La violence n'est pas innée chez l'homme. Elle s'acquiert par l'éducation et la pratique sociale.

Françoise Héritier, anthropologue, ethnologue, féministe, femme politique, scientifique (1933 – 2017)

Alice Miller m’a sauvé la vie

Témoignage rédigé avec l'aide du questionnaire.

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Après des années de grandes difficultés physiques et psychologiques, à force de thérapies de recherches et de lectures, j’ai rencontré les œuvres d’Alice Miller
En m’aidant à tourner le dos à ma famille, cette femme m’a sauvé la vie.
La limpidité et l’ascèse de son discours étaient telles, que chaque mot, chaque phrase retentissaient en moi comme une évidence. Je n’avais jamais rencontré cela auparavant.
Soudain je comprenais tout : le drame de l’enfant doué d’intelligence et d’empathie, l’enfant sous terreur, ce corps qui ne ment jamais etc etc

Mon état et les séquelles
J’ai 54 ans et une immense partie de ma vie, presque toute, a consisté à comprendre, à soigner et à trouver des solutions pour survivre à la maltraitance subie dans mon enfance.
J’ai dépensé beaucoup de temps, beaucoup d’argent et beaucoup d’énergie pour soulager ma dépression chronique, ce qui rajoute à l’injustice.
Mais d’autres, comme mon frère n’ont réussi qu’à reproduire la violence sur leurs enfants qui la reproduisent aujourd’hui à leur tour.

Alice Miller le dit : l’enfant maltraité qui n’a pas l’opportunité d’aller à la rencontre de sa souffrance initiale ne peut que devenir bourreau à son tour ou victime à jamais
Mais que de travail et d’acharnement pour sortir de cet écueil !

Je continue à avoir des accès d’abattement et de mélancolie, surtout lorsque je suis dans une situation d’isolement qui me rappelle celle de mon enfance et j’ai une tendance morbide à m’y reléguer moi-même
je reste souvent collée à l’enfant triste que j’étais. C’est comme si le fait d’aller bien risquait de faire oublier la petite fille meurtrie ce qui équivaudrait à banaliser la maltraitance subie.

J’ai plus de facilités à œuvrer pour les autres. La part de moi qui doit œuvrer pour moi est presque morte sous les coups de boutoirs des tortionnaires : je ne m’en suis rendu compte que très récemment

J’ai acquis, depuis peu, la certitude que, pour ne pas oublier cette souffrance il faut en faire quelque chose. La dire d’une manière ou d’une autre
Malheureusement, il n’est pas facile et souvent inopportun de déverser sa souffrance en la racontant.
J’ai parfois pensé à écrire, malheureusement, je n’ai pas de compétences en écriture et mon récit risquerait de se borner à un long déversement de vomissures
Sculpter des sexes pour tuer le père violeur, comme Louise Bourgeois, je ne peux pas …. ; je suis bien artisan d’art mais mes créations sont douces rondes et délicates. Elles constituent mon seul moyen d’exprimer ma féminité mise à mal par tant d’agression.
Je n’ai pas encore trouvé comment faire
Peut être que militer, pour partager, témoigner et aider est une bonne solution

La nature de la violence subie et les émotions qu’elle génère
la violence exercée par mes 2 parents (c’était ce qui unissait ce couple) n’était que très rarement une violence physique, c’était une violence psychologique ; une violence quotidienne, insidieuse et perverse, une violence contre laquelle il est difficile d’agir car elle est invisible.
mon frère, de 12 ans mon ainé et moi-même, étions des enfant ignorés, méprisés, moqués, rejetés, achetés, calomniés et insultés dans les termes les plus vils (gros plein de soupe, pute à ton père, etc etc) et nous devions nous taire et nous estimer bien heureux d’avoir un toit sur la tête et de quoi manger
Chaque tentative de notre part de faire, ou de dire quelque chose était immédiatement réprimée, raillée, ridiculisée ou condamnée, vécue par nos parents comme une offense.
Il était interdit de parler, de poser des questions, d’être malades ou de pleurer
Alors que mes parents me terrorisaient et me menaçaient de mort en permanence, il était interdit d’avoir peur et je restais seule avec de terribles angoisses qui m’ont poursuivies pendant très longtemps.
Dès l’âge de 14 ans, mon frère travaillait. (on disait de lui qu’il était un idiot, un bon à rien incapable de suivre à l’école). Le reste du temps, il vivait à l’extérieur. Il ne rentrait que pour dormir et se faire agresser… et il m’agressait en retour ; j’en avais une peur terrible.
Moi j’étais seule, et il m’arrivait souvent de finir par m’endormir dans mon placard pour ne pas entendre les violents disputes de mes parents dont je serais tenue pour responsable si d’aventure je me montrais.

