Oui, la nature humaine est bonne !
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d'Alice Miller
de Jacques Trémintin
de Nancy Huston
de Dali Milovanovic, membre de l'OVEO
L'auteur poursuit par les effets de cette violence éducative sur ses victimes : effets physiologiques (contusions, plaies, etc.), mortalité infantile (syndrome du bébé secoué par exemple), vulnérabilité aux maladies physiques et mentales, vulnérabilité aux accidents (voir étude de Jacqueline Cornet), vulnérabilité aux abus sexuels et à la violence conjugale, fréquence des comportements dits à risques, conséquences éthiques (difficultés à distinguer le bien du mal). En adoptant un point de vue plus large, on peut ajouter la répétition de cette violence sur les propres enfants de la victime, par la violence "rendue" aux plus faibles que soi (violence conjugale, violences sexuelles, tendance à la délinquance etc.), mais aussi les conséquences en termes de violences collectives et politiques (génocides).
La deuxième partie de l'ouvrage s'attache à explorer les différentes conceptions religieuses, philosophiques ou (pseudo-)scientifiques qui ont justifié la violence envers les enfants. Que ce soient le mythe du péché originel, celui de la bestialité (version laïque du mythe susmentionné, abusivement induite à partir des développements darwiniens), la théorie freudienne des pulsions, la source d'illusion qu'est la théorie de la résilience, ces représentations de l'enfant en font l'origine radicale du Mal qui doit être "exorcisé", soumis, "civilisé", muselé. L'auteur décrit ensuite les résistances que la mise au jour et la remise en question de la violence éducative rencontrent fatalement (que ce soit l'obstination des autorités médicales à refuser de révéler la maltraitance et les abus sexuels, celle des juges de reconnaître les abus, ou encore le silence des écrivains). Et quelques façons d'y répondre.
La violence éducative ordinaire est une pratique culturelle dénaturante. Elle défie toutes les "logiques" internes de l'individu : celle de l'instinct de conservation, celle de la sociabilité naturelle, celle de l'instinct de protection des enfants. Olivier Maurel n'hésite pas à qualifier notre société de "misopède" pour rendre justice aux enfants comme on l'a fait pour les femmes en dénonçant la misogynie. Malheureusement, ceux qui ont subi cette violence sont pour la grande majorité frappés d'amnésie, ils ont été insensibilisés, anesthésiés, conditionnés. Ils ont oublié les enfants qu'ils ont été et ont intégré la nécessité et même la positivité de la violence car ils n'ont pas reçu d'autres schémas de la relation aux autres que le schéma de la douleur et de l'aliénation, à l'exception de certains qui ont pu bénéficier de la bienveillance d'un tiers dont le refus d'accepter la violence comme normale a relativisé cette vision monolithique du monde. Dans des conditions aussi extrêmes de vie, oublier c'est survivre. Et aussi, justifier ce qu'on a subi.
Dans une brillante troisième partie, l'auteur nous montre comment sortir de la violence éducative en réhabilitant l'idée que nous nous faisons de l'enfant. Et il le fait d'abord en montrant que les deux instincts fondamentaux de l'humain, l'instinct de vivre et l'instinct de vivre en relation avec ses semblables (schématiquement, l'égoïsme et l'altruisme) ne sont nullement en conflit. Au contraire, l'instinct relationnel de l'enfant dépend étroitement de son instinct de survie. C'est à la fois un double besoin et une double compétence. Prendre soin de ce besoin de l'enfant, pour un parent, en manifestant concrètement son amour, en faisant confiance, en enseignant l'altruisme (par l'exemple plus que par les discours), en renonçant à l'autoritarisme et à la répression des comportements est la condition sine qua non de l'éradication de ce fléau qu'est la violence éducative ordinaire. Et c'est aussi celle de l'accès à l'autonomie, à cette "présence à soi" qui rend possible l'authentique "souci de l'autre". Notre pensée est fondamentalement en contradiction avec l'expérience de notre corps, selon l'auteur. Réhabiliter ce corps meurtri, mais aussi le psychisme meurtri, ne peut se faire sans un changement de paradigme, de notre façon de concevoir l'homme. Cette "révolution" au sens kuhnien du terme (dont les premières conséquences attendues sont les conséquences éthiques) est rendue possible par les découvertes des neurosciences, de l'endocrinologie, de l'éthologie, de la primatologie, qui montrent que la compétence sociale a pour base un substrat neuroendocrinologique lié à l'évolution générale des espèces sur une durée qui dépasse largement celle de l'espèce humaine et que la nature humaine est fondamentalement bonne.
Sommaire
- Avant-propos
- Première partie - La violence éducative et ses effets sur les individus et les relations interpersonnelles
- Chapitre I - Définition et nature de la violence éducative ordinaire
- Chapitre II - Effets de la violence éducative sur ses victimes
- Chapitre III - Violence éducative et relations interpersonnelles
- Chapitre IV - L’apport de la neurobiologie à la compréhension des effets de la violence éducative
- Chapitre V - Violence éducative et comportements innés
- Deuxième partie - Violence éducative ordinaire et culture
- Chapitre I - La violence éducative de ses origines à ses répercussions religieuses
- Chapitre II - Un avatar du péché originel : la férocité animale de l’enfant et de l’homme
- Chapitre III - Un nouvel avatar du péché originel et de la bestialité : la théorie des pulsions
- Chapitre IV - Résistance des autorités médicales à la révélation de la maltraitance et des abus sexuels
- Chapitre V – Une source d’illusion : la résilience
- Chapitre VI - Violence éducative et littérature, ou la cécité et le silence des écrivains
- Chapitre VII - Méconnaissance de la violence éducative dans les grandes études sur la violence
- Chapitre VIII - La violence éducative ordinaire : une pratique culturelle dénaturante
- Chapitre IX - Résistance de la violence éducative à sa remise en question
- Troisième partie - Sortir de la violence éducative
- Chapitre I - Réhabiliter notre vision de l’enfant, et donc de l’homme
- Chapitre II - Prémisses d’un changement
- Conclusion - Et si la nature humaine était bonne…
- Annexes
- Bibliographie
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