspects de leur relation parent-enfant. La recherche a montré que laisser un bébé pleurer "gâte" toute la famille.

7. Pleurer n'est pas "bon pour les poumons du bébé". Un des exemples les plus ridicules du folklore médical est le dicton "laissez-le pleurer, c'est bon pour ses poumons". A la fin des années 70, la recherche a montré que les bébés qu'on laissait pleurer avaient des rythmes cardiaques qui atteignaient des niveaux inquiétants, et que le taux d'oxygène baissait dans leur sang. Quand les pleurs de ces bébés étaient calmés, leur système cardiovasculaire retournait rapidement à la normale, ce qui montre à quel point les bébés reconnaissent rapidement l'état de bien-être au niveau physiologique. Si les pleurs du bébé ne sont pas calmés, il est dans une détresse aussi bien physiologique que psychologique. La croyance erronée selon laquelle pleurer est sain survit aujourd'hui encore dans les échelles du score d'Apgar, une sorte de test que les médecins utilisent pour évaluer rapidement l'état d'un nouveau-né les premières minutes après sa naissance. Les bébés obtiennent deux points supplémentaires pour "cris vigoureux". Je me souviens avoir réfléchi sur ce concept au milieu des années 70 alors que j'étais directeur d'une pouponnière dans un hôpital universitaire, avant même de devenir le père d'un bébé aux besoins intenses, ce qui a fait de moi un ferme opposant au "laissez-les pleurer". Il me semblait que donner des points pour des cris était une absurdité d'un point de vue physiologique. Le nouveau-né dans un état de veille calme, respirant normalement, et de fait plus rose que l'enfant qui pleure, perdait des points au score d'Apgar. Je continue de m'étonner que le plus remarquable des sons humains, les pleurs du bébé, reste aujourd'hui encore si largement incompris.

(Traduction anonyme. Révision : Catherine Barret.)


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