Les émotions que je ressens de cette époque sont la peur, l’angoisse, et la tristesse.
Mais j’étais également animée d’une certitude : mes parents avaient raison, j’étais mauvaise ; j’étais responsable du malaise familial. Je pensais que si je m’appliquais à être plus aimante, et plus gentille, tout finirait par s’arranger.
Forte de ce mensonge inculqué devenu pour moi un mode de vie, J’ai œuvré dans ce sens pendant 51 ans, avec une fidélité servile dont mes parents et plus particulièrement mon père ont ils ont abusé dans les agissements les plus sordides.
Cette fidélité servile m’a conduite dans de nombreux écueils sentimentaux, professionnels et financiers.
Les mots de putain, voleuse, menteuse, envieuse, chanceuse, paresseuse prononcés en accentuant le « eu » et en faisant une grimace de dégout ont accompagné toute mon existence.

il y a 3 ans, forte de mes lectures et enfin aidée par un psychologue courageux, j’ai réussi à me dégager physiquement de ce système, j’ai failli en mourir mais j’ai réussi.
Je vis désormais en dehors d’une famille qui me condamne pour avoir osé contrarier un théâtre familial si bien rodé.
Je vis désormais loin de tout ça et ce n’est pas toujours facile. Je ne suis pas sure que l’on puisse faire le deuil de son dû le plus élémentaire qui consiste à être considéré comme un être humain par ceux qui sont censés vous élever. Ces gens qui s'érigent aujourd’hui comme de pauvres vieillards esseulés, laissés de côté par des enfants et petits-enfants ingrats ne nous ont rien épargné ; ils ne nous ont jamais renvoyé le moindre sentiment positif sur qui nous sommes. ils ne se sont jamais abaissés à écouter ce que nous avions à dire

Avec mes propres enfants
contrairement à mon frère et je ne sais par quel miracle, je n’ai pas reproduit cette violence sur mes enfants (ma nièce a fait des tentatives de suicide, mon neveu a fait des séjours en HP pour crise de démence)

J'ai plus une nature de victime que de psychopathe
D’autre part, je possède une capacité d’observation assez développée et au fond de moi j’ai toujours su que cela ne se passait pas ainsi au sein de toutes les familles

Assez jeune déjà, je m’intéressais à la psycho
J’aimais bien Dolto (encore une merveilleuse clairvoyante), et les cours de philo qui parlaient de Freud me passionnaient ; Cela m’a sans doute aidée dans l’éducation de mes enfants …. Mais surtout, là encore, j’ai consacré beaucoup de temps et beaucoup d’énergie à appliquer comme une recette de cuisine, des techniques élaborées par des gens qui me semblaient clairvoyants et bien intentionnés.
Le bon équilibre de mes enfants était le but premier de ma vie, son seul sens.
C’est sans doute ce désir qui m’a souvent maintenue debout, car la volonté d’aller de l’avant pour moi, ne me parait pas toujours une notion évidente.

Néanmoins, malgré tout le travail accompli, malgré les bonnes relations que j’ai avec mes enfants, et avec les gens en général, il suffit parfois de peu de chose pour que l’idée que je suis mauvaise ou nulle revienne me hanter.

Je n’ai pas de compagnon, je ne possède rien, mon travail est difficile et sans sécurité du lendemain, j’ai des soucis de santé et j’ai parfois envie d’anéantir ceux qui disent que je m’en sors bien.

Toutefois, et c’est là ma plus grande récompense, mon petit-fils de 18 mois est un petit garçon merveilleux que ses parents élèvent avec beaucoup d’amour et dans le plus grand respect.

Bravo, Alice, Louise, Françoise, Jean Paul, Sigmund, Paul-Claude, Marie-France et d’autres encore pour votre merveilleux travail. Sans vous, je serais sans doute morte.

Violence éducative dans notre société

De façon plus générale, je rajouterai que, hélas, la violence éducative est toujours présente dans notre société car elle en est le fondement.
L’ancien et le nouveau testament sur lesquels sont basées nos pseudo démocraties monothéistes ne sont qu’une longue successions d’exemples de violence éducative. On a érigé en dogme et on érige encore des allégories dans lesquelles on abandonne des enfants, dans lesquelles on en fabrique d’autres pour les sacrifier en vue de sauver l’humanité. On y prône l’adoration aveugle des géniteurs (4e commandement) et, pour absoudre tout ça, on exige le pardon, banalisant ainsi le mal.

Il y a du pain sur la planche !

Aurélie.


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