Vous dites : « C’est épuisant de s'occuper des enfants.» Vous avez raison. Vous ajoutez : « Parce que nous devons nous mettre à leur niveau. Nous baisser, nous pencher, nous courber, nous rapetisser. » Là, vous vous trompez. Ce n'est pas tant cela qui fatigue le plus, que le fait d'être obligé de nous élever jusqu'à la hauteur de leurs sentiments. De nous élever, nous étirer, nous mettre sur la pointe des pieds, nous tendre. Pour ne pas les blesser.

Janusz Korczak, Quand je redeviendrai petit (prologue), AFJK.

Rencontres de l’OVEO le 21 octobre : une journée dédiée aux questions de violence éducative et de domination adulte

L'OVEO organise le 21 octobre une première édition des "Rencontres de l'OVEO" à l’École démocratique de Paris (6-8 rue Léon Giraud, 75019 Paris). Cette journée sera l'occasion de conférences sur la domination adulte et la violence éducative ordinaire et d’ateliers militants.

L'objectif de ces Rencontres est de mettre en place un réseau de personnes sensibilisées et concernées par la critique des dominations subies par les plus jeunes.

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Le Comité des droits de l’enfant de l’ONU reprend des recommandations faites par l’OVEO

Résumé : Dans ses conclusions rendues le 2 juin 2023, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU salue le vote en France de la modification de la loi sur l'autorité parentale du 10 juillet 2019 précisant que "l'autorité parentale s'exerce sans violences physiques ou psychologiques". Dans son analyse de cette loi, le Comité reprend une partie de nos recommandations :

  • mener des campagnes d’information nationales ;
  • renforcer la formation de tous les professionnels en lien avec des enfants ;
  • mettre en place des mesures de sensibilisation sur la violence éducative ordinaire ;
  • remplacer le terme d’autorité parentale par le terme de responsabilité parentale dans les lois.
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La violence

Selon les étiquettes sociales, je suis ce qu'on appelle une enfant battue. La violence s'est installée, sournoisement, au quotidien, dans une famille nombreuse, catholique, patriarcale. Trop d'enfants pour deux parents fragiles qui ont lui et elle-même connu la violence. Mère violentée sexuellement par l'un de ses frères pendant des années, dans le tabou des belles familles aristocrates. Père, fils de petit commerçant, élevé à la dure.

Le cycle de la violence qui s'installe. D'abord psychologique, par la faiblesse mais la force de la domination, l'emprise du patriarche craint par sa femme et ses enfants, surtout les filles. Puis les coups qui arrivent, on ne sait pas quand, comment, pourquoi. Parce que la journée a été longue et fatigante et qu'on est là au mauvais endroit, au mauvais moment.

Les cris, les gueulantes, les coups de fourchette sur les doigts pendant les repas, le silence imposé parce qu'on est enfant et que seul·es les adultes ont le droit de parler.

Se réfugier dans le silence, les rêves.

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Le roman Sa Majesté des mouches, de Samuel Golding, une nouvelle fois démenti

Par Olivier Maurel

Image extraite du film Sa Majesté des mouches de Peter Brook (1963)

Le roman de Samuel Golding, Sa Majesté des mouches (Lord of the Flies), publié en 1954, est une des grandes références littéraires du XXe siècle. Il a été plusieurs fois classé parmi les meilleurs romans du XXe siècle, et adapté au théâtre, au cinéma et dans des séries télévisées. 

Ce roman raconte l’histoire fictive d’un groupe d’enfants de la haute société britannique qui ont survécu à la chute de leur avion sur une île déserte du Pacifique. Ils tentent d’organiser une société selon les principes qu’ils ont appris, mais bien vite des relations de domination et de violence s’installent et les enfants en arrivent à s’entredétruire.

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Leurs vies ne comptent pas… 

Article rédigé par Daliborka Milovanovic publié dans la revue Enfantillage (lien de l'article).

Pour les jeunes de banlieues, la France n’est pas un État de droit

Le 29 juin dernier, à Nanterre, un adolescent est exécuté sommairement au volant de son véhicule par un policier. Tout simplement exécuté. Éradiqué.

Les récits des circonstances de l’exécution diffèrent, se contredisent. Mais il n’est nul besoin ici de narrer les circonstances de ce qui n’en demeure pas moins un meurtre. Et donc un crime.

Nahel était-il en train de conduire de façon cavalière ? Était-il « déjà connu des services de police » ? Avait-il « refusé d’obtempérer » ? Était-il titulaire ou non d’un permis de conduire ? Sa conduite ou son comportement allaient-ils porter préjudice à des personnes ? Aucune réponse à ces questions secondaires, et pour certaines spéculatives, ne permettrait de justifier ou d’excuser l’acte de tirer à bout portant sur un humain qui est en position de faiblesse. Comment qualifier autrement le fait d’être à portée d’une arme mortelle autrement que de position de faiblesse ?

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Nahel et les « jeunes de banlieue » : violences policières et domination adulte

« Nous ne vivons pas une crise de l’autorité parentale mais une crise de notre capacité à protéger les jeunes personnes et à leur donner du pouvoir dans l’espace démocratique »

La convergence des violences racistes et de la domination adulte

Zyed et Bouna avaient 17 et 15 ans, Adama Traoré avait 24 ans, Nahel avait 17 ans. 

