C'est à l'échelle mondiale qu'il faut désormais inventer de nouveaux concepts mobilisateurs, pour parvenir à cet idéal : l'égalité en dignité et en droit de tous les êtres humains.

Françoise Héritier, anthropologue, ethnologue, féministe, femme politique, scientifique (1933 – 2017)

Les hommes et la violence (1/5)

Des statistiques récentes ont montré que 90% des personnes soupçonnées d'homicide (assassinat, meurtre, coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner) en Suède sont des hommes. À l'automne 2008, une campagne nationale « Samling mot mäns våld »(Ensemble contre la violence masculine) a été lancée dans le but de de sensibiliser l'opinion publique et les dirigeants politiques au problème de la violence des hommes envers les femmes, les enfants et les autres hommes. La campagne souligne le besoin d'informer, mais surtout d'impliquer les hommes et les garçons dans le travail de réflexion sur l'égalité des sexes, de prévention et de lutte contre la violence des hommes. Elle a été initiée par l'association Män för Jämställdhet (Des hommes pour l'égalité des sexes) qui lutte pour la promotion de l'égalité des sexes, pour la paix rendue aux femmes et contre la violence des hommes. À cette occasion, et dans le but d'essayer de comprendre le pourquoi de cette violence masculine, le quotidien suédois Dagens Nyheter a publié une série d'articles sur le thème « Les hommes et la violence ». Des hommes y relatent leur expérience et leur vécu de la violence, des spécialistes nous font aussi part de leurs théories.

Project NoSpank

Nous publions, sur notre site, avec leur accord une traduction de ces articles qui sont, de près ou de loin, liés au phénomène de violence éducative. Dans les deux premiers, il est clairement fait un lien entre la violence des hommes à l'âge adulte et l'usage des châtiments corporels contre eux par leurs parents durant l'enfance. Les articles suivants soulèvent eux la question des différences quant aux attentes qui peuvent exister dans la société occidentale sur le comportement des femmes et des hommes, et donc des différences dans les formes de violence éducative ordinaire infligées aux enfants selon leur sexe. Le fait évoqué que les filles commencent à devenir violentes à la manière des garçons, ou la situation préoccupante des enfants des "classes basses" tels ceux des banlieues suédoises caractérisées par la ségrégation sociale et ethnique, sont des exemple de conséquence de la veo, et souligne la nécessité d'une réflexion à tous les niveaux de la société. Enfin, dans le dernier article, la question de la "nature violente" de l'homme est aussi soulevée et débattue entre un sociologue et un biologiste.

Photo: Fredrik Funck


Les garçons sont plus souvent battus que les filles

Par Gert Svensson
Publié par le quotidien suédois Dagens Nyheter le 24/11/2008

La violence brutale est un problème masculin, dit le psychologue Peter Johansson. Il travaille depuis 1997 au centre national pénitentiaire de Kumla (Suède), où sont internés et examinés tous ceux qui ont été condamnés à quatre ans de prison et plus.

Dans cette arrière-cour de la masculinité se retrouvent ainsi des meurtriers, voleurs, violeurs, hommes maltraitant les femmes et autres adeptes du coup de poing. Peter Johansson et ses collègues s'entretiennent avec eux, étudient leurs antécédents et leur parcours et essaient de déterminer le lieu adéquat où chacun purgera sa peine, et de quelle forme de thérapie il peut avoir besoin.

« On trouve chez la plupart des criminels violents l'expression d'un comportement antisocial. Cela signifie, entre autres, qu'ils sont très arrogants, qu'ils manquent totalement d'empathie, qu'ils sont irresponsables et mentent beaucoup, qu'ils sont à la fois impulsifs et manipulateurs, et qu'ils ont tendance à manifester très peu de remords. »

Comment un enfant peut-il devenir un tel adulte ? La plupart des chercheurs dans ce domaine considèrent que l'héritage génétique joue un rôle tout autant que l'environnement : certains individus, par exemple, sont génétiquement plus vulnérables et donc plus susceptibles de développer un comportement antisocial et un mode de vie violent ; d'autre part, l'un des principaux facteurs sociaux de risque dans le développement de ce type de comportement est une enfance où des violences physiques et psychologiques accompagnent une vie difficile et la pauvreté.

Mais pourquoi les garçons ont-ils plus souvent tendance à devenir violents que les filles ?

« On pourrait l'expliquer en partie par la biologie, dit Peter Johansson. Mais je crois aussi que les garçons sont beaucoup plus souvent battus que les filles. J'ai interviewé des centaines d'hommes violents - presque tous ont été gravement maltraités durant l'enfance. Et il est clair que les plus violents de ces hommes ont eu des enfances parmi les plus tragiques, souvent marquées par les coups de poings et la bastonnade. »

Avec un aussi lourd passé, on devient facilement quelqu'un qui fait peur, explique Peter Johansson. Et faire peur, c'est précisément ce que souhaitent beaucoup de ces machos.

« Ils vivent à l'extrême la culture masculine qui est la norme de notre société. Ils cultivent la force physique en s'entraînant et en développant leurs muscles, ils attachent beaucoup d'importance à la virilité et ne jurent que par la violence pour résoudre les conflits. Et la violence fonctionne aussi bien dans la rue qu'en prison - c'est pour cela qu'on l'utilise. A court terme, on obtient tout ce qu'on veut. »

Qui plus est, la violence se reproduit.

« Ces hommes ont eu des pères violents comme modèles, et, malheureusement, ils deviennent souvent brutaux envers leurs propres enfants. C'est de cette façon que la violence se transmet dans la société, de génération en génération », dit Peter Johansson.


Traduit du suédois par David Dutarte.
Adapté par Catherine Barret.


La compagne de Kenneth a fini par lui poser un ultimatum ->

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