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Rencontres de l’OVEO le 21 octobre : une journée dédiée aux questions de violence éducative et de domination adulte

(Article mis à jour le 16 octobre 2023)

L'OVEO organise le 21 octobre une première édition des "Rencontres de l'OVEO" à l’École démocratique de Paris (6-8 rue Léon Giraud, 75019 Paris).

Cette journée sera l'occasion de 15 contributions sur la domination adulte et la violence éducative ordinaire et d’ateliers militants壯陽藥 strong>. Les contributions se feront sous la forme de 3 tables rondes.

L'objectif de ces Rencontres est de mettre en place un réseau de personnes sensibilisées et concernées par la critique des dominations subies par les plus jeunes.

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Quand prendre en compte les droits et besoins fondamentaux des plus jeunes engendre une panique morale

S'il est indiqué que le collectif des signataires est composé de plus de « 800 experts », beaucoup n'en sont pas en réalité.

La rentrée 2025 a été l’occasion de nouvelles prises de position médiatisées en faveur du maintien d’une culture de la punition et de la domination adulte.

La tribune publiée en opposition au référentiel national de la qualité d’accueil du jeune enfant (voir notre article dédié) a donné lieu à quelques articles et interviews dans l’ensemble peu nuancés.

En effet, les médias ont davantage mis en avant les arguments mentionnés dans la tribune, en donnant souvent peu de place aux éléments précisés dans le référentiel, voire en dénonçant des points présentés de façon caricaturale. 

Ainsi, dans cette interview sur RMC, Caroline Goldman parle d'« aliénation organisée » : « on ne peut pas régler le problème de la peste en amenant le choléra » (en évoquant la maltraitance en opposition à l’absence de punitions). 

Dans une autre intervention pour France Info, le pédopsychiatre Patrick Ben Soussan évoque « une ode à la crétinisation de la petite enfance ».

Sur TF1 (à 1h03), « c’est l’enfant-roi » est l'expression qui définirait « l’éducation positive », dont émanerait ce nouveau référentiel, selon les chroniqueurs et intervenant·es qui s'y montrent opposé·es, en méconnaissance de son processus de construction ayant largement associé les professionnel·les concerné·es. 

D’autres titres de presse semblent aller dans ce sens également : 

D’autres articles sont plus nuancés : 

Notons que lorsqu’il y a (rarement) débat (ici entre Caroline Goldman et Jean-Baptiste Frossard, membre de l’IGAS et du comité de pilotage du référentiel), celui-ci permet d’apporter des précisions et des nuances, Caroline Goldman elle-même semblant plus mesurée. 

Une notion revient souvent dans la bouche des tenants d’une approche punitive, celle de « bon sens », comme une évidence. Ainsi, si le référentiel constitue une avancée, nous constatons que l’approche punitive conserve un fort ancrage culturel.

Un nouveau référentiel pour les professionnel·les de la petite enfance

Le ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles a récemment publié le Référentiel national de la qualité d’accueil du jeune enfant.

Il est le fruit d’un travail collaboratif de plusieurs mois avec des professionnel·les du secteur de la petite enfance, à la suite des dysfonctionnements constatés au sein des structures d’accueil des jeunes enfants (enquête IGAScommission d’enquête parlementaire, livres-enquêtes Le Prix du berceau, de Daphné Gastaldi et Mathieu Perisse, et Babyzness, de Bérangère Lepetit et Elsa Marnette).

Ce référentiel s’adresse aux établissements d’accueil du jeune enfant, aux assistant·es maternel·les (à leur domicile, au sein des crèches familiales), aux auxiliaires parentaux intervenant au domicile des parents, aux autorités de contrôle et d’accompagnement (PMI, CAF, inspection du travail…).

Il concerne aussi les élu·es et l’ensemble des acteur·ices de la petite enfance : relais petite enfance, lieux d’accueil enfants-parents, classes passerelles et toutes petites sections de maternelle pour les 2-3 ans, protection de l’enfance pour l’accueil et l’accompagnement des enfants de zéro à trois ans.

Éviter toute violence éducative

Ce référentiel s’appuie sur la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE, 1989) et prend notamment en compte la loi du 10 juillet 2019 interdisant les violences éducatives ordinaires.

La philosophie générale du texte met l’accent sur la nécessité d’un accueil bienveillant des manifestations émotionnelles du tout jeune enfant. Sont clairement identifiées comme maltraitantes des postures éducatives qui privilégient la punition et la mise à l’écart (« time-out »).

On y parle de sécuriser l’enfant et non pas de le discipliner, et de proscrire toute approche punitive dans le cas où les enfants ne respectent pas le cadre. Il est recommandé de questionner « les interdits formulés, pour se demander si ces interdits sont réellement légitimes et nécessaires, et s’ils répondent aux besoins de l’enfant ou plutôt aux attentes de l’adulte ». Un ensemble de recommandations qui aurait pu intervenir il y a bien longtemps, notamment à la suite de la loi du 10 juillet 2019, et qui pourrait inspirer les pratiques de tous les professionnel·les de l’enfance.

Les adeptes du « time-out » s’insurgent

Un référentiel qui va véritablement dans le bon sens et à contre-courant des appels à plus de répression et d’autorité habituellement ressassés, mais qui n’a pas manqué de faire réagir la psychologue C. Goldman, adepte de la « la mise à l’écart du jeune enfant ». Elle a publié une tribune signée par de nombreux professionnels, dont certains s’étaient opposés à la loi interdisant les violences éducatives.

Les professionnels à l’initiative du référentiel ont choisi de répondre à cette tribune, nous en publions l’intégralité :

Référentiel national : la mise au point du comité de pilotage et du comité scientifique :

En juillet 2025, la France s’est dotée pour la première fois d’un référentiel de pratiques pour l’accueil des bébés et des enfants de moins de 3 ans chez les assistants maternels, au domicile de leurs parents et dans les crèches. Comment accompagner les pleurs du jeune enfant, sécuriser son sommeil, favoriser le développement du langage, réagir à ses émotions, réguler l’usage de la tétine…

Sur l’ensemble de ces questions, le référentiel définit les attendus qui doivent composer le socle commun à partir desquels travaillent les professionnels de l’accueil. Fruit du travail de plus de 200 personnes, chercheurs, professionnels de terrain, institutionnels, puis affiné dans un processus itératif auprès de plus de 2 000 professionnels et acteurs de la petite enfance, il s’appuie sur un ensemble de connaissances scientifiques actuelles sur le jeune enfant (psychologie du développement, théorie de l’attachement, sciences du comportement, neurosciences…), et se situe au croisement de la recherche et de la pratique concrète du quotidien de l’accueil.

Dans une tribune publiée le 20 août dans Le Point, un collectif d’auteurs a accusé ce texte de promouvoir une « idéologie positive dévoyée » et de défaire l’autorité éducative en refusant de recourir à la sanction, à la punition et à l’isolement dans l’accueil des bébés et des enfants de moins de 3 ans.
Ces positions relèvent d’une méconnaissance du jeune enfant et de ce que les dernières décennies de recherche nous ont appris de son développement, de ses besoins et de ses droits. L’enfant de moins de 3 ans est un être profondément immature et vulnérable : il n’est en capacité ni de se défendre ni de se réguler seul, et ne peut se construire que sous le regard bienveillant d’un adulte qui l’accompagne.

L’éducation du jeune enfant n’est pas un dressage. Plus il sera sécurisé affectivement par une relation chaleureuse et empathique avec l’adulte, plus il développera ses propres capacités d’empathie et ses aptitudes à interagir de façon harmonieuse et prosociale avec les autres, dans toutes les sphères de sa vie.

Accueillir le jeune enfant, c’est l’accompagner dans son développement, l’orienter, lui donner les ressources pour se construire, lui fournir la sécurité affective et physique nécessaire pour explorer le monde.

Ceci ne signifie pas qu’il ne faille pas donner à l’enfant des cadres et des repères. Ces cadres sont nécessaires à la construction de l’enfant et le sécurisent : il est de la responsabilité de l’adulte de dire ce qui est permis et ne l’est pas. Mais ces cadres sont posés sans violence éducative, ni physique, ni psychologique.

Il est fréquent par exemple que les professionnels de crèche doivent gérer des enfants qui mordent ou qui tapent. Sur le plan éducatif, il est tout à fait contreproductif dans ces situations de crier, de dire à l’enfant qu’il est méchant, de le punir ou de l’isoler.

L’adulte est là pour rappeler à l’enfant le cadre, sécuriser l’enfant qui a été mordu, mais aussi chercher à comprendre ce qui se passe chez l’enfant qui manifeste ces comportements de façon régulière et l’aider à développer d’autres modalités de régulation de ses émotions et de la frustration. C’est précisément l’expertise des professionnels de l’enfance que de chercher à comprendre ce qu’il exprime et de l’accompagner vers des comportements plus constructifs.

La punition n’apporte aucun bénéfice en termes de développement de l’enfant. Ce point a fait l’objet d’une abondante littérature scientifique. Certes, punir fait généralement cesser le comportement non désiré dans l’immédiat, mais elle ne favorise pas le développement des comportements prosociaux et des compétences émotionnelles et sociales sur le long terme, et peut au contraire renforcer les comportements antisociaux.

De façon générale, les professionnels de l’accueil n’utilisent pas des approches punitives. Les auteurs de la tribune préconisent que les crèches conservent un coin pour isoler les enfants lorsqu’ils n’ont pas respecté les règles : ce type de pratiques maltraitantes n’est pas accepté ni mis en œuvre dans les crèches, fort heureusement !

Si un enfant peut être mis à l’écart du groupe pour son confort et/ou pour la sécurité des autres enfants, cela se fait de manière respectueuse et non punitive, en présence rassurante d’un adulte : un groupe d’enfants peut en effet être un environnement sur-stimulant qui augmente le stress des enfants accueillis et leur impulsivité.

Oui, il arrive qu’un enfant de moins de 3 ans se roule par terre, pleure d’une façon qui paraisse excessive par rapport à la cause… Le sentiment qu’il faut le « cadrer » en lui disant d’aller au coin ou d'« arrêter son cinéma » relève néanmoins d’une incompréhension des émotions vécues et d’une méconnaissance du développement des compétences d’autorégulation chez l’enfant. Un enfant de moins de 3 ans n’est pas en capacité de réguler seul ses émotions ou de différer dans le temps l’expression de ses besoins. Son cerveau n’est pas assez mûr pour ce type d’opérations. Il l’apprendra progressivement, et d’autant mieux qu’il aura été accompagné et régulé dans ses manifestations émotionnelles avec l’aide de l’adulte.
C’est là le processus de développement normal du cerveau humain que l’on connaît depuis désormais bien longtemps.

Le référentiel de qualité d’accueil réaffirme les valeurs qui guident au quotidien des milliers de professionnels qui œuvrent à l’accueil des bébés et des enfants de moins de 3 ans, et qui fondent le service public de la petite enfance. La violence n’y a pas sa place. C’est en accompagnant, en encourageant, en sécurisant, en donnant aux enfants les ressources et les repères pour construire leur identité et leur estime de soi que l’on aidera les individus à grandir, à trouver leur équilibre individuel et à entretenir des relations sociales harmonieuses.

Je ne guérirai pas de cette enfance…

Est-ce que je vais arriver à témoigner ?

J’ai 67 ans, ma mère en a 97. Mon père est décédé il y a quelques années. J’ai sept frères et sœurs, je suis la quatrième.

Je voudrais commencer par remercier ma mère d’avoir vécu si longtemps. Pas pour le bonheur qu’elle m’a apporté mais pour la réalité que sa longue vie m’a permis de mettre au jour. J’ai mis du temps à réaliser, beaucoup beaucoup de temps. Ce sont mes enfants qui m’y ont aidée. Mon fils aîné, diagnostiqué adulte d’un TDAH sévère, de multi-dys, et d’un stress post-traumatique, ma fille presque “parfaite” mais poursuivie par la charge qui a pesé sur elle de devoir réparer une famille pleine de trous. Et puis il y a eu un événement déclencheur, la révélation de mon plus jeune frère abusant sexuellement de sa belle-fille de 12 ans. Autant dire que ma relation à la famille, déjà passablement difficile, est devenue catastrophique.

Ma mère vit encore, et c’est pourquoi témoigner est si difficile.

Puis-je me permettre de poser sur elle le diagnostic de TSA (trouble du spectre autistique) ? J’hésite car je n’ai partagé cette hypothèse avec personne d’autre que mes enfants. J’hésite car j’aurais tellement, tellement, tellement voulu être une bonne fille, aimante et indulgente. Les quelques personnes de mon entourage qui m’ont fait part de leur amour pour l’un ou l’autre de leurs parents, voire les deux, ont toujours éveillé en moi un vertige : c’était donc possible d’aimer sa maman ?! Mais quelle chance !! Quelle chance, pour ces personnes, de vivre avec cette certitude, cette confiance, cette chaleur en elles ! Et j’avais beau m’efforcer, chercher, scruter mon enfance, j’avais beau tester des pensées, gestes ou paroles aimantes, je me sentais infiniment vide de cet amour, comme en deuil d’une totale inconnue.

J’ai du mal à témoigner parce que je lis, ici ou là, qu’on peut être une bonne mère malgré un TSA, et témoigner pourrait revenir à le nier, ce que je ne souhaite pas.

Ma mère n’était pas une mauvaise personne, perverse par exemple. Ni physiquement violente. Non, elle était simplement submergée par son émotivité, ses frustrations, ses intolérances à tout (bruits, odeurs, imprévus…) et ses contrariétés incessantes. Elle était “mère au foyer”, elle qui a toujours rêvé d’une carrière artistique et nomade. Elle n’a eu pour ses enfants que des mots tranchants, définitifs, insensés. Car le dialogue, la douceur, l’équanimité étaient autant de capacités qui lui manquaient absolument. Contrariée, elle perdait toute intelligence. J’entends par intelligence, la possibilité de prendre du recul, d’être curieuse, de s’ouvrir à d’autres intérêts que les siens seuls. Et contrariée, elle l’était du matin au soir. Alors les mots cinglants et les regards noirs pleuvaient, et le silence de plomb ensuite, interminable ; elle boudait. Pendant des heures, des jours. Et jamais, en 67 ans de sa fréquentation, je ne l’ai entendue s’excuser. S’excuser c’eût été s’abaisser. Car elle était, et reste, d’une fierté maladive. Fierté ou orgueil, je ne sais pas bien. Je devine, derrière ce trait de caractère, une histoire familiale d’aristocratie déchue, ruinée, étouffée par orgueil, reconstruite à la force du poignet, à la force tout court, marche ou crève !

Ma mère était régulièrement prise de panique quand une situation lui échappait. Habituellement, elle se maintenait très haut sur son piédestal, avec une violence et un aveuglement proche de l’égotisme, sauf quand elle s’effondrait, au plus bas, d’un coup, à cause d’un train en retard ou de l’annonce à la radio d’un accident mortel dont elle s’empressait d’imaginer l’un de ses enfants victime. Sa chute était atroce à voir, pour nous ses enfants. Nous n’existions plus, plus du tout, un mur s’était abattu sur elle, de silence et de haine, la coupant du monde. Une sorte de coma.