Nous savons depuis des années le caractère raciste et classiste des violences policières. La dimension de l’âgisme et de la domination adulte est systématiquement non-conscientisée et demeure un impensé. Or la domination adulte et les discriminations âgistes (fondées sur l’âge) contribuent à banaliser et à légitimer certaines formes de violence et d’oppression.

Dans les médias, dans la recherche en sciences sociales ou dans les milieux militants, l’âge des victimes de violences policières et leur statut de « jeune personne » est mentionné mais il est rarement approfondi. 

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Le corps de l’enfant est un objet et l’adulte se sert : le baiser forcé du Dalaï-lama et la culture de la domination adulte

Par Gabriel, membre de l’OVEO

Le lundi 10 avril 2023, le Dalaï-lama s’est excusé d’avoir demandé à un petit garçon de lui « sucer la langue ».

Lors de cet événement public organisé à Dharamsala (une ville du nord de l’Inde), un jeune garçon s'approche du lauréat du prix Nobel de la paix et lui demande : « Puis-je vous serrer dans mes bras ? » Le Dalaï-lama commence par lui présenter sa joue pour profiter d’une bise lors d’un câlin en lui disant : « D'abord ici. » Puis il prend la main du garçon qui s’apprête à partir et renchérit en montrant ses propres lèvres. Devant l’absence de réaction du garçon (qui ne serait pas pétrifié d'être ainsi sollicité en public par l’une des personnalités religieuses les plus importantes du monde ?), l’octogénaire décide de l’embrasser sans lui demander son consentement. Enfin, le Dalaï-lama tire sa langue et demande au garçon : « Suce ma langue. »

Ce n’est pas qu’un « bad buzz », un « dérapage » ou un « incident » : cette scène révèle le caractère systémique de la domination adulte et de la culture de la violence éducative ordinaire

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Réflexions sur la pertinence de la formule « violence éducative ordinaire »

Par Daliborka Milovanovic, membre et actuelle présidente de l'OVEO.
Texte publié sur le site enfantillage-larevue.fr

Régulièrement, la formule « violence éducative ordinaire » est remise en cause, aussi bien par les nostalgiques de la libre fessée et de la mise au coin que par des alliés authentiques des enfants. Pourtant, cette formule concise permet de résumer en trois mots la nature des rapports que les adultes entretiennent avec les enfants. Le sigle VEO fonctionne comme aide-mémoire pour retenir le syllogisme de l’oppression des jeunes : 

  • L’éducation est le cadre indépassable de toute interaction avec un enfant.
  • La violence est inhérente à tout geste éducatif.
  • Les jeunes, ordinairement éduqués, sont donc ordinairement violentés.
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Une pratique soigneusement ritualisée

Témoignage reçu par Olivier Maurel

Ce qui va suivre n'emprunte rien ni à la littérature, ni à la psychanalyse. Il est vrai, dans chacun de ses détails, que j'ai voulu d'une extrême précision. Rien d'inventé, rien de romancé. Relation froide, presque clinique, de ce qui m'est arrivé il y a exactement soixante-dix ans (j'en ai aujourd'hui 84). Blessures mal soignées, cicatrices encore douloureuses si longtemps après, ce témoignage (que je voulais écrire depuis très longtemps sans jamais m'y résoudre) s'inscrit dans le combat que mène depuis des années Olivier Maurel pour dénoncer des pratiques destructrices des personnes et des familles. Parfois, on le verra, jusqu'à la mort.

Aucune considération « morale ». Je n'excuse rien. Je n'explique rien. Je ne pardonne rien. Je me borne à raconter ce que j'ai vécu. Les faits, rien que les faits, pour ne pas enfouir dans l'oubli ce qui m'a obsédé pendant toute ma vie d'adulte ; pour me libérer enfin d'un très lourd secret avant qu'il ne soit trop tard.

Il ne s'agit pas seulement ici de ces pratiques, certes, certes inadmissibles, mais malheureusement trop banales, que sont les fessées dénoncées par Olivier Maurel, mais de très perverses « corrections » où le martinet devient l'instrument d'un délire presque obsessionnel, monstrueux, sadique, mal dissimulé sous le vocable inoffensif de « châtiment corporel ». Nous ne sommes pas dans la partie émergée de l'iceberg, pour reprendre le mot qu'utilise Olivier Maurel, mais dans les profondeurs glauques du non-dit, du jamais-dit, de l'inavoué.

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L’Histoire de la fille d’une mère qui devient la mère d’une fille qui ne sera pas mère

L’Histoire de la fille d’une mère qui devient la mère d’une fille qui ne sera pas mère est un seule-en-scène, traitant de la transmission de traumatismes et de relations parent-enfant ordinairement violentes. Émilie Alfieri y campe tour à tour le rôle de chaque femme de cette lignée sur trois générations.

La performance d’Émilie Alfieri a impressionné plusieurs de nos membres qui ont pu assister à une représentation captée en 2018. Son jeu est précis et parfaitement nuancé. Les dialogues – dont on n’entend qu’une voix mais qui permettent de deviner tout le contexte – sont percutants et justes. La mise en scène sobre et astucieuse est particulièrement efficace. 

L’Histoire de la fille d’une mère qui devient la mère d’une fille qui ne sera pas mère est une pièce qui ne peut qu’émouvoir, voire bouleverser le/la spectateur·rice selon la résonance avec sa propre histoire familiale. 

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