C'est à l'échelle mondiale qu'il faut désormais inventer de nouveaux concepts mobilisateurs, pour parvenir à cet idéal : l'égalité en dignité et en droit de tous les êtres humains.

Françoise Héritier, anthropologue, ethnologue, féministe, femme politique, scientifique (1933 – 2017)

Un besoin maladif pour les parents de dominer, de juger, d’être obéi à tout prix…

Témoignage reçu (en février 2012) en réponse au questionnaire du site.

Avez-vous subi vous-même de la violence éducative au cours de votre enfance ? Sous quelle forme ?

Oui, pas physique, mais psychologique.

A partir de et jusqu'à quel âge ?
De bébé à 18 ans.

Par qui ? (père, mère, grands-parents, autre personne de la famille ou de l'entourage, enseignant...)
Ma mère surtout, par son impatience à mon égard et ses paroles blessantes, de "mollusque", "limace" à "tu ne l'as pas mérité" en réaction par téléphone à l'annonce de ma réussite au baccalauréat, et bien plus tard, toujours au téléphone "mes enfants ne m'ont pas satisfait".

Cette ou ces personnes avaient-elles elles-mêmes subi de la violence éducative dans leur enfance ? De quel type, pour autant que vous le sachiez ?
Je ne sais pas trop, car mes parents nous ont eus à 40 ans, je crois que le père de ma mère était dur, je crois que ma mère n'a pas eu le droit de faire du scoutisme car son petit frère était mort de maladie et ses parents ont voulu la protéger, elle a dû être frustrée car elle aimait l'action en plein air et mon père a aussi été très frustré d'avoir dû quitter brutalement des études qui l'épanouissaient à cause d'un professeur tyrannique.

Vous souvenez-vous de vos sentiments et de vos réactions d'alors (colère, tristesse, résignation, indifférence, sentiment d'injustice ou au contraire de l'avoir “bien mérité”...) ?
J'étais très émotive et sensible, j'ai tout ressenti, tristesse, honte culpabilité, sentiment de négligence et d'abandon affectif, manque de protection et de sécurité affective, incompréhension, déception, dévalorisation, résignation, impuissance, sentiment d'être oubliée, de ne pas compter, de ne pas avoir d'importance, d'être écrasée, de ne pas avoir de place, de ne pas compter, ne pas pouvoir dire "je veux", parce que (seul) "le roi dit je veux", mais il faut dire que l'atmosphère familiale était trop conflictuelle à mes yeux, pas seulement du fait de ma mère, mais aussi de mes frères et soeurs très rapprochés en âge et toujours en compétition!
Quant je jouais avec ma poupée, il m'arrivait de la jeter par terre pour le plaisir de la consoler ensuite, sans doute parce qu'il fallait qu'elle mérite mon amour, mes câlins et mes soins, je ne pouvais pas l'aimer gratuitement, et je me disais aussi que j'aimerais avoir des enfants mais pas tous les jours, ça me paraissait trop lourd à gérer!

Avez-vous subi cette(ces) épreuve(s) dans l'isolement ou avez-vous eu le soutien de quelqu'un ?
J'ai vécu mon enfance beaucoup dans l'isolement, dans ma bulle, je ne me sentais pas comprise, sauf par mon père avec qui il y avait une complicité légère, parce qu'il était bon et bienveillant de nature et n'était pas dominateur de caractère.

Quelles étaient les conséquences de cette violence lorsque vous étiez enfant ?
Timidité, effacement, impression qu'il fallait compter sur ma "petite bouille mignonne" pour être un peu valorisée, peur de dire non à ma mère, sentiment de désirs flous et confus, incapacité à m'affirmer, perpétuelle adaptation à l'entourage faussée par