Quand on a rencontré la violence pendant l'enfance, c'est comme une langue maternelle qu'on nous a apprise.

Marie-France Hirigoyen.

Lettre à Claude Halmos

Lettre ouverte à Claude Halmos (février 2008)

Par Olivier Maurel

Madame,

J'avoue que je suis un peu étonné de voir la grande spécialiste de l'enfance, de la famille et de la relation que vous êtes, faire l'apologie de la fessée.

Si je vous ai bien comprise, la fessée serait donc pour vous le meilleur moyen :

  • de “montrer qu'on a des limites” et de “mettre des barrières” à l'enfant ;
  • de faire appréhender à l'enfant ce qu'est un autre être humain ;
  • de montrer que l'on doit respecter l'être humain ;
  • de le “tirer du côté de l'humain” ;
  • de favoriser la construction de l'enfant ;

J'avoue que je n'aurais pas pensé que donner des coups à un être beaucoup plus faible que soi et lui enseigner en le frappant que le principe le plus basique de la morale : “Ne fais pas aux autres ce que tu ne veux pas qu'on te fasse” n'est que baliverne, pouvait avoir tant de résultats positifs pour “l'être humain” ! Heureusement que vous êtes là pour nous l'apprendre !

J'aurais plutôt cru que déculotter un enfant et le frapper sur les fesses revenait non pas à lui apprendre les limites, mais à franchir violemment celle de son intimité et risquait de lui faire perdre sa capacité naturelle de réaction contre quiconque toucherait cette partie de son corps dans un autre but que celui de le “tirer vers l'humain”. Mais je dois me tromper.

J'aurais plutôt cru que pour apprendre à un enfant ce qu'est un autre être humain, il fallait se conduire avec lui avec affection et respect et qu'il existe d'autres moyens d'être ferme que de cogner sur ses fesses. Mais si vous dites le contraire, c'est que je dois me tromper.

J'aurais plutôt cru que le rôle d'une spécialiste de la relation comme vous est d'aider les parents à trouver d'autres moyens que les torgnoles (parce que quand les fessées sont recommandées, pourquoi pas les torgnoles ?) pour éduquer leurs enfants. Là encore, je dois me tromper.

J'aurais plutôt cru que pour apprendre aux enfants à “respecter l'être humain”, il fallait commencer par les respecter eux-mêmes. Nouvelle erreur !

J'aurais plutôt cru que pour “favoriser la construction de l'enfant”, comme pour n'importe quelle construction d'un édifice fragile, il fallait éviter de cogner sur lui. Quelle naïveté !

J'aurais plutôt cru que dans un pays où un grand nombre d'enfants meurent encore de maltraitance, il valait mieux éviter d'encourager les parents à recourir à la violence. Autre naïveté !

J'aurais plutôt cru que, dans un monde où, dans beaucoup de pays, le moyen d'éducation normal est encore la bastonnade, et où la plupart des parents trouvent, comme vous le pensez vous-même, que frapper un enfant est un moyen indispensable pour l'éduquer, il valait mieux soutenir les efforts du Comité des droits de l'enfant, de toutes les institutions internationales et du Conseil de l'Europe pour interdire cette méthode d'éducation que vous jugez si humanisante. Mais c'est sûrement vous qui, avec votre savoir psychanalytique, avez raison !

Et comme je trouve que mon épouse franchit parfois certaines limites et ne respecte pas toujours suffisamment “l'être humain” que je suis, je vais me convertir sans plus attendre à l'excellent moyen d'éducation que vous préconisez. Quand tous les maris et les conjoints auront, comme moi, adopté cette méthode, je pense que nous aurons grandement contribué à tirer les femmes “du côté de l'humain”.

Merci, chère Madame, pour vos excellents conseils.

Olivier Maurel
Porte-parole de l'Observatoire de la Violence Éducative Ordinaire
(OVEO)

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