C’est difficile de témoigner parce que dans VEO, il y a “éducatif1”. La violence de ma mère n’était pas “éducative”. Elle n’employait pas sa violence au prétexte de nous éduquer. Elle était débordée par les épines acérées qui sortaient d’elle à chaque contrariété. Incapable de les réfréner, incapable de mesurer le mal qu’elle nous faisait. À l’adolescence puis à l’âge adulte, quand j’ai commencé à remettre en question sa violence, à exprimer clairement ma douleur après telle ou telle de ses réactions massacrantes, elle disait toujours… Oh ben moi, j’ai tourné la page. Oui, elle, elle tournait la page. Des pages et des pages tournées, des pages de plomb sur nos cœurs meurtris. Jamais aucune excuse, aucun remord, aucune parole de réconfort ou de réconciliation.

Elle nous traitait de… chochotte ! Quiconque ne supportait pas ses mots horribles était une chochotte. Bien sûr, dans un climat violent c’est l’argument massue. (Marche ou crève…)

J’ai découvert récemment ce qu’était l’alexithymie (“Difficulté à identifier, différencier et exprimer ses émotions, ou parfois celles d’autrui”, selon Wikipédia). J’ai pu enfin mettre un mot sur ce que j’avais identifié depuis longtemps. Un jour où je parlais avec elle d’empathie, elle a ricané… Ah ! l’empathie, c’est ridicule ! Je ne sais même pas ce que c’est, ça ne m’intéresse pas !

Et comme j’insistais… Moi, je ne suis pas une sainte, et j’aurais horreur d’en être une !

Et si je lui demandais pourquoi elle était si méchante… C’est ce qui me tient en vie ! Ma sœur était trop gentille et elle en est morte !

Si j’ai du mal à témoigner, c’est que j’ai infiniment pitié d’elle. J’y ai mis le temps mais j’ai fini par comprendre qu’elle était enfermée dans une violence impensée et impensable. Cela m’a aussi aidée à avoir pitié de moi. J’avais tellement souffert, et pas – seulement – parce que j’étais une chochotte.

J’ai du mal à témoigner parce qu’il y a ce frère coupable, son plus jeune fils. Ma mère ne peut pas parler de ce qu’elle ressent, comme elle a toujours peiné à parler des choses pénibles. Comment aurais-je réagi à sa place ? La famille qui se divise, menace de s’effondrer sur elle-même…

Mais ce qui devait arriver est arrivé. Je m’en suis écartée, ou j’ai été écartée. Je voulais qu’on parle, je voulais qu’on revisite l’histoire familiale, je voulais savoir si il existait des liens entre le crime de mon frère et notre éducation, l’alexithymie et les comportements impulsifs et rejetants de notre mère… Je voulais aussi parler de nous, ses enfants, avec nos manies, nos difficultés relationnelles… Mais mon besoin était inacceptable. Une fin de non-recevoir, car il fallait tourner la page, même cette horrible page-là. Je suis devenue la remueuse de m…

J’ai été aidée à surmonter cette épreuve-ci par Camille Kouchner et toutes les victimes ou témoins d’inceste silenciées.

La violence de ma mère n’était pas non plus “ordinaire”.

Je ne sais pas ce qui peut être fait en matière de prévention et d’actions politiques pour épargner aux enfants la violence – non systématique, je le redis – de parents ou d’adultes porteurs de troubles de la personnalité, psychiatriques, neurodéveloppementaux. Or j’ai l’impression d’observer autour de moi beaucoup de situations entrant dans ce cas de figure.

Dans les institutions, crèches, écoles ou Ehpad par exemple, oui bien sûr, il faut absolument poser des limites très strictes et faire du repérage. Ailleurs, faire autant de pédagogie que possible. Mais l’amoureux·e qui veut un bébé n’a pas forcément conscience de son TSA ou de sa personnalité borderline. Le rêve de l’enfant “parfait” et “réparateur”, l’image idyllique de la maternité données par les médias, ou la pression familiale, peuvent occulter des difficultés relationnelles, psychiques, existentielles qui se révéleront plus tard au contact de l’enfant. Les témoignages sur l’épreuve de devenir parent se multiplient sur le net, mais se faire aider ne va pas de soi, ce n’est pas encore “naturel”, ni accessible à chacun·e. C’est même le contraire, me semble-t-il. Là, il y aurait un gros travail à faire pour dé-stigmatiser ce besoin d’accompagnement, quelles que soient les difficultés rencontrées.

Quand j’ai demandé à ma mère pourquoi elle avait eu autant d’enfants, sa réponse m’a stupéfaite. J’étais folle, m’a-t-elle dit. C’est aussi le mot qu’elle employait pour décrire, longtemps après, ces moments de panique. Pour autant, prise dans le tourbillon de la vie et peu portée à se remettre en question, elle n’a pas cherché d’explication ni de solution à sa “folie”.

Ma vie a été bancale. L’insécurité y a régné en maîtresse. Insécurité affective, professionnelle, financière. Je me suis souvent sentie sauvée par ma facilité à m’exprimer, à questionner, à chercher des solutions pour ne pas reproduire. Mais je n’ai pas du tout été aidée par mes parents qui, l’un comme l’autre, tout intelligents qu’ils fussent par ailleurs, se muraient dans le silence et le déni, attendant que la page tourne.

Mon père était un homme plutôt doux, rarement excessif. Scientifique, il aimait être pédagogue avec ses enfants scientifiques, et comme je ne l’étais pas, j’ai l’impression d’avoir manqué quelque chose. Il était plutôt gentil, mais réservé, jusqu’à la froideur, il n’avait ni gestes ni mots affectueux, il n’exprimait jamais ses émotions. Il était souvent absent, et j’aimais quand il était avec nous car je me sentais vaguement protégée de ma mère par sa présence. Je crois qu’il était un peu faible, dépassé par la violence de ma mère, qu’il a subie atrocement dès lors qu’il est tombé malade.

Il me semble voir beaucoup d’insécurité dans ma famille. Cela se traduit par de l’alcoolisme, des manies, des troubles et des maladies psychiatriques, de la logorrhée, un rationalisme radical, de la violence verbale encore et encore, des tentatives de suicide… et toujours des pages qui se tournent dans un silence assourdissant.

J’ai eu du mal à me sentir bonne mère. Je cherchais des modèles partout où ça ne ressemblait pas à ce que j’avais connu. Je doutais de tout. J’avais du mal à construire car j’avais toujours l’impression d’être sans racines, de marcher à proximité d’un gouffre qui menaçait de m’engloutir. Je ne me sentais en sécurité nulle part et j’ai mis longtemps avant de pouvoir mettre des mots sur l’origine de ce mal car j’étais dévorée par la culpabilité, chochotte que j’étais, mauvaise fille et mauvaise mère que j’étais, ratée que j’étais… J’ai traversé des épisodes dépressifs, peut-être devrais-je dire que ma vie est une longue dépression, illuminée par quelques feux d’artifice amoureux ou artistiques et par l’amour que j’ai ressenti pour mes enfants.

J’ai fini par comprendre que je ne guérirai pas d’une enfance si malmenée. Je peux juste mesurer que le désir d’en sortir m’a fait parcourir des kilomètres et des kilomètres sur des voies abruptes et rugueuses, mais m’a apporté de la connaissance sur la psyché humaine. Souvent, j’ai l’impression de reconnaître au premier coup d’œil mes frères et sœurs de galère, mes frères et sœurs courage, et d’être capable de tout pour les soutenir dans leur persévérance à survivre.

Ma mère est encore de ce monde. Je la remercie car elle m’apporte encore quelques “chochotte” et autre “ridicule !” qui me servent désormais à tracer la carte de mon malheur pour ne plus m’y perdre. J’ai pu identifier et me formuler peu à peu d’autres de ses particularités qui m’avaient blessée. Le fait, par exemple, de ramener tout à elle, ou de dénigrer toute personne ou situation qui ne la valorisent pas. Je ne pouvais briller en rien car elle se vantait d’avoir déjà tout fait, et tellement mieux que moi. Si ce n’est pas à proprement parler de la violence, cela m’éclaire néanmoins sur ma difficulté à me sentir légitime à exister.

Maintenant, je me tiens à bonne distance d’elle, disons que je fais le service minimum. Pendant très longtemps, dans l’attente éperdue de son affection et de sa reconnaissance, je suis revenue “au front”. J’essayais de passer du temps avec elle, supportant ses brutalités verbales et son dénigrement, essayant de lui en parler ensuite en espérant qu’elle ne se cabre pas aussitôt en redoublant de méchancetés. Jusqu’au moment où j’ai su que j’avais aussi le droit de me protéger car je n’étais, en réalité, coupable de rien.

Anne-Marie.


  1. Note de l'OVEO : sur ce sujet, voir l'article Réflexions sur la pertinence de l'expression "violence éducative ordinaire". ↩︎

« Veux-tu une fessée déculottée devant tout le monde ? »

Nous remercions tout spécialement l'autrice de ce témoignage très détaillé, écrit après lecture du livre d'Olivier Maurel La Fessée avec l'aide du questionnaire du site. En raison de la longueur du témoignage, son annexe est publiée sur une page séparée.


Avez-vous subi vous-même la violence éducative ordinaire  au cours de votre enfance ? Sous quelle forme ?

Je n’en étais pas forcément consciente, et puis au fil des années avec notamment l’interdiction de donner la fessée, je me suis intéressée à la question, et je me suis aperçue que j’avais certains comportements, voire des traumatismes liés à mon éducation.

Mon enfance me semblait ordinaire pour l’époque, certes plus sévère que la moyenne. Il y avait un martinet à la maison, mais j’ai toujours eu la chance de réussir à y échapper.

À propos du martinet, à noter, et c’est fort heureux, contrairement à bon nombre de familles qui en possédaient à mon époque (j'ai 58 ans), chez nous il servait plus de décoration qu’à punir réellement. Il n’officiait que dans les "grandes" occasions. Je crois bien qu’une fois que ma sœur et mon frère aîné avaient dépassé les 10-11 ans, voire 12 ans, le martinet n’est plus jamais ressorti du tiroir. Je suis d’ailleurs heureuse de ne l'avoir jamais reçu.

Pour être tout à fait juste, je dois dire que sans être aisés, nous ne manquions de rien, hormis d’amour et d’affection, ce qui constitue tout de même l'essentiel. Mon père s’intéressait peu à nos études, ne s’assurant même pas que les notes étaient bonnes, laissant cette responsabilité à ma mère, qui prenait ce rôle très au sérieux. Gare au mauvais bulletin, aux mauvaises appréciations, il valait mieux éviter les heures de colle, toute faiblesse ou écart relevé par ma mère entraînait au minimum une bonne engueulade. Maman était relativement tolérante et ne punissait pas à la moindre mauvaise note. Heureusement, elles étaient rares me concernant, et je prenais garde à ce qu’elles le restent, mais gare à la récidive, et au mauvais bulletin en fin de trimestre. J’avais en tête la raclée reçue par ma sœur et mon frère le soir de leur redoublement, le jour où je me suis risquée à intercepter le bulletin scolaire dans la boîte aux lettres, avant que ma mère ne tombe dessus.

Au-delà de la violence éducative ordinaire, dans laquelle on inclut principalement le châtiment corporel, je voudrais aussi mettre l’accent sur le sentiment d’injustice que peut ressentir un enfant constatant la différence de traitement entre les enfants, et plutôt que le terme "différence", je préfère parler de "préférence".

Je préfère ne pas rentrer dans les détails, mais pour diverses raisons, je n’étais pas la bienvenue au sein de la fratrie, ma mère ne me voulait pas, et mon père encore moins. Allez, je vais le dire : je suis le fruit d'un adultère...

Ils ne se sont jamais cachés d’exprimer leur préférence pour le reste de ma fratrie, parfois même devant d’autres membres de la famille.

Je peux dire que j’ai été éduquée plus sévèrement, tout au moins pendant l’adolescence.

Pendant l’enfance c’était un petit peu différent, j’étais très sage, je me tenais à carreau, j’avais tellement peur de m’en prendre une, et je pense que je ressentais déjà, entre 4 et 11 ans, que le seuil de tolérance à mon sujet serait plus rapidement atteint que pour les autres.

Mon père surtout utilisait plus fréquemment à mon égard la menace de la "branlée". Il sévissait très rarement, mais il pouvait être extrêmement sévère, je l’avais vu un jour flanquer une dérouillée à ma sœur, et une autre à mon frère, me faisant passer l’envie de prendre leur place.

Plus petite, je me souviens de la menace relativement fréquente de ma mère : "Est-ce que tu veux une fessée déculottée devant tout le monde ?"

Menace que maman a rarement eu l’occasion d’exécuter sur moi tellement j’étais devenu obéissante et froussarde de m’en ramasser une. J’avais vu quelques fois comment maman savait à la perfection manier le martinet sur les jambes de mes aînés, et j’en avais une peur bleue.

Puis mes parents ont divorcé, et à partir de 12-13 ans, ma mère nous a "dotés" d’un beau-père que j’ai dû supporter pendant 5-6 ans, jusqu’à mon départ de la maison. J’étais en pleine révolte, probablement insupportable par moments, la situation s’est dégradée. Entre un beau-père qui incitait ma mère à m’en mettre une à la moindre incartade, et ma mère qui se sentait parfois dépassée, à tel point qu’un jour, elle a autorisé mon beau-père à m’en mettre une si je le méritais. Heureusement pour moi il s’est toujours retenu, jusqu’au jour où j’ai dépassé les limites, et il m’a flanqué une danse dont je me rappelle encore. Sous le regard de ma mère, qui a assisté à la scène, et qui, plutôt que de me protéger, n’a rien trouvé de mieux à dire que : "Ah, tu ne l’as pas volée, celle-là."

Il y a une fessée dont je garde un souvenir absolument terrible, à l’approche de mes 15 ans, et surtout, donnée cul nu…  Fessée quelque peu surprise car ça faisait un bon moment que je n’en avais plus reçu, j'avais fait l'erreur de croire que j'avais passé l'âge. Je me croyais bien trop grande pour recevoir une volée pareille, et je n’aurais jamais imaginé que maman irait au bout de son idée de me dénuder le bas du corps. Humiliation suprême, la punition s’est déroulée devant mon beau-père, qui se tenait certes à l’écart mais il a assisté à la punition, alors que la pudeur, la gêne auraient dû l’inciter à sortir de ma chambre.

C’est une autre forme de violence, l'atteinte à la pudeur, surtout que dans les jours qui ont suivi ma mère prenait presque un malin plaisir à raconter et à décrire sans gêne la bonne fessée cul nu qu’elle m’avait administrée. Je me souviens que cette punition m’avait été donnée un vendredi soir et le lendemain j’étais chez mon père, je me souviens encore de sa surprise quand il a appris, de la bouche de ma mère, l’épisode de la veille. J’avais très peur que mon père m’en colle une autre. Heureusement les détails que ma mère avait communiqués à mon père, même s'ils me furent pénibles, me furent finalement bénéfiques, mon père estimant sûrement qu’une fessée cul nu à mon âge était déjà bien suffisante et qu’il était nullement nécessaire d’en rajouter.

Il y a une autre forme de violence plus latente que j’aimerais évoquer. Par exemple, lorsque maman recevait le bulletin de notes, je me souviens que le regard était automatiquement porté sur les plus mauvaises notes et les remarques étaient dirigées sur ces notes-là. Les éventuelles félicitations sur les bonnes notes duraient une seconde, alors que les réprimandes sur la mauvaise note duraient une minute, et j’en ressentais une profonde injustice. Je le vivais très mal, réprimant parfois intérieurement une pensée néfaste, j’avais envie de dire à ma mère : "Ben tu sais quoi, comme j’ai osé avoir une mauvaise note, une seule sur un tout bulletin, eh ben vas-y, colle-moi une gifle…" Et un jour, excédée, la phrase est partie, je me suis lâchée, et effectivement paf c’est tombé, j’ai pris une bonne claque sur la cuisse, ma mère évitait le visage quand elle pouvait. Autre scène de violence qui m'avait marquée, je me souviens d’une fois où ma mère, pour calmer ma petite sœur, l'avait traînée et collée sous une douche glacée. Elle avait laissé la porte de la salle de bain ouverte, nous entendions les bruits de suffocation et la sensation d’étouffement de ma sœur au contact de l’eau froide. Nous avions ensuite entendu les bruits caractéristiques des claques arrivant sur un épiderme nu et mouillé. Je commençais du haut de mes 16 ans à prendre de l'assurance, j'avais attendu le lendemain que mon beau-père soit absent pour dire à ma mère ses quatre vérités : "Tu n'es vraiment qu'une malade..."

À partir de quand et jusqu’à quel âge ?

On m'a maintes fois raconté que j’ai apparemment reçu une bonne rouste à six ans, dont je ne garde strictement aucun souvenir, ce que j’ai d’ailleurs toujours trouvé bizarre. Apparemment c'était une sacrée fessée, maman m'avait sortie de table parce que je ne voulais pas manger, elle m'avait positionnée à l'horizontale, elle m'avait relevé la jupe, baissé la culotte, et flanqué une bonne fessée devant tout le monde... Je n'en ai aucun souvenir, soit j’étais bien plus jeune que 6 ans, soit j’ai fait un reset total. 

J’ai pris une gifle par ma mère à l’âge, j’ai honte de l’avouer, de 26 ans ! Pour avoir osé donner mon avis, qui ne lui plaisait pas, ma mère n’a pas hésité à me gifler devant son futur gendre, et elle a même osé me menacer d’aller terminer l’explication à l’écart dans une chambre, autrement dit de me foutre une raclée à 26 ans ! Incroyable quand j’y repense avec le recul.

Par qui ?

Ma mère, surtout, elle était très stricte. Mon père, une seule fois, et mon beau-père deux fois.

Ces personnes avaient elle-même subi de la violence éducative dans leur enfance ? De quel type, pour autant que vous le sachiez ?

Oui, autant mon grand-père maternel était très gentil avec moi, et ses autres petits-enfants, pour autant, il avait élevé ma mère et mes tantes à coups de martinet. Ma mère et mes tantes ont apparemment reçu des raclées monumentales, jusqu’à leur majorité, qui à l’époque était à 21 ans. Ma mère étant l’aînée, elle avait la primeur de devoir donner l’exemple, et si ce n’était pas le bon exemple, elle prenait pour tout le monde. J'ai plusieurs fois entendu parler d’une sacrée trempe que ma mère a reçue vers ses 20 ans.

Mon père aussi a été élevé à la dure, martinet, ceinture, mais il en parlait très peu, la pudeur sûrement, et la honte. Ma mère en parlait beaucoup plus facilement avec ses sœurs devant nous lors des repas familiaux. Au sujet de mon père, je sais aussi qu'un jour il s’est aventuré à couper les lanières du martinet qu'il en avait marre de recevoir. Peine perdue, quand mon grand-père paternel s'en est aperçu, il s’est servi de sa ceinture pour le punir. 

Quant à mon beau-père, combien de fois n'ai-je pas entendu raconter les raclées (apparemment hebdomadaires et parfois quotidiennes) qu'il avait reçues de son père, et la "chance" que nous avions de n'en recevoir qu'une de temps en temps, et trop rarement à son goût..

Vous souvenez-vous de vos sentiments et de vos réactions d’alors ?

Je dirais qu’on passe tôt ou tard par tous ces sentiments de colère, de tristesse, de résignation, d’injustice, mais je n’ai jamais ressenti d’indifférence envers ce qui m’arrivait et l’éducation que je recevais. J’éprouvais parfois un sentiment de regret, le regret d’avoir commis la bêtise de trop, ou de ne pas avoir été suffisamment maligne pour ne pas me faire prendre.

Bien évidemment, avant une très probable fessée, j’étais terrorisée, j’avais un sentiment d’impuissance, je voulais m’échapper mais c’était impossible. Après la fessée, il y avait le sentiment d’humiliation, la colère et le sentiment d’abandon. J’avais le sentiment d’être seule au monde et que personne ne m’aimait. Je me souviens de ma peur et de ma tristesse quand un de mes frères ou sœurs ou une copine se faisaient punir. Je priais pour que ça ne m’arrive pas, je ressentais aussi parfois de la colère de ne pas pouvoir venir en aide à celui ou celle qui était puni. 

À ce sujet, on pourrait donc ajouter le sentiment d’impuissance, voire de traumatisme, au sujet de l’enfant témoin, qui peut parfois être plus traumatisé que l’enfant battu. J’ai été très marquée par une raclée reçue par mon frère, j’ai vécu des scènes de violence chez ma tante à l’égard de mes cousines, et inversement, je sais que ma petite sœur a été très marquée, presque traumatisée, par une punition que j’avais reçue, parce que j’avais osé me mettre en jupe (une jupe un peu courte, à mi-cuisse, mais classique, rien d'extravagant), alors que j’avais 17 ans. Ma petite sœur est restée toute son adolescence et même au-delà sans oser mettre de jupe, même jeune adulte, elle hésitait à s’habiller en jupe lorsqu’elle allait chez mes parents !!

Avez-vous subi cette épreuve dans l’isolement ? Avez-vous eu le soutien de quelqu’un ?

À l’intérieur de la famille, je dirais qu’il y avait les deux sentiments, à la fois l’isolement et le soutien. On se soutenait mutuellement avec mes sœurs et mon frère, cependant, après une bonne correction, la plupart du temps le ou la puni(e) était consigné(e) dans sa chambre, donc isolé(e). Je partageais ma chambre avec ma grande sœur, puis quelques années plus tard avec ma petite sœur. Le fait de partager sa chambre était parfois un souci, car j’ai vu un jour ma sœur recevoir une fessée devant moi, et inversement cela m’est arrivé devant ma petite sœur.

À l’extérieur de la maison, je ressentais plutôt l’isolement, j’avais tellement honte que je n’en parlais jamais, je passais mon temps à mentir à mes copines, je ressentais comme une honte suprême de devoir leur avouer la fessée que j’avais reçue la veille. Il pouvait m’arriver de supplier sœurs et frère de ne rien révéler à mes camarades, qu’ils connaissaient. La première fois que j’ai osé en parler et me confier à une amie, j’avais 17 ans. Et encore, je me suis confiée un peu obligée par les circonstances, car je n’aurais pas été crédible à essayer de faire croire le contraire, et que je n’avais pas été punie. En effet, nous avions commis en commun une très grosse bêtise, et c’était ma mère qui avait dû venir nous chercher et nous ramener à la maison. Maman m’avait prévenue devant la copine : "Dès que ta copine repart chez ses parents, je te garantis que tu vas avoir affaire à moi… Tu vas voir, ça va être ta fête… !"

Quand on s’est revues au lycée le lendemain avec la copine, inévitablement, elle m’a demandé comment ça s’était passé après son départ. J’ai essayé de garder le "masque" habituel, mais au bout de 2 minutes, j’ai fondu en larmes, et j’ai fini par lui avouer la soirée que j’avais passée, en lui donnant des détails sur la raclée que j’avais reçue, peut-être méritée, mais tout de même ! j’avais 17 ans ! Je me suis confiée à ma copine, je lui ai dit que je n’en pouvais plus, que je craquais, que je venais de passer un sale moment à prendre des claques, à n’entendre que des cris et d'avoir toujours peur que ça reprenne.

C’est la seule personne extérieure à qui j’en ai parlé avant de quitter le foyer parental. Aujourd’hui encore, j’éprouve une certaine honte à évoquer, je dirais même avouer, les punitions reçues, et une gêne à avoir grandi dans un tel environnement familial.

Quelles étaient les conséquences de cette violence lorsque vous étiez enfant ?

Ce genre d’éducation déclenche très souvent une timidité chez les enfants qui ont été éduqués comme je l’ai été. Fort heureusement je ne pense pas être timide, au contraire.

Je me suis globalement tenue à carreau, pas parce que j’étais sage, mais surtout obéissante avec la peur d’en prendre une. Comme on dit parfois, "je n’avais pas intérêt..." à sortir du cadre, donc je n’en sortais pas, du moins j’évitais, au moins jusqu’à 12-13 ans, puis la rébellion est arrivée, et ça s’est gâté.

Lorsque je sentais que ça allait barder, je me souviens que je ressentais un stress énorme, une angoisse, une grosse boule au ventre avec la peur que ça finisse par arriver, je me souviens que j’avais très peu confiance en moi, j’avais certaines difficultés à appréhender les relations avec les autres.

Quelles sont les conséquences maintenant que vous êtes adulte ? En particulier, vis-à-vis des enfants, et notamment si vous êtes quotidiennement au contact d’enfants (les vôtres ou professionnellement).  Merci de préciser le contexte.

Je n’ai pas reproduit le même schéma éducatif avec mes enfants, sur lesquels je n’ai jamais levé la main, sauf deux petites tapes sur les fesses de ma fille, des fois où elle me manquait de respect.

Sur le plan professionnel, c’est une tout autre histoire, je pense que mon éducation m’a joué de vilains tours. En quittant le foyer parental, relativement tôt, j’ai dû arrêter mes études, ce qui m’a pénalisée plus tard. Parallèlement, pour avoir subi l’autorité pendant toute ma jeunesse, du jour où j’ai pris mon indépendance, je ne supportais pas qu’un adulte me dise ce qui était bien ou mal, ou me dicte ma conduite. Je me disais, j’ai subi cette dictature toute ma jeunesse, je n’ai pas quitté mes parents pour que ça continue une fois adulte.

Je ne me suis donc jamais laissé faire et tant que l’autorité me paraît juste, j’accepte mais dès que l’autorité me paraît injuste, je monte facilement dans les tours.

Cela m’a valu des déboires professionnels, j’en suis déjà à quatre licenciements dans ma carrière, qui n’est pas terminée. Des licenciements non pas pour faute, mais juste pour avoir dit ce que je pense, pour avoir contesté le bien-fondé de certaines décisions ou mesures qui me paraissaient injustes ou inappropriées. Globalement, depuis que j’ai 13-14 ans, j’ai un rapport difficile et compliqué à l’autorité.

Dès lors que je considère que ce que l’on veut m’imposer ou me demander n’a pas de sens, je conteste ou je m'oppose. Adolescente, j’ai donc ramassé quelques raclées.

Toute ma jeunesse, j’ai dû subir et m’écraser même quand je pensais avoir raison, depuis l’âge de raison, je n’arrive donc pas à m’écraser.

Devenue adulte, c’est donc plus compliqué, le manager ou le patron ne peut pas donner la fessée, donc il sanctionne.

J’ai un mal fou à bien vouloir abdiquer, même lorsque je risque une sanction.

Parfois, je ne sais pas m’arrêter à temps avant que la sanction ne tombe, à tel point que je me suis déjà demandé si finalement, je ne cherchais pas inconsciemment à me faire punir… Je me suis posé la question de nombreuses fois, je n’ai toujours pas trouvé la réponse.

Je me souviens particulièrement d’un épisode, il y a quelques années, où j’avais été convoquée par mon manager, qui m’a dit en résumé : "Tu sais que si tu continues, tu vas te faire virer… ?" "Je ne vois pas pourquoi, je n’ai fait que dire ce que je pense, ce n’est pas une dictature, j’ai quand même le droit de m’exprimer."

Il m’a répondu : "Pas de problème… Tu as le droit…" Et je me suis fait virer quelques semaines plus tard… 

Cette manière de vous faire obéir vous a-t-elle été profitable ?

Je dirais bien évidemment que non, en apportant tout de même une nuance, je pense que les punitions méritées m’ont sûrement empêchée de récidiver, et ça, on pourrait considérer que ce fut profitable, cela m'a peut-être évité des ennuis plus graves. A contrario, celles qui étaient disproportionnées, ne sont que néfastes. En fait je pense qu’il y avait une carence éducative, car au final, je n’obéissais pas parce que je trouvais que ce que l’on me demandait était logique, mais plutôt par peur que ça me tombe dessus. Je me souviens d’une fois où j’avais reçu une bonne fessée, et je trouvais intérieurement que je l’avais mérité, je me souviens de mes sentiments à l’époque, il était très perturbant, et glaçant, pour moi, de commencer à adhérer à l’idée que je l’avais mérité.

Pour conclure je répondrai non à cette question, il y avait chez mes parents des principes de hiérarchie, les parents, au-dessus, savent et ont toujours raison (le principe des cheveux blancs), les enfants en dessous doivent obéir, nous devions "rester à notre place", et ce que nous pouvions exprimer n’avait aucune valeur. C’est une éducation qui soumet l’enfant plus qu’elle ne l’élève, or pour moi ça doit être complètement l’inverse.

J’ai longtemps eu l’impression d’avoir été moins punie que la moyenne de l’époque. Avec le recul, je pense que je faisais un déni, et que mon total de punition est plutôt dans la moyenne haute. Surtout à l’adolescence où je me suis révoltée, je voulais qu’on m’écoute et que l’on me respecte.

Avez-vous l’impression d’en subir encore les conséquences ?

Oui, clairement oui, mon rapport difficile à l’autorité vient indéniablement de mon éducation. Dans ma vie professionnelle, j’en subis les conséquences encore et toujours, je ne cède, quand je cède, que lorsque je sens que la sanction va me tomber dessus, et parfois elle est tombée avant que je m’arrête. Régulièrement, je suis agressive, c’est souvent non justifié, et au niveau professionnel, milieu où mon entourage me connaît moins bien que dans la vie privée, je suis souvent perçue comme agressive, rugueuse, parfois rude et trop sèche. Dans mes propos, voire mes écrits. Mon attitude physique laisse aussi parfois à désirer. Avec des soupirs lorsque l’on me demande quelque chose qui ne me convient pas. Mes entretiens annuels d’évaluation se sont parfois très mal passés. Bon, le tableau n’est pas si noir, car a contrario, quand le manager ou le patron est parfaitement réglo, je suis dévouée sans limite et là ce n’est que du bonheur, et ça m’est arrivé quelques fois dans ma carrière. Je supporte l’autorité sur moi, à condition qu’elle soit respectueuse, dès qu’elle ne l’est pas ou qu’elle est injuste, ça se complique.

En fait jusqu’à l’adolescence on n’a pas appris à pouvoir dire "non", seul le "oui" était envisageable. Les conséquences semblent évidentes, puisqu’à partir de l’adolescence, j’ai commencé à dire non, et j’ai continué toute ma vie durant. Dans la vie privée ça m'arrive aussi d'être agressive, mon mari me reprend souvent, en me demandant de lui parler sur un autre ton.

Globalement, que pensez-vous de votre éducation ?

Assez néfaste, un manque total de confiance, mes parents étaient tellement menaçants que je mentais sans cesse de peur de m’en prendre une, mais quand le mensonge était découvert, j’avais intérêt à ce qu’il soit jugé insignifiant, sinon, c’était ma fête. J’ai donc développé une science du mensonge qui était malsaine, et que j’ai continué à développer à l’adolescence, et j’ai même continué à l’âge adulte. 

J’ai honte d’avouer qu’encore à mon âge, il peut m’arriver de mentir, encore récemment, mon mari a découvert un mensonge de ma part : "Mais tu as quel âge pour mentir comme ça ?"

A contrario, je trouve que j’ai été plutôt bien élevée, notamment sur les bonnes manières, la vie en société. Tant que je n’ai pas de rapport d’autorité avec les gens, tout se passe à merveille, j’ai beaucoup d’ami(e)s, beaucoup de relations sociales, je tisse facilement des liens avec des gens que je connais à peine, je ne suis donc pas timide.

Par contre, le gros point noir de mon éducation, c’est cet immense sentiment d’injustice que j’ai ressenti toute ma jeunesse, et qui perdure aujourd'hui. Je devais aider à tout, mettre la table, débarrasser, tâches ménagères, tâches jardinières, pendant que l’on ne demandait rien à ma petite sœur, la préférée, la chouchoute. Et je n’avais pas intérêt à me rebeller, j’ai exprimé une seule fois mon sentiment d’injustice, ma sœur de 13 ans avait le droit de sortir, pendant que moi je devais aider au jardin et aux tâches ménagères, privée de sortie sans véritable raison, alors que j’avais 17 ans. Ma mère m’a dit : "Vas-y, continue à rouspéter, et tu vas voir ce qui va t’arriver…" N’ayant pas envie de me ramasser une raclée, je me suis tue, et j’ai fait ce qu’on me demandait.

Viviez-vous, enfant, dans une société où la violence éducative était courante ?

Globalement, oui, élevée dans les années 1970, 1980, j’avais quand même beaucoup de camarades de classe qui prenaient des punitions physiques à la maison. Je me souviens particulièrement de ma tante et de mon oncle qui était encore plus sévères que mes parents.

Dans les années 70-80, c’était "normal" de donner des fessées, des claques, voire d'humilier, c’était la norme, on entendait parfois des parents qui disaient que "les enfants ça se dresse"…

J’arrive encore à peine à y croire, pourtant c’est exact, mon frère suite à un très mauvais bulletin scolaire avait dû sortir avec une étiquette attachée autour du cou : "je suis un cancre". Quelle honte de faire un truc pareil.

Si vous avez voyagé, et pu observer des pratiques coutumières de violence à l’égard des enfants, pouvez-vous les décrire assez précisément : quel type de violence, par qui, à qui (sexe, âge, lien de parenté) ? Circonstances ? Pour quelle raison ? En privé ? En public ?

En dehors de France, oui je me souviens d’un séjour linguistique dans l’Angleterre du début des années 80. À l’époque je ne savais pas que la fessée était une pratique on ne peut plus courante dans les foyers anglais. Ma correspondante anglaise avait volé de l’argent de poche dans la cachette de ses parents. Le soir de la découverte, le père a appelé tout le monde dans le salon, avec une sorte de cérémonial, il y avait là le frère, la petite sœur, les deux parents et moi-même. Verdict = fessée déculottée devant tout le monde, par le père, et pas qu’une petite fessée, une véritable raclée. À 16 ans ! La correspondante a dû elle-même baisser vêtements et culotte, elle a supplié que je quitte la pièce pour ne pas être punie devant moi, ce que je souhaitais aussi, mais le père a refusé, les deux parents voulaient sûrement l’humilier, et il tenait à ce que j’assiste à la punition. Et j’y ai assisté, du début à la fin. La pauvre, elle avait sûrement mérité une bonne punition, de là à recevoir ce qu’elle a reçu : une magistrale et monstrueuse fessée, cul nu, devant sa correspondante française, sa mère, sa sœur et son frère. Elle avait 16 ans, elle était déjà formée, c’était une petite femme, je pense qu’elle doit encore s’en souvenir… Je ne sais pas si ce fut la dernière, mais j’ai la certitude que ce n’était pas sa première correction, car elle tremblait à l'avance de ce qui allait lui arriver. Je me souviens que j’avais été particulièrement marquée par le côté "ritualisé" de cette fessée, voire "théâtralisé". Chez moi ça avait plutôt tendance à tomber sur le coup, il n'y avait pas de cérémonial.

J’ai longtemps été très marquée par cette fessée de ma correspondante anglaise. C’était nouveau pour moi, je n’avais jamais vécu une fessée en quelque sorte "théâtralisée", avec nudité, et en présence de "témoins".

Qu’est-ce qu’évoque pour vous l’expression « violence éducative ordinaire » ? Quels types de violence en font partie ? Et quelle différence faites-vous, le cas échéant, entre maltraitance et violence éducative ordinaire ?

Souvent l'expression violence éducative évoque les châtiments corporels, et uniquement ceux-ci. Pour moi c’est un tort de se limiter aux seuls châtiments [corporels]. Finalement, je me demande si la violence éducative ordinaire ne commence pas avec de simples brimades, moqueries, insultes, humiliations qui font perdre toute confiance à l’enfant, et plus tard à l’individu. Combien de fois n’ai-je pas entendu "Tu n’es qu’une bonne à rien. Qu’est-ce qu’on va faire de toi..." Une phrase que j’ai entendue au moins une fois par mois pendant au moins 10 ans, si on fait le calcul, j’ai dû l'entendre une bonne centaine de fois. Je vous assure qu’au bout d’un moment, ça finit par vous rentrer dans le crâne, et vous finissez par le croire vous-même. La pédagogie noire en guise de message marketing… 

Autre sujet de réflexion, je me demande si on ne pourrait pas dissocier le V du E. Autrement dit, comment peut-on considérer qu’une violence peut être éducative…

Dernier point, je rajouterai, pour l’avoir vivement connu, le sentiment d’injustice, de différence et de préférence que l’on peut ressentir, et qui est peut-être plus violent que les coups. Quand vous sentez, et vous apercevez, que vos parents préfèrent tel ou tel enfant à vous, c'est d'une violence...

Les insultes aussi peuvent être très violentes, je me souviens d’une fois où le mari de ma mère m’a traitée de "pute" à 17 ans, je l’ai vécu comme une épreuve, une vraie violence. Le pire est que je ne pouvais même pas répondre. M'imaginer lui dire : "Non mais pour qui tu te prends pour m'insulter..." Je m'imagine déjà la volée que j'aurais ramassée.

Avez-vous des objections aux idées développées par l’OVEO ? Lesquelles ?

Oh non, bien, au contraire, continuez !

Comment nous avez-vous connus : site ? livre d’Olivier Maurel ? salon ? conférence ? autre ?

Par une anecdote. Je parlais avec une collègue, et je lui donnais mon avis au sujet de la fessée sur un enfant. Elle ne conçoit la fessée qu'exclusivement "cul nu"… 

Une "conception" originale, estimant que la fessée se doit d'être rare et exceptionnelle, elle considérait qu’elle devait être particulièrement marquante et humiliante. Pour l’avoir moi-même connue, je me suis confiée à elle pour lui faire prendre conscience de la différence notable qu’il pouvait y avoir entre une fessée où l’enfant reste vêtu, et une autre ou l’enfant se retrouve mis à nu, au moins partiellement. Je peux témoigner que ça ne fait pas du tout le même effet, de surcroît passé un certain âge... Je lui faisais part de ma réprobation totale de cette "méthode" éducative, et encore moins la fessée déculottée. Cette collègue m’a répondu qu’elle en avait déjà parlé avec d'autres personnes de son entourage, et que l'une d'entre elles lui avait conseillé de lire le livre d’Olivier Maurel, avant de procéder de la sorte. J’ai donc effectué quelques recherches suite à cette discussion et je suis tombée sur votre site.

Ce site a-t-il modifié ou renforcé votre point de vue sur la violence éducative à l’égard des enfants ?

Oui, cela a renforcé mon idée que corriger un enfant est un signe de faiblesse et de carences éducatives. Il est normal qu’un enfant teste, mais il devient anormal qu’un enfant passe son temps à faire perpétuellement ce qui lui est interdit. Si un parent en arrive à taper un enfant, c’est qu’il y a une carence éducative en amont. Avant d’être moi-même maman, je ne me posais pas beaucoup de questions, je faisais partie de ceux et celles qui pensaient qu'une bonne fessée ne fait pas de mal, bien au contraire, ça remet les idées en place.

Lorsque j’ai eu des enfants, je me suis rapidement aperçue que lorsque l’on se fait respecter, il n’y a pas besoin de corriger un enfant.

Je me souviens encore de la bouille déconfite de mes enfants lorsque je disais non, et que je ne cédais pas. Je m’imaginais alors la tête qu’ils auraient faite si je les avaient tapés, alors qu’ils étaient déjà très tristes et faisaient peine à voir lorsque je disais simplement : "Très bien, ta chambre n’est pas rangée, c’est le bordel, tu ne sortiras pas." Il y avait déjà dans leurs yeux une telle tristesse, que je me disais : "Mon Dieu, s’ils pouvaient s'imaginer la fessée que leur mère aurait reçue pour le même motif... au lieu de faire la tête, il seraient très heureux que je ne cède pas."

Et c'était efficace, dans les minutes qui suivaient, le rangement était effectué, et je n’ai jamais eu besoin de sévir, mon mari non plus. Ne pas donner la fessée ne doit pas empêcher d'éduquer.

 Si vous acceptez de répondre, merci de préciser, sexe, âge et milieu social

Femme, 58 ans, cadre, milieu modeste dans mon enfance, père fonctionnaire, mère secrétaire, milieu plutôt favorisé et aisé désormais.


Une fessée qui dure toute la vie…

Ce texte a été rédigé comme une annexe au témoignage intitulé "Veux-tu une fessée déculottée devant tout le monde ?". Son contenu étant susceptible de perturber le lecteur ou la lectrice, nous recommandons de lire d'abord le témoignage en lien. Sur ce sujet, on peut aussi lire l'article Violence éducative ordinaire et violences sexuelles, quels liens ? ; l'article de Tom Johnson (présenté par Marc-André Cotton) Les dangers sexuels de la fessée ; et un témoignage masculin : Une pratique soigneusement ritualisée.


Chez nous il a toujours été entendu que les punitions pouvaient s'appliquer de plusieurs manières selon le degré de bêtise : la privation (sorties, TV, loisirs divers), la gifle, la fessée à la main, le martinet pour les fautes les plus graves... et ce aussi bien jeunes, que grands enfants et adolescent(e)s, jusqu'à 16/17 ans, et globalement tant que l'on vivait sous leur toit, il était établi que nos parents s'autoriseraient le droit de punir.

C'est ma mère, le plus souvent, qui agissait, jamais froidement, toujours sous le coup de la colère ou au moment de la découverte de la "bêtise". Elle savait qu'elle n'avait pas la force de l'homme, du père, donc elle usait d'"ustensiles", martinet, torchon mouillé, mais le plus souvent elle usait de ses mains, au point de se plaindre post punition d'en "avoir mal aux mains"... Il pouvait lui arriver de demander à mon père de sévir, dans ce cas nous en tremblions à l'avance, il pouvait être redoutable. A noter, et c'est fort heureux, contrairement à bon nombre de familles possédant un martinet, chez nous il servait plus de "décoration" qu'à punir vraiment. Il n'officiait que dans les "grandes" occasions. Une fois que ma sœur et mon frère aînés eurent passé 10-11 ans, il me semble que le martinet n'est plus jamais ressorti du tiroir.

J'ai décidé de relater ce qui a laissé trace en moi, et qui m'aura marquée pour le reste de ma vie. Je me souviens presque mot pour mot des dialogues, des détails, de tout. J'ai même encore à l'esprit la couleur du papier peint. C'est ce que je vais raconter ci-dessous

Etant extrêmement craintive de la moindre punition, j'étais globalement assez sage. Ayant la chance d'avoir des aînés, je les avais vus recevoir des punitions, et je n'avais pas envie de passer entre les mains de maman, encore moins celles du père. A l'approche de mes 15 ans, j'avais reçu quelques gifles, 3 ou 4, pas plus. Les quelques fessées que j'avais reçues étaient assez rares aussi, une à l'âge de 6 ans paraît-il dont je n'ai aucun souvenir, et une autre, beaucoup plus marquante celle-là, vers 13-14 ans. Jupe retroussée, maman m'avait flanqué une bonne série de claques sur les cuisses, qui même avec le collant s'étaient quand même bien fait sentir. Mais cette "plus belle fessée" de ma vie allait vite être remplacée dans ma mémoire par l'épisode qui allait suivre.

Il faut croire que les punitions précédentes n'avaient pas été suffisamment marquantes, qu'il fallait réparer cela, et que j'allais bêtement en donner l'occasion. Ma mère revendiquait sans réserve cette nécessité parfois de flanquer une bonne trempe – "ça remet les idées en place, et ça fait circuler le sang...". N'ayant pas la poigne de mon père, elle aimait viser et claquer là où ça fait mal, directement sur la peau. Autant le père pouvait taper sur les vêtements, autant ma mère évitait ceux-ci, n'hésitant pas à retrousser les jupes, ou baisser les pantalons, mais elle laissait toujours en place slip ou culotte.

J'ai un souvenir très précis, comme si c'était hier, de l'épisode que je vais relater. Nous étions quelques semaines avant mes 15 ans. Nous sommes fin 1981, et voilà plus d'un an que je n'ai reçu ni gifle, ni fessée, je deviens une grande fille. 

Oui, je l'admets, suite à une annonce de privation de sortie, j'avais voulu profiter de la présence d'une copine pour faire la grande, et... j'avais insulté maman, insulte proférée avec le volume au plus bas, mais l'ouïe fine de maman avait entendu... Je venais de faire la grosse bêtise, qui méritait d'être punie, d'autant plus qu'elle succédait à une autre incartade de ma part quelques jours plus tôt. Cela justifiait plus qu'une explication, plus qu'une réprimande, probablement quelques privations de sorties, de loisirs. Mais certainement pas ce qui s'est passé.

Ma mère interrompt ce qu'elle est en train de faire en cuisine, elle se pointe, devant ma copine et moi, dans le couloir et me demande de répéter ce que je viens de dire... J'ai encore un doute, a-t-elle entendu le mot "salope..." que je viens de prononcer ? 

Fidèle à mes habitudes, je mens : "Je n'ai rien dit..." Maman insiste : "Répète si tu es courageuse..." "Non, je te jure, je n'ai rien dit." Sous les yeux de ma copine, maman me décroche une gifle.

Puis elle m'envoie dans ma chambre, m'ordonne de me mettre en pyjama car je vais aller directement au lit (alors qu'il est à peine 18h) et parallèlement elle demande à ma copine de quitter les lieux : "Ça t'amuse, toi, de voir ta copine insulter sa mère... tu trouves ça drôle ? Allez, rentre chez toi, ta copine fera moins la maline dans 5 minutes..."

Ma mère est très en colère, une colère froide, mais j'espère encore que la tension va retomber et qu'elle va se calmer. Je passe devant le meuble de l'entrée contenant le martinet, dont j'espère elle ne va pas se saisir. Une fois dans ma chambre, j'oscille entre la peur, et la confiance que ça va se calmer. Plus le temps passe et plus je suis confiante, je sais que maman s'affaire en cuisine, et je pense que le temps joue en ma faveur, que la pression va retomber pendant que j'enfile mon pyjama. La demande de mise en pyjama me rassure également, je pense que ce détail fait partie de la punition, et qu'elle va me demander d'aller au lit, ce qui me convient. Vu ce qui vient de se passer, je n'ai pas trop envie de croiser qui que ce soit. J'ai déjà prévu de rester dans ma chambre et de ne pas en sortir si maman n'intervient pas.

Il se passe plusieurs minutes avant que maman ne débarque dans ma chambre. Elle est en chaussons et je n'ai pas entendu ses pas dans le couloir. Elle entre dans la chambre, furieuse, je suis debout près de mon lit.

Ma mère est debout face à moi, je suis coincée entre elle et le lit et saisie d'angoisse car ni une ni deux, elle me balance en arrière sur mon lit, même pas un mot de protestation ne sort de ma bouche, je suis tétanisée, je sais que je l'ai mérité, quelques gestes de résistance tout de même, je tente notamment de me redresser, mais elle profite de ma position vulnérable pour commencer à me punir. Je ne trouve rien d'autre à dire que : "Non, pas trop fort s’il te plaît !"

Pitoyable et honteuse, je ne doute pas que je vais avoir la fessée à presque 15 ans ! Je suis paralysée par la peur de ce qui m'attend, sans me douter encore que le pire va survenir. 

Mon beau-père entre dans la chambre, il ne dit rien, il assiste béat à la situation. Je ne sais trop pourquoi il est là, attiré par les éclats de voix ? Ma mère l'a t-elle prévenu qu'elle allait me foutre une dérouillée et il veut assister au "spectacle" ? Je n'ai jamais su pourquoi il est venu dans la chambre.

Après 2-3 claques données sur les rondeurs de mes cuisses, c'est l'horreur, elle entreprend de me baisser le pyjama, ça je ne m'y attendais pas, mais je résiste, et du haut de mes 15 ans, je parviens à préserver ma pudeur. J'espère qu'elle va abandonner son idée morbide, merde pas devant mon beau-père quand même...

Rien n'y fait, elle insiste, elle me décroche une gifle, pendant que je mets la main à la joue elle tire sur le tissu, pendant que je me ressaisis et tire dans l'autre sens. Oh non pas ça, elle ne sait peut-être pas que je ne porte pas de culotte en dessous. Je dois être rouge de honte, ma pudeur vole en éclats. Elle m'ordonne, froidement : "Baisse le pyjama !" "Mais je n'ai rien en dessous..." réponds-je. 

Elle persiste, froidement : "Tant pis pour toi, baisse le pyjama !!" La menace devient de plus en plus sévère, le regard devient noir, je me dis que si j'obéis au lieu de l'énerver encore plus, l'indulgence sera peut -être de rigueur quand elle s'apercevra que je ne porte pas de culotte.

J'hésite, implorant ma mère du regard, je vois mon beau-père qui assiste à la scène alors que la pudeur devrait l'inciter à quitter la pièce pour ne pas assister à la fessée cul nu de sa belle-fille.

Maman persiste : "Baisse le pyjama !!!!" Je suis partagée entre le désir de résister, et celui d'en finir au plus vite avec ce que je vis comme un supplice.

Je finis par abdiquer, je lève le bassin, et baisse lentement mon pyjama. Ma mère est là devant moi à m'observer faire, je baisse le pyjama à mi-fesses, tentant de préserver ma pudeur en posant mes mains sur mon sexe. Bas de pyjama baissé, et sans culotte, elle voit presque tout de moi, mon beau-père un peu moins car ma mère constitue un barrage visuel partiel, et bienvenu, entre moi et lui.

Elle sait très bien ce qui va se passer. Elle m'ordonne : "Tourne-toi !!" Je refuse, elle tire sur le pyjama encore un peu plus, elle est déterminée à m'en coller une bonne... elle me baisse le pyjama à mi-cuisses, je tente de l'en empêcher, une énorme claque sur la cuisse nue me fait abdiquer, je me tourne sur mon côté droit, libérant ainsi ma fesse et ma cuisse gauches. 

Les jambes jointes semi-allongées sur le lit, fesses nues, j'ai les jambes bloquées dans le bas du pyjama. Elle glisse ses doigts sous l'élastique du pyjama, et le baisse un peu plus, pour bien dégager mes fesses. Je me retrouve le pyjama quasiment au niveau des genoux.

Les premiers coups tombent sur mes rotondités. Je mets avant-bras et main gauches en protection/opposition où je peux. Maman ne retient pas son bras, droitière, elle vise la fesse ou la cuisse gauche et tape à quelques secondes d'intervalle, esquivant ma main protectrice. Ça fait très mal, à chaque coup je me retiens de crier de peur que la fratrie ne m'entende, et espérant que ce soit le dernier, puis j'attends le coup suivant. Par réflexe je serre nerveusement les fesses quand je sens que la prochaine claque va tomber, puis je me cambre pour tenter d'esquiver le coup suivant.

Après 5-6 claques, je ne tiens plus : "Maman, s'il te plaît, ça suffit j'ai compris." Pas de réponse. Les fessées continuent, à intervalles régulier, maman prend le soin et le temps de bien viser, ça me semble une éternité. Je tente de me protéger avec la main. "Retire ta main !!! je vais t'apprendre, moi, à m'insulter... tu vas voir ce que ça fait !" hurle-t-elle.

J'ai peur que ce soit encore plus sévère, j'enlève la main. Maman choisit sa cible, parfois la fesse, parfois la jointure de la cuisse, parfois l'arrière ou le côté de la cuisse, là où la peau est plus fine, et cela fait le plus mal. 

L'extérieur de la fesse gauche commence à se faire sentir. A cet endroit, la douleur devient insupportable. Je redoute le bruit caractéristique de la main qui s'abat sans retenue sur un épiderme nu. 

Je sais qu'on peut l'entendre de l'extérieur. Quelle honte, la fessée cul nu à presque 15 ans, je dois être la seule à qui cela est arrivé.. Maman continue son "œuvre". Mes fesses se contractent, puis se desserrent et je me cambre à nouveau. Elle me regarde, me demande si j'ai compris la leçon et si je recommencerai... Je lis la satisfaction dans ses yeux quand je lui réponds que "oui" j'ai compris la leçon, et que "non", je ne recommencerai pas de sitôt... La fessée en tant que telle n'a pas duré plus de 2 minutes, mais c'est la raclée de ma vie, je suis marquée pour l'éternité.

"Rhabille-toi, dit ma mère, tu vas te laver les dents et au lit, je t'ai suffisamment vue pour aujourd'hui..." En larmes, je me retourne sur le dos, me redresse, remonte mon bas de pyjama, puis direction la salle de bains en rasant les murs. Heureusement, point besoin de passer par le salon où tout le monde se trouve pour aller de ma chambre à la salle de bains.

Ma mère vient de m'appliquer une volée, à nu, sans jamais se demander quelles conséquences pourrait avoir cette fessée sur le psychisme d'une adolescente de 15 ans, en pleine puberté. Ignorance, stupidité, perversion, sadisme, le sentiment que parce que ça lui est arrivé dans sa jeunesse, il était normal que cela arrive à l'un de ses enfants, et que ça ne fait de mal à personne une bonne fessée. Peut-être, mais cul nu ce n'est pas pareil, et je viens de l'apprendre à mes dépends.

Je ne le sais pas encore, mais je vivrai toute ma vie avec le souvenir brûlant de ce qui vient de se passer, une blessure dont la cicatrice restera à vie et à vif. Arrivée dans la salle de bains, je n'ose baisser le pyjama pour constater les dégâts, j'ai tellement honte. Puis une fois dans ma chambre, je fonds en larmes à nouveau, cette fois-ci, j'ose, je baisse mon pyjama et me tourne pour observer mes fesses dans le miroir de mon armoire. La douleur n'est plus très vive, 5 minutes se sont écoulées, mais fesse et cuisse côté gauche sont encore bien rouges.

Je m'allonge dans mon lit, j'enlève le pyjama dont le contact me fait mal. La nuit est douloureuse. Le lendemain au petit déjeuner j'ai la tête basse, ma mère continue l'humiliation en évoquant à la fratrie les motifs qui m'ont valu cette volée d'hier.

Je me souviens que les jours qui suivent, je ne peux détacher mon esprit de cette scène punitive. Je suis marquée au fer rouge, je m'en veux terriblement d'avoir proféré cette insulte et d'avoir donné l'occasion à maman de me punir de la sorte. Et encore, passons, c'est fait, c'est fait... mais un autre sentiment me ronge : la culpabilité, dont je ne parviens pas à me défaire ni me pardonner : "Mais bon sang quelle idiote tu fais, pourquoi n'as-tu pas mis une culotte sous ton pyjama !!!" Je m'autopersuade que maman n'aurait pas osé baisser la culotte, ce qui n'est pas certain.. Dans les jours qui suivent, inutile de préciser que je n'oublie pas de mettre une culotte sous le pyjama, encore plus si je suis en nuisette.

Ce n'est que des années plus tard que je me souviendrai, ou que je m'avouerai, que les soirs qui suivirent cette mémorable fessée, je connus mes premiers émois...

En effet, dans les jours qui suivent, je constate que bizarrement mon bas-ventre réclame le souvenir de ce qui s'est passé, comme une récidive. Le soir, seule dans mon lit, à ce terrible souvenir, brusquement, mon corps se raidit, inconsciemment. A 14 ans j'ignore encore tout de ces réactions que je ne comprends pas, je me caresse et le plaisir explose, intense et intimement lié à la fessée que j'ai reçue quelques jours plus tôt... Ma vie sexuelle vient de commencer, et je ne le sais pas encore, mais elle restera reliée à cette fessée toute ma vie. Je me suis masturbée au souvenir de cette fessée déculottée. Désormais mon plaisir restera associé à cette humiliante correction.

J'enfouis au plus profond de mon être cette grande honte à prendre du plaisir au souvenir de cette raclée pour le moins mémorable. Je me méprise d'éprouver ce plaisir coupable, comme si cette fessée était méritée. Je me mets à penser qu'insulter sa mère du haut de ses 14 ans vaut bien une raclée de cet acabit, parallèlement je me sens pourtant profondément humiliée, et j'en éprouve du plaisir, je me dégoûte...

Au fil des mois je ressens une perte totale de l'estime de soi. Le souvenir de l'épisode reste à fleur de peau. Je n'en dis rien, et n'en laisse rien voir. Je me demande si d'autres garçons ou filles de mon âge subissent le même traitement dans leur famille. J'imagine les scènes, dans le détail. Au début, je n'ose pas, même de manière allusive, poser la question. Et puis, avec le temps, je résiste de moins en moins, dès qu'un(e) camarade de classe me suggère que ça va être sa fête, ou que ça a bardé la veille à la maison, je ne peux m'empêcher d'être plus intrusive, j'ai un besoin viscéral de savoir. Je suis sur le qui-vive et à l'affût de la moindre révélation, du moindre indice. 

Après "enquête", il semble bien qu'il n'y ait que moi qui aie reçu une fessée cul nu à 15 ans, et il va me falloir vivre avec cette humiliante blessure que j'espère oublier un jour. L'avenir me démontrera que je n'oublierai jamais. Ma mère avait raison : "Celle-là tu vas t'en souvenir..." m'avait-elle prévenue. Elle ne croyait pas si bien dire ! J'ai pris une fessée déculottée à près de 15 ans ! Je me console en me disant que, puisque moi-même je ne m'en vante pas, j'ose imaginer que pareille mésaventure a dû arriver à d'autres, et qu’eux aussi ne le crient pas sur les toits.

Pendant des semaines, des mois, je tourne et retourne dans ma tête, plusieurs fois par semaine, cette fessée reçue à 14 ans, pyjama aux genoux. Ce n'est que des années plus tard que je saurai mettre le nom "traumatisme", puis "fantasme" sur cet évènement peu glorieux de mon histoire.

En pleine adolescence, je me masturbe à la pensée obsédante de cette correction que je revis dans les moindres détails. Quelques mois plus tard, n'osant avouer mon fantasme à qui que ce soit, je ferai l'expérience de me fesser moi-même, sensation très insatisfaisante car il manque l'essentiel, un autre acteur, un témoin, ou les deux.

A 16-17 ans, les premiers émois amoureux. J'ai une copine qui me confie un jour avoir reçu une raclée par son père pour ne pas avoir respecté l'heure autorisée. Mais lorsque j'ose lui demander si c'était "cul nu", presque choquée de ma question, elle me répond qu’évidemment non... "encore heureux". Je serais presque déçue de sa réponse, et j'en ai honte. Je ne veux pas rester la seule sur terre à avoir reçu une fessée cul nu à près de 15 ans, je m'aperçois que je suis obsédée par la fessée, mais pas n'importe laquelle : la fessée, donnée cul nu, ou au moins en petite tenue.

A cette époque je ne sais même pas ce que signifie le mot fantasme. Nous sommes dans les années 1984-1986, pas d'internet, et puis personne n'ose parler de ses fantasmes, on est encore bien loin de 50 nuances de grey...

A 18 ans, j'ai un petit copain depuis quelques semaines, et qui a, sans autorisation, emprunté la voiture de son père, et avec laquelle il vient d'avoir un accident très sérieux. La voiture est foutue. De surcroit il est en tort. Et là, la révélation dont j'ai honte, alors qu'il me confie qu'il est tétanisé à l'idée d'affronter son père, bien que je sache que son père est d'habitude extrêmement sévère, je ne doute pas un instant qu'en raison de son âge, 19 ans, il va échapper heureusement à la punition suprême, une raclée. 

Lorsqu'il me révèle ce qui l'attend – "je vais me prendre la raclée de ma vie..." – au lieu d'être choquée, je suis tout excitée. Mon compagnon est terrorisé lorsqu'il me confie la dérouillée qu'il s'attend à recevoir de son père tout à l'heure, il me donne des détails : il ne doute pas que les coups de ceinture tomberont !

Alors qu'il est majeur, je devrais être outrée, mais l'époque était comme cela, on trouvait cela "normal". J'imagine la situation inverse, si je venais à cartonner sans autorisation la voiture du père, la volée que je prendrais... même à 19 ans. Au lieu de me terroriser, imaginer la situation m'excite ! Je me dis et me persuade que je suis complètement folle.

Quelques jours plus tard, nous nous retrouvons, il me raconte la volée reçue, malheureusement conforme à ses "attentes". En l'absence de cours, nous passons l'après-midi chez lui. Tandis qu'il est sur moi, je profite de la nudité de ses fesses pour les caresser, tout en ne parvenant pas à me détacher de la pensée qui me conduit à la raclée que ses jolies fesses ont reçue quelques jours plus tôt, et j'explose de plaisir. 

Pendant tout le temps que durera notre relation, je ne pourrai jamais me détacher de ce souvenir, pendant qu'il me masturbe, je caresse ses fesses, avec dans la tête, le souvenir de cette fessée encore si proche, obsédante, envahissante. Je m'imagine petite souris, je vois la ceinture de son père atteindre les fesses juste protégées par le slip, s'enroulant autour des cuisses, et une puissante vague de plaisir m'envahit, je m'excite d'une volée reçue par mon compagnon. Bien sûr je ne lui en dis pas un mot tellement j'en ai honte.

La confiance s'installant dans notre relation, je finis par lui avouer que moi aussi, et même encore à 18 ans, il pourrait m'arriver pareille mésaventure. Un jour je lui confie la terrible fessée que j'ai reçue quelques semaines avant mes 15 ans. Je vois bien que l'effet n'est pas du tout le même chez lui que chez moi. Il est insensible à cette révélation, inversement, de mon côté, lui parler de cette fessée que j'ai reçue me conduit à ce que je ne sais pas encore appeler un orgasme. Je suis envahie de plaisir, c'est comme un barrage qui cède et qui englouti un vieux village qui disparaît.

Le triste épisode de la fessée que j'ai reçue à moitié nue, si tardivement et formée, terriblement humiliant, cultive mes fantasmes, toujours liés à ce que j'ai subi à presque 15 ans.

Chaque épisode de masturbation fonctionne accompagné du même scénario, presque invariablement : mon compagnon assiste debout, à côté de ma mère, à la fessée qu'elle est en train de me donner. Celui qui partage ma vie à cet instant, prend alors la place de mon beau-père... Honte et plaisir sont à leur comble. Dans mon moment de plaisir solitaire j'entends maman dire à mon compagnon de vie : "Tu vois comment il faut agir avec elle quand elle n'est pas sage, ou te manquera de respect, une bonne volée, et au lit ! Tu auras la soirée tranquille pour toi... et tu verras, c'est efficace, le lendemain et les jours suivant elle sera sage comme une image..."

Pendant les années qui suivront jusqu'à ce que je prenne mon indépendance, mon beau-père rappellera régulièrement à mon bon souvenir la bonne fessée que j'ai reçue par ma mère. A l'époque je n'ose y croire, je ne sais même pas que c'est possible, mais je ressens déjà, en mon for intérieur, qu'il a pris du plaisir à me voir punir.

Je me souviens d'un épisode qui surviendra 2 ans plus tard. J'ai 16 ans, pour des raison logistiques, je pars seule avec mon beau-père à la maison de campagne, ma mère nous rejoindra 3 jours plus tard avec le reste de la fratrie. Je suis la "bonniche" de mon beau-père, pendant 3 jours, je dois tout faire, je suis la femme de la maison, je dois faire le ménage, la cuisine, et j'ai intérêt à ce que tout soit parfait. C'est la première fois de ma vie que je me retrouve seule avec lui pour plusieurs jours, et déjà sur la route, en chemin vers la campagne, le beau-père m'a prévenue : "Même si je ne suis pas ton père, tu as intérêt à filer droit pendant ces quelques jours, sinon tu auras affaire à moi... ta mère m'a autorisé à te foutre une trempe si ça ne va pas..." Je réalise que parfois ça le démange de m'en coller une. Il a des enfants d'une précédente union, et j'ai déjà vu son fils prendre une volée sous mes yeux... ça calme..  

Je me tiens à carreau pendant les 3 jours. Un soir au téléphone, je l'entends dire à ma mère : "Elle est à deux doigts de la fessée ta fille, ça m'étonnerait que je ne lui en mette pas une avant que tu arrives..." Je ne sais pas ce que ma mère répond à cette menace, ni s’il dit ça juste pour le plaisir de me faire peur ou pour faire le malin, car il n'y a vraiment aucune raison de me punir, j'obéis au doigt et à l'œil, j'ai si peur de lui...

Durant ces 3 jours je vais entendre je ne sais combien de fois : "Si tu ne veux pas que je te mette une fessée comme celle que t'a mise ta mère il y a quelque temps, tu as intérêt à..." J'y prends garde, je tiens à passer sans encombre ces 3 jours.

Insidieusement au cours de ces 3 jours je comprends qu'il n'attend qu'une chose, que je fasse une connerie, ce qui lui donnerait matière à me punir. Insidieusement, infuse en moi l'idée qu'on peut prendre du plaisir à flanquer une fessée à une jeune femme de 16 ans. Une jeune fille qui découvre le plaisir de montrer ses jambes, de mettre une jupe, de porter un short court, et je ressens que ma tenue peut lui donner des envies de me claquer les cuisses.

Il n'est pas mon père, et je ressens que le filtre et le frein de me flanquer une bonne fessée se dilue avec le temps. Je sens que plus il résiste, et plus les risques qu'il craque sont grands. Je ferais tout pour ne pas lui donner ce plaisir, pas à 16 ans. J'évite donc les tenues suggestives, et privilégie le jeans bien boutonné. Des années plus tard il osera plusieurs fois des "ah qu'est-ce qu'elle est jolie ma belle-fille, c'est vraiment une belle femme..." Je me rendrai compte combien ça a dû lui coûter de se retenir, car il s'est retenu, il "m'avait sous la main..." et je n'ai pas eu de fessées durant ces 3 jours. 

Pour de tout autres raisons, j'ai entamé une "thérapie" vers 43 ans. Assez rapidement, les traumatismes de l'enfance sont remontés à la surface, et un jour, j'ai enfin osé rompre ma pudeur avec ma thérapeute, sur cette fessée, administrée cul nu, avec mon beau-père en témoin. Ma thérapeute a vite compris que ce malheureux évènement faisait partie de moi, et avait aussi participé à mon équilibre mental. Il ne faut pas démolir cet évènement qui, devenu fantasme, me protège. Ce qui s'est passé reste soigneusement dans ma tête, recouvert d'un brouillard de honte. Avec l'aide de cette thérapeute, j'ai réussi à identifier le "traumatisme". Au fil de la thérapie, je comprends et j'accepte que pour me protéger, j'ai transformé le traumatisme en plaisir et fantasme en le vivant autrement.

Cette fessée à presque 15 ans ne fut pas la dernière.. J'ai eu droit à 3 autres raclées entre 16 et 18 ans. Toutes mémorables, principalement en raison de l'âge. Celle reçue à 17 ans fut particulièrement marquante, mais fut "atténuée" dans mon souvenir parce que j'étais vêtue, et même si j'étais peu vêtue, ça change tout ! 

Il est très probable que c'est la particularité de la nudité au cours de cette fessée qui a provoqué le traumatisme de mes 15 ans, et que celui-ci vient grandement de la nudité, et secondairement de l'âge auquel m'a été administrée cette fessée, à l'âge de la découverte du plaisir sexuel. En m'appliquant cette fessée, déculottée, et près d'une zone érogène, ma mère n'a pas fait que me punir, elle a aussi violé mon intimité, elle a eu accès, avec les yeux, à mon sexe naissant et poilu, à ma puberté. Et puis il y a aussi le contact de la main sur des fesses, de la peau sur la peau. Je ne suis pas certaine que si elle avait utilisé le martinet, ou une ceinture, l'effet eût été le même.

Ajoutons à cela l'humiliation supplémentaire, et sûrement inutile et sadique, de révéler à qui veut l'entendre "la fessée cul nu qu'a reçue V."... Sœurs, frère, père, cousine, tout le monde a été mis au courant, et même des années plus tard, mes petits copains... 

Je me souviens que le lendemain de cette fessée, administrée un vendredi soir, nous étions en week-end en garde alternée chez mon père, et je n'avais pas très envie que mon père apprenne que la veille j'avais insulté ma mère, je me gardais donc bien de parler de cet épisode côté paternel. Connaissant papa, pour un tel motif, je risquais gros. Mais c'est lui qui m'en a parlé, ma mère l'avait discrètement tenu informé, de l'insulte, et de la conséquence. "Alors il paraît que tu as pris une bonne fessée hier ? et... cul nu en plus, m'a dit maman... Avise-toi un jour de m'insulter et tu vas voir..." En "cachette", elle avait donc dévoilé tous les détails. Mon père m'avait épargnée, considérant qu'une fessée cul nu était déjà amplement suffisante, et que j'étais suffisamment punie comme cela.

Voilà une autre forme de violence que de révéler ou rappeler l'évènement, alors que ça n'a pas forcément d'intérêt pour l'auditoire. Alerter la fratrie pouvait avoir l'intérêt de les inciter à éviter de subir pareille mésaventure, mais une décennie plus tard, informer mon compagnon que 10 ans plus tôt j'ai reçu "une bonne fessée, et cul nu en plus..." n'a aucun intérêt. Par fierté mal placée, je réponds en retour que je suis la seule à avoir échappé au martinet, quelle gloire...

Le psychisme des adolescent(e)s qui subissent ces corrections violentes s'en trouve forcément perturbé, déclenchant parfois des perversions masochistes, c'est moins grave, mais parfois ces perversions sont sadiques, là c'est plus grave ! D'où souvent, comme dans mon cas, une sexualité que d'autres qualifieraient de déviante. Avec les années j'assume de plus en plus, je culpabilise de moins en moins, et à choisir je préfère en retirer un plaisir coupable aux yeux de beaucoup, plutôt que d'avoir un traumatisme ou un comportement autodestructeur, et/ou être victime de graves dépressions. Pire, certains commettent des actes répréhensibles, et des vies sont brisées. J'estime ne pas trop mal m'en sortir, je ne suis pas malheureuse, je pense m'en être plutôt bien sortie. Mais combien de vies sont foutues suite à ces violences.

Mère, j'ai essayé de pratiquer une éducation aimante, tout le contraire de ce que j'ai connu. Je n'aurais jamais toléré que quiconque lève la main sur mes enfants, je ne l'ai jamais fait, mon mari non plus, mon père a menacé une fois, mon fils n'avait même pas 2 ans, il a vite compris à qui il aurait affaire.

J'ai aujourd'hui peine à croire que j'ai insulté ma mère ce jour-là, certes ce n'est pas bien, mais si j'en suis arrivée là, c'est que cette insulte était le fruit de notre histoire, le fruit d'autres traumatismes. Même en surconfiance, du haut de ses 14 ans, il n'est pas normal d'insulter ses parents. Si je me suis "permis", c'est qu'il y avait des raisons. Je dis souvent que dans la vie, pour être respecté, il faut être respectable.

Le blocage français sur le vote à 16 ans n’est que la partie émergée de l’iceberg !

Par Rodolphe Dumouch, membre de l'OVEO

Alors que l’UNICEF vient d’appeler la France à se réformer et à accorder enfin le vote à 16 ans aux élections municipales, alors qu’une candidate de 16 ans a pu se présenter en 2025 au suffrage à Fribourg-en-Brisgau, il est temps de dresser un état des lieux sur cette question.

Fiche d'orientation pour le passage en seconde : l'avis et la signature de l'élève (en général 15 ans) ne sont pas sollicités.

Seulement, ce sujet ne peut absolument pas être traité indépendamment du reste du statut juridique et social des jeunes personnes en France. Fait très méconnu : le statut des « mineurs » français est l’un des plus restrictifs existant dans les pays développés ; il n’est, de surcroît, quasiment jamais interrogé, pas même par les organisations de jeunesse, et encore moins réformé. Les décennies passent et la France est véritablement bloquée au siècle dernier, et ce n’est pas une exagération si on se penche sérieusement sur le sujet.

En effet, la première réalité à ne pas méconnaître sur le vote à 16 ans, c'est que, dans les contrées (États, régions, Länder et aussi un canton helvétique) où il a été accordé, le statut juridique des jeunes personnes leur offrait préalablement beaucoup plus d'autonomie.

Ainsi, les jeunes Allemands de 14 ans disposent d’une « pré-majorité » (Vor-Volljährigkeit1) dans plusieurs domaines de leur vie privée et scolaire. Par exemple, ils peuvent refuser leur inscription dans une école confessionnelle. Le droit britannique lui aussi est très autonomiste, avec en plus peu de limites d’âge et en se fondant sur la maturité concrète, qui apparaît à des stades différents selon les individus. L’Écosse y ajoute une limite à 16 ans, mais c’est pour accorder de façon automatique à tous une émancipation totale ; par ailleurs, le mot minor, jugé péjoratif, a été effacé du droit écossais2.

Le minimum syndical des droits accordés ailleurs aux jeunes personnes, c'est en matière de santé, où les adolescents voient leur consentement recueilli, souvent à partir de 15 ans, de façon juridiquement contraignante. En Angleterre, cette mesure est doublée de la jurisprudence Gillick, permettant à toute personne capable de discernement (discerning en anglais)  d’en bénéficier sans limite d’âge3.

En France, au contraire, « si le mineur est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision, son consentement doit également être recherché » (article R.4127-42 du code de la Santé publique) mais sans que sa parole ni sa signature n’aient la moindre valeur juridique4.

Le dogmatisme français refuse de toucher à cette incapacité absolue, impliquant une soumission à l’autorité parentale de la moindre bribe de vie civile. C'est ce qu’implique l’incapacité juridique des « mineurs », quel que soit leur degré de maturité, même régime de 0 à 17 ans sauf pour aller en prison à 13 ans5 ! Cela va jusqu'à des décisions profondément personnelles comme l’orientation scolaire (le choix des spécialités au lycée relève juridiquement des parents, pas de l’élève) ou les choix spirituels (il faut l’autorisation des deux parents, en France, par exemple pour se faire baptiser).

La France a, en fait, l’acception la plus restrictive en Europe de la Convention internationale des droits de l'enfant. Cela avait choqué nos partenaires dès 1989, comme le mentionne le juriste québécois Dominique Goubau6.

Un véritable blocage idéologique qui se retrouve à la Cour de cassation (des décisions constantes de 1992 à 2022, sauf, une exception, l’arrêt du 18 mai 2005, sur le droit à être entendu) et au Parlement (qui avait choisi comme influenceur le psychologue Jean-Pierre Chartier7, pour qui il ne fallait surtout pas donner de droits aux enfants mais juste demander gentiment aux adultes de se comporter différemment). Lors de l’introduction de la formule « selon son âge et son degré de maturité » dans l’article 371 du Code civil, ce sans la moindre disposition contraignante pour en vérifier l’effectivité, le juriste Guy Raymond8 avait parfaitement résumé la situation française : ce n’était, selon lui, pas du tout un travail sérieux de juriste mais juste un vague conseil pédagogique aux parents et enseignants.

Ce dogmatisme transparaît régulièrement dans les travaux parlementaires, le dernier en date étant celui de la députée Nadine Bellurot, qui avait enterré la proposition du vote à 16 ans dans le rapport n° 243 (2021-2022) sous prétexte de ne pas « dissocier les majorités » (sic). Ce raisonnement est parfaitement spécieux et hypocrite. Non seulement des seuils existent déjà pour cela en pénal, et les mêmes plaident souvent pour la majorité pénale à 16 ans, mais il y eut pire dans l’Histoire : avant 1974, on pouvait être mobilisable à la guerre avant 21 ans (comme cela s'est fait pendant la guerre d’Algérie) et ce n’était pas considéré comme incompatible avec l’absence de vote. Madame Bellurot pointe précisément ce risque de l’abaissement de la majorité pénale résultant du vote à 16 ans, par « effet domino ». Là encore, non : il existe déjà un seuil pénal à 16 ans qui n’est compensé par aucun droit ! Il faut des autorisations parentales pour tout, même pour envoyer un malheureux poème à un concours lycéen. Quand on songe, en comparaison, à nos voisins européens chez qui les jeunes personnes peuvent ester en justice, être une véritable partie au jugement de divorce de leurs parents...

Quant à la majorité pénale, une réinformation est nécessaire sur un point systématiquement caché par nos politiques et nos médias : si elle permet (au choix du juge), pour certains crimes, de juger un mineur dès 16 ans comme un adulte, il existe aussi la possibilité pour le juge de juger quelqu’un comme « mineur » jusqu’à 21 ans9. Cela est valable en Allemagne, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas, pays pourtant pris complaisamment en exemple par certains politiciens conservateurs.

On comprend mieux, dans ces conditions, que le droit de voter à 16 ans n’est que la partie émergée de l’iceberg. L’accorder isolément sans toucher au reste du dispositif de la « minorité » à la française n’aurait aucun sens, même si une avancée est toujours bonne à arracher...

Le problème a longtemps été, comme le notait Christine Delphy en 199510 dans L’État d’exception : la dérogation au droit commun comme fondement de la sphère privée, qu’il n’existe pas de courant autonomiste pour les « mineurs » en France, alors que des idées de ce type se sont exprimées, par exemple, au parlement des Pays-Bas en 1988 et ont obtenu des mesures lors des débats préalables à l'adoption de la CIDE11. En fait, c’est désormais faux, ce courant autonomiste se développe progressivement dans le milieu associatif. Mais ce n’est pas seulement aux associations de faire le boulot, il faut aussi impliquer les députés et les mettre devant leurs responsabilités.

Cette espèce de conservatisme rance de la « tradition juridique » n’est pas nouveau en France. Il avait déjà fait traîner, sous des prétextes divers, les droits des femmes (un petit 40 ans de retard sur la Suède, comme d’ailleurs avec la loi du 10 juillet 2019 sur l’abolition « des violences éducatives ordinaires », et encore, en Suède, la loi était juridiquement assortie de mesures, sans compter toute la réflexion de la société suédoise sur l’enfance). Il avait aussi retardé l’importante législation sur les « actions de groupe » car ce n’était soi-disant pas dans la culture juridique française, cette magnifique tradition exigeant l’égalité : l’égalité théorique du pot de fer devant jouer un à un et tour à tour contre les pots de terre, en l’occurrence...

Or, les droits des femmes ont fini par devenir une évidence ; les actions de groupe sont désormais admises et permettent de lutter contre les arnaques organisées par les grands groupes. En revanche, les enfants et les adolescents sont toujours en reste. N’est-il pas choquant qu’ils passent toujours en dernier ?

Envoyons au diable la « tradition juridique française » de « l’incapacité juridique absolue » des « mineurs » et celle de « l’autorité parentale » sans partage ni respect de sujets profondément personnels comme l’orientation scolaire, le choix du lieu de vie, sans compter notre souhait de disparition du terme « mineur » lui-même ! On y arrivera !


  1. Voir notre article Esquisse d’un tableau géographique des droits-libertés pour les jeunes pré-majeurs en Europe. ↩︎
  2. En effet le terme de « mineur.e » dévalorise de facto celui ou celle qu’il désigne. Ce mot est malheureusement une représentation exacte de la considération que la société porte aux plus jeunes. ↩︎
  3. Ce discernement est évaluée par un protocole standardisé. ↩︎
  4. Voir Stéphanie Renard, La pré-majorité sanitaire, colloque Jeunesse et Droit, approches internes et internationales, HAL CCSD, 2019. ↩︎
  5. Les peines privatives de liberté, qui sont possibles dès 13 ans (Ord. 2 févr. 1945, art. 2 et art. 20-2) mais qui prennent en compte une excuse de minorité (Ord. 2 févr. 1945, art. 2 et art. 20-2 à 20-9) qui est obligatoire pour les 13-16 ans (et qui a pour effet de diminuer de moitié la peine normalement encourue) et qui peut être écartée pour les plus de 16 ans, mais à titre exceptionnel, compte tenu des circonstances de l'espèce et de la personnalité du mineur ainsi que de sa situation et par décision spécialement motivée (Ord. 2 févr. 1945, art. 20-2). ↩︎
  6. Voir Jeunesse et Droit par le prisme de la vulnérabilité, sous la direction de Dorothée Guérin, LexisNexis, 2021. ↩︎
  7. Voir notre article À propos du livre de Jean-Pierre Chartier Les Transgressions adolescentes. ↩︎
  8. Droit de l’enfance et de l’adolescence, 5ème éd., Paris, Litec, 2006. ↩︎
  9. Voir Dorothée Guérin et al., op. cit. ↩︎
  10. Voir l’article Reconnaissance de la domination adulte et donc des femmes sur les enfants par une sociologue féministe. ↩︎
  11. Voir L'Adolescence en droit français et en droit néerlandais, actes du colloque organisé à Nimègue les 9-10-11 mai 1994, Faculté de droit de Nimègue, Faculté de droit de Poitiers. ↩︎

Enfance, luttes et avenir : place au FIESTA !

Depuis plusieurs mois, la question de l’enfance émerge au cœur de l’actualité.

Parents, professionnel·les de l’enfance, militant·es, chercheur·euses… et bien sûr, les jeunes personnes elles-mêmes : de plus en plus de personnes s’engagent, individuellement et localement, pour défendre les droits et le bien-être des jeunes, et dénoncer les injustices dont ils et elles sont victimes. Mais aujourd’hui, ce combat essentiel reste trop souvent dispersé. Chacun·e agit de son côté, sur des thématiques spécifiques – violence éducative, harcèlement, inceste… – sans toujours pouvoir créer des ponts.

Face à l’ampleur du défi, il est temps de se rencontrer, de faire réseau, et de construire une vision commune.

C’est pour cette raison qu'avec le Collectif Enfantiste nous vous donnons rendez-vous très bientôt pour le FIESTA — Festival enfantiste et antiadultiste : un événement joyeux, militant et nécessaire, pour partager nos savoirs, croiser nos expériences, et penser ensemble un avenir plus respectueux des jeunes.

Rendez-vous le dimanche 4 mai 2025, de 12h à 20h, à la Cité Fertile (Pantin)

Au programme : animations, ateliers militants, ciné-débat, conférence gesticulée, spectacle, tables-rondes, groupes de discussion, concert enfantiste… Un festival festif, politique et inclusif.

Le FIESTA s’adresse à toutes les personnes qui veulent construire une société réellement accueillante pour les enfants et les jeunes. Venez nous rejoindre pour penser et agir ensemble pour une société plus respectueuse des jeunes personnes et un avenir enfantiste !

On vous attend nombreuses et nombreux !

(Billetterie à prix conscient)
Programme : sur fiesta-2025.org/le-programme et pdf imprimable en noir et blanc
Site de l'événement : fiesta-2025.org
Dossier de presse (pdf interactif)
Communiqué de presse (pdf)


À l’occasion du Festival enfantiste et antiadultiste (FIESTA) du 4 mai 2025 ont eu lieu deux tables-rondes : « Penser la domination en réseau : enfance et intersectionnalité » et « Violences dans l’enfance : sortir d’une culture de la domination », auxquelles ont contribué des membres de l’OVEO. Les captations ont été réalisées par l’association Parlons Péda que nous remercions.

« Tais-toi et chante ! », mémoire de Jeanne Bariol

« Comment les adultes considèrent-iels les enfants ? En quoi existe-t-il un rapport de pouvoir entre ces deux classes d’âge ? Comment se manifeste-t-il, en particulier au sein de l’école de musique ? Entre violences subies et absence de pouvoir, les enfants sont porteur·euses de nombreuses discriminations. Ainsi, ce mémoire est une invitation à remettre en question notre conception de l’enfance et tente d’esquisser en quoi l’école de musique pourrait être un laboratoire pour cultiver cette réflexion. »

«Tais-toi et chante » Enfants à l’école de musique, entre violences subies et
absence de pouvoir
est le titre du mémoire de fin d'étude de Jeanne Bariol. Il est le résultat de ses observations, lectures et discussions participant à sa construction en tant que musicienne-enseignante. Son service civique, effectué dans une école maternelle/primaire Montessori, a été déclencheur. Son besoin d'analyser le rapport adulte-enfant s'est renforcé par la suite de ses expériences de formation et d'enseignement musical.

À propos du livre de Jean-Pierre Chartier « Les Transgressions adolescentes »

Par Rodolphe Dumouch, membre de l'OVEO

Ce livre1 est en fait un recueil disparate d'articles de l'auteur, de chapitres d'autres de ses livres, de passages de sa thèse et de textes déclarés « inédits ».

Alors qu’on annonce un ouvrage sur « les transgression adolescentes », il y sera souvent question d'adultes plus ou moins renvoyés à leur enfance et/ou adolescence, mais aussi de gestion et de « management » des établissements spécialisés (p. 28 à 40).

Tout cela ne serait pas trop gênant si l'ouvrage n'était pas parsemé d'idéologie adultiste, misopède et autoritaire ni de fatras psychanalytique du XXe siècle, totalement dépassé et relégué depuis longtemps à l'état de pseudoscience par la communauté scientifique et médicale. Page 2, l'auteur sent d’ailleurs passer le vent du boulet puisqu’il parle du « contexte actuel de scientisme et d'organicisme qui renoue avec la vieille tradition médicale préfreudienne ».

La première phrase du livre annonce la couleur d'emblée : « Adolescence rime avec délinquance. Progresser, régresser, transgresser résument la problématique centrale de l'adolescence » (sic). Dans ce florilège, on notera : « Quand Thomas More publia, en 1516, Utopia, il ne pouvait pas imaginer que le titre de son ouvrage définirait la place des jeunes adolescents et adultes qui aujourd'hui sont "sans lieu" car insupportés partout et par tous » (p. 18-19). Si l'auteur avait bien lu Thomas More, il aurait, au passage, constaté que l'utopie présentée dans le livre est loin de donner une place de choix aux adolescents et prône un modèle strictement autoritaire.

L'ouvrage est ainsi ponctué de réflexions tournant autour du lieu commun du prétendu manque d'autorité et du prétendu « manque de repères » des jeunes gens, cela en prenant appui sur des cas pathologiques extrêmes censés représenter une illustration générale de l'adolescence (p. 25). Ce sophisme n'est à aucun moment objet d'une réflexion. C'est même assumé : « Pour Anna Freud, "le diagnostic différentiel entre les bouleversements de l'adolescence et la véritable pathologie est une tâche très difficile" » (p. 23).

De surcroît, les cas cités en exemple sont presque tous victimes d'inceste et de graves violences éducatives : « À travers l'alcool et les coups, se revisitait chaque soir au domicile familial la saga des conquêtes et des défaites de l'empire français » (p. 92) pour « Jean-Pierre », « coups de ceinture » pour « Lionel » (p. 113), que son père, trop faible pour faire cela lui-même, livrait à sa mère. On y trouve aussi des enfants surinvestis par leurs parents qui projettent sur eux leurs ambitions démesurées de réussite (p. 149). Mais l'auteur n’interprète tout cela quasiment qu'en termes freudiens et ramène l'inceste à « l’Œdipe », les violences autoritaires à des questions de « transfert », ce qui évidemment crée une belle cécité de nature idéologique. « Le climat incestuel, c'est-à-dire une ambiance qui présente toutes les marques de l'inceste – sans pour autant qu'il ait réalisation sexuelle complète – autorise ainsi toutes les transgressions futures » (p. 21). « Pour conclure, l'absence de limites rencontrées dans l'enfance fait de l'adolescent un sujet en risque de devenir sans limites en perpétuant la mégalomanie infantile » (p. 22). On passe ainsi des violences subies au « manque de limites » et au manque d'autorité ; le biais idéologique est stupéfiant. La touche freudienne en rajoute : « Les conduites ordaliques, les actes délinquants participent de ce processus de réorganisation de la vie libidinale » (p. 25). L'auteur défend l'idée freudienne de l'enfant « pervers polymorphe » (p. 110).

On y trouve d'autres sottises. Ici, on ne sait si c'est une interprétation psychanalytique de l'autisme alors qu'il est à fondement neurologique – complexe, hétérogène et multidimensionnel – ou si c'est un contresens sur le terme « autisme » : « Au fur et à mesure que Thanatos détruit en lui le "bon objet", il désinvestit sa victoire dans la mise à mal du bon objet interne qui aurait permis à ces sujets de vivre, d'apprendre à parler et d'échapper à l'autisme » (p. 150).

L'auteur parvient aussi, en une demi-page, à faire la synthèse tant attendue de la relativité générale et de la physique quantique en les unissant même avec la génétique et le freudisme (p. 19-20) :

La délocation dont il fut l'objet, c'est-à-dire cette expulsion d'une matrice sans introduction réelle à la vie humaine (Sélosse, 1991) sape les bases de l'éthique. Elle aura des conséquences sur l'intrication pulsionnelle.

Si l'on compare le psychisme élémentaire de l'être humain à la structure hélicoïdale de l'ADN, telle que l'ont mise en évidence Watson et Cricks [sic], une branche représentait une pulsion de vie et l'autre une pulsion de mort reliée à la première par la pulsion d'emprise qui essaie de maîtriser l'excitation haineuse en la "libidinisant". Le sadisme et le masochisme vont être, pour ces sujets, des moyens ultimes pour tenir en respect une pulsion de mort partiellement déliée par la faillite initiale de l'établissement du lien à l'autre. J'ai appelé cette catastrophe interne le "trou noir psychique" ; comme le trou noir dans le cosmos qui retient et "accrète" les étoiles, il garde prisonnière la libido du sujet et attire à lui les êtres et les objets qui passent à sa portée pour les détruire.

L'auteur précise : « L'analyste doit être avant tout contempteur des évidences, un poète inspiré par l'esprit de l'enfance » (p. 1). On pourrait rire de ce bullshit, mais le souci est que l'auteur a précisément un problème avec les enfants : « La Convention des droits de l'enfant, dont on fêtait en grande pompe l'anniversaire, n'est-elle pas la plus grande aberration des temps modernes, pour reprendre le titre du film de Charlie Chaplin, en ce qu'elle consacre le déni de la nécessaire différence entre le statut d'adulte et celui d'enfant ? » (P. 17.)

Ce dernier passage n'est pas resté confiné dans cet obscur ouvrage. L'auteur l'avait déjà prononcé en 2002 devant le Sénat, où il était reçu comme « expert » de l'adolescence. Il y avait tenu un propos de même nature, ajoutant : « Le contenu [de la Convention] n'est pas mauvais, mais il faut dire que ce sont les parents qui sont obligés de se comporter d'une certaine manière et non pas les enfants qui ont des droits ! » (Rapport sénatorial n° 340, 2001-2002).

Ce personnage a manifestement été largement écouté comme « expert », puisque la France a précisément suivi cette ligne depuis plus de 20 ans. Elle a ainsi pris un retard considérable en matière de droits de l'enfant, en particulier de droits-libertés et de capacité juridique des « mineurs2 ». Les comparaisons internationales sont sans appel : le minimum existant  presque partout dans les pays développés, sauf en France, est la « pré-majorité médicale » à 15 ans ; en France, on se contente de directives incitant parents, médecins et soignants à s'efforcer d'« obtenir le consentement du patient mineur », mais sans jamais que ce consentement n'obtienne une valeur juridique opposable. Cela a d'ailleurs été confirmé par la Cour de cassation en 2022 avec un scandaleux arrêt sur l'internement psychiatrique des « mineurs » (arrêt 22-70.003)3.

Il est en de même en matière scolaire, où le choix de l'orientation des langues et des spécialités, y compris au lycée, nécessite l'approbation du seul représentant légal et non de l'élève lui-même, qui est seulement « informé de la décision » (sic) ; de même, quand il signe une convention de stage, il est « informé » de sa convention de stage. Pire : pour toucher ses propres indemnités de stage, il lui faut une autorisation parentale et, comme au bon temps du père Grandet de Balzac, le représentant légal peut encore, en 2025, demander le versement sur son propre compte. Sur ces questions, les syndicats lycéens sont totalement inactifs : ils n'ont jamais soulevé ces sujets dans leurs revendications. Leur dépendance vis-à-vis de certains politiciens adultes devra tôt ou tard être interrogée.

De même, l'introduction en 2019, dans l'article 371 du code civil français, de la formule incitant à tenir compte de « son âge et son degré de maturité » sous forme d'un vague conseil pédagogique aux parents sans portée contraignante reprend presque mot pour mot les recommandations de Jean-Pierre Chartier. Il est stupéfiant qu'un tel personnage ait manifestement eu un pouvoir de lobbying assez grand pour parvenir à faire prendre à la France « 30 à 40 ans de retard » en matière de droits des moins de 18 ans, selon le juriste québécois Dominique Goubau ; encore écrivait-il cela en 2019 : nous devons donc parler désormais de 35 à 45 ans.

Il est temps, après avoir démystifié Jean-Pierre Chartier et ses émules, d'avoir à notre tour une influence similaire, mais plus avisée scientifiquement et surtout pertinente au regard des exigences du droit international. Il est temps, pour l'OVEO, de faire de vraies propositions imposant une capacité juridique des « mineurs » et la garantie de leur consentement effectif sur les décisions les concernant par de vrais actes juridiques, une valeur de leur signature, et non sur le fondement vague d'une bienveillance supposée des adultes présente dans une formule molle et dénuée de portée en droit.

Pour cela, l'OVEO ne peut plus se contenter de travailler sur la seule violence éducative, qui invisibilise l'autre question cruciale : celle de la domination adulte dans sa forme légale. Cette domination est une des causes profondes de ladite violence éducative. Ce chantier n'est même pas commencé en France, il est plus que temps de le politiser.


  1. Jean-Pierre Chartier, Les Transgressions adolescentes, Paris, Dunod, 2010, 192 pages. (Nous n'avons pas encore lu son livre Les Adolescent difficiles. Psychanalyse et éducation spécialisée, Dunod, 3ème éd. 2011, qui reprend largement les mêmes éléments de langage...) ↩︎
  2. Le terme « mineur » exprime explicitement la façon dont notre société traite les jeunes personnes de moins de 18 ans. ↩︎
  3. La Cour de cassation (arrêt 22-70.003) considère qu'un « mineur » hospitalisé de force en psychiatrie par sa famille est en hospitalisation libre : les décisions prises à sa place par ses parents sont considérées comme les siennes propres. ↩︎

Des « révélations », écrivent-ils…

Par Sophie Blum, membre de l’OVEO

Image générée pour l'article avec Mistral AI.

Jeudi 27 février, il est 7h30 quand j’entends sur France Inter qu’« après l’établissement de Bétharram, la cellule investigation de Radio France révèle des accusations de violences dans un autre établissement privé catholique, Notre-Dame-de-Garaison, dans les Hautes-Pyrénées ».

J’étais collégienne dans les années 1990. De la génération de plusieurs victimes témoignant en ce moment des violences subies dans ces établissements. Et j’accueille les commentaires consternés sur cette vague de « révélations » avec un certain scepticisme…

En effet, si certains propos rapportés font état d’une violence extra-ordinaire que l’on peut qualifier de torture, il me semble que le fait que les châtiments corporels y soient pratiqués est précisément l’une des raisons qui motivaient certains parents ou tuteurs et tutrices à placer les enfants dans ces institutions.

Je précise que le terme « torture » n’est presque jamais utilisé quand il s’agit de violences envers les enfants, à part en situation de guerre. Pourtant, son usage pourrait être étendu si l’on s’en tient à l’article premier de la Convention contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants1 la désignant comme « tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit, lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite2 ».

Ma perception de l’époque était que les parents choisissaient de mettre leur enfant dans un établissement privé catholique pour qu’ils soient « surveillés » et obligés de « bien travailler ». Parce que l’encadrement y était plus strict que dans les établissements publics et, disait-on, d’une exigence scolaire plus élevée. Il se disait couramment qu’on y trouvait des jeunes issus de familles bourgeoises souhaitant s’assurer du bon (meilleur !) niveau académique (un choix toujours plébiscité par « l’élite », semble-t-il), ou des jeunes « chahuteurs » en phase de décrochage à qui on devait « serrer la vis »… (La combinaison des deux critères étant bien évidemment possible !)

On sait trop bien ce que cache souvent l’euphémisme « une éducation stricte » ou « sévère »…

À noter que, paradoxalement, ce choix était aussi préféré lorsqu’on s’inquiétait d’un climat scolaire violent, régulièrement dénoncé dans l’enseignement public3

N’est-il pas curieux d’admettre qu’on redoute la violence entre enfants, mais que celle des adultes soit tolérée, voire recherchée4 ?

Si ces récits sont aujourd’hui pris au sérieux, il est probable que l’époque #MeToo y ait contribué. Grâce aux réseaux sociaux, des personnes ont pour la première fois commencé à parler publiquement de ce qui, individuellement, était souvent perçu comme trop anodin pour faire scandale, et qu’elles ont enfin trouvé un écho. Peu à peu les choses ont été entendues pour ce qu’elles sont effectivement : scandaleuses. Scandaleuses et systémiques.

Si « révélations » il y a, ce ne sont pas tant celles des victimes, qui n’ont probablement jamais réellement caché leur souffrance et ce qu’elles subissaient5 (exception faite des événements traumatiques générant une amnésie protectrice6), que la révélation psychologique vécue par une grande partie des commentateur·ices : leur prise de conscience.

Leur prise de conscience que les coups portés sur des enfants n’ont jamais rien d’acceptable et sont bien souvent les prémisses de violences plus graves. Qu’il n’y a jamais eu de frontière nette entre des coups raisonnables et des coups qui ne le sont pas. Qu’il n’y a finalement pas de châtiments corporels qui puissent être bénéfiques. Que le climat de terreur psychologique si longtemps glorifié pour faire des enfants des êtres méritants et vertueux n’a absolument rien de bénéfique, en plus d’être une porte grande ouverte aux pires malveillances.

Si certaines personnalités politiques sont aujourd’hui probablement sincèrement indignées des violences dénoncées, il est certain qu’elles ne l’auraient pas été (ne l’étaient pas) au moment des faits ou il y a même simplement 10 ans.

À l’intérieur de moi, ça crie l’hypocrisie de l’histoire.

Le retrait des œillères et la connexion à plus d’empathie pour le vécu des victimes est possible car, heureusement, les mentalités évoluent. La partie immergée de l’iceberg de la violence devient peu à peu visible.

Mais il est à noter que ce qui facilite cette acceptation tient probablement au fait que ce sont des victimes adultes qui témoignent. Pas des enfants qui « se plaignent »…

N’oublions pas : qu’en est-il des enfants qui pleurent encore régulièrement, craignant d’aller en classe, en foyer ou chez un parent parce que le climat y est « dur », l’adulte « pas gentil·le » ?

Qu’en est-il de la parole des jeunes d’aujourd’hui ? Faudra-t-il attendre qu’eux aussi soient adultes pour que la société voie la violence quotidienne et l’oppression qu’ils et elles endurent et que la société a parfois même l’audace de vanter ?


Le site de l’OVEO regorge de témoignages permettant de comprendre la dimension systémique de la violence envers les plus jeunes. S’enchevêtrent les violences à un niveau interpersonnel (interactions adulte-enfant), organisationnel (il est attendu des responsables parentaux qu’ils soumettent leur enfant à l’autorité) et institutionnel (l’enfant n’a pas des droits à part entière dans la société).


Pour prolonger la réflexion :

Le 9 juillet 2025, la chaine Youtube « Parole d’Honneur » a publié une vidéo intitulée « L’enfer Bétharam : mécanique de la répression » (vidéo de 2 heures 12).
Cette discussion, animée par Yazid Arifi, directeur de l’école démocratique de Paris (EDP) que l’OVEO connait bien pour y avoir organisé plusieurs AG et les premières Rencontres de l’OVEO le 21 octobre 2023, est a priori le premier d’une série envisagée sur le thème de l’éducation.
Les invités pour cette analyse sont François Begaudeau (auteur, réalisateur et ancien professeur), Matthieu Poupart (auteur et cofondateur du collectif Agir pour notre Église) et Gabriel Allégret (jeune chercheur sur la domination adulte, membre de l’OVEO), invité ici en tant que membre du Collectif Enfantiste.
Gabriel est intervenu pour expliquer l’aspect systémique des crimes sexuels, de la maltraitance et des tortures commis par de très nombreux adultes au collège-lycée de Bétharram7, dont des membres de la communauté religieuse, sur une période de plus de 50 années (ledit établissement étant toujours ouvert). Il évoque le problème de cette violence dans les familles et dans l’Église (2ème lieu des violences sexuelles après la famille), dans l’ensemble des écoles et au-delà dans les pensionnats, notamment les pensionnats autochtones en Guyane8.
Gabriel élargit ainsi son propos à la violence systémique sur toutes les jeunes personnes et dans toutes les institutions. Il inscrit aussi l’enfantisme/l’antiadultisme dans une dimension décoloniale et antiraciste, à l’heure où l’islamophobie s’exerce jusque sur les enfants de Gaza, tués, mutilés et affamés sous nos yeux, sans que notre gouvernement n’interroge sa collaboration avec le gouvernement israélien.
Les échanges mènent à la remise en question de l’éducation : l’éducation est violente par essence.9


  1. Texte adopté en 1984 par l’Assemblée générale des Nations Unies et entré en vigueur en 1987. ↩︎
  2. Le § 1 de l’article se conclut ainsi : « Ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles. » Les « sanctions légitimes » visées par cette dernière phrase sous-entendent les privations de liberté par emprisonnement. Lorsqu’on l’applique aux enfants, cette précision semble alors neutraliser ce qui précède, beaucoup considérant que les châtiment corporels et autres punitions (y compris l’enfermement en institution) sont de l’ordre de la « sanction légitime » pour redresser les « mauvais comportements ». Le parallèle entre ce que vivent les prisonniers et les enfants n’est-il pas intéressant ? Le seul délit des plus jeunes étant de n’être pas assez âgés pour recourir aux mêmes droits que tous les êtres humains. Rappelons enfin que le « droit de correction » issu de l’Ancien Régime – et malheureusement toujours pas clairement aboli par la loi en France – n’est que jurisprudentiel. ↩︎
  3. Bien qu’en tant qu’adolescent·es, nous sentions que la violence entre jeunes y était certainement identique voire pire. Elle pouvait paraître insidieuse et sournoise. Si les bagarres dans la cour n’éclataient peut-être pas du fait d’une surveillance accrue, qu’en était-il du harcèlement dans les toilettes ou à la sortie ?… Une violence cachée alors plus difficile à dénoncer. ↩︎
  4. Par exemple, l'Éducation nationale s’investit contre le harcèlement entre élèves, mais non contre celui des adultes envers les enfants, alors que c'est principalement la violence de l'institution, relayée par les adultes, qui est à l'origine du harcèlement entre élèves. (Note de l’OVEO.) ↩︎
  5. Ce 28 février, Mediapart publie d’ailleurs les traces d’une douzaine de signalements et plaintes ignorés ou classés depuis 1993. Le 21 février, Arrêt sur images diffusait dans son émission (accessible à tous·tes depuis grâce au vote des abonné·es) des extraits de plusieurs archives de l'INA faisant déjà état des faits. ↩︎
  6. « Ces amnésies sont des conséquences psychotraumatiques des violences dont les mécanismes neuropsychologiques sont une dissociation de sauvegarde (Van der Kolk, 1995, 2001). Depuis 2015, les amnésies traumatiques dissociatives font partie de la définition de l’état de stress post-traumatique (DSM-5, 2015). Elles peuvent durer plusieurs dizaines d’années et entraîner une amnésie de pans entiers de l’enfance, presque sans aucun souvenir mobilisable, ce qui entraîne une impression douloureuse d’être sans passé ni repère. » (Dre Muriel Salmona, psychiatre, L’AMNÉSIE TRAUMATIQUE, un mécanisme dissociatif pour survivre, 2018.) ↩︎
  7. Il est fait référence tout au long de l’échange au rapport parlementaire sur les violences dans les établissements scolaires, avec les deux co-rapporteurs Violette Spillebout (EPR) et Paul Vannier (LFI) (lire les 50 recommandations du rapport ici) ↩︎
  8. Gabriel évoque le livre d’Hélène Ferarrini, Allons enfants de la Guyane – Éduquer, évangéliser, coloniser les Amérindiens dans la République, 2022, Edition Anarchasis. ↩︎
  9. De nombreux articles étayent cette idée sur notre site comme https://www.oveo.org/declaration-de-philosophie-de-loveo-avril-2021/, https://www.oveo.org/reflexions-sur-la-pertinence-de-la-formule-violence-educative-ordinaire/, https://www.oveo.org/violence-a-lecole-et-violence-de-lecole/ ↩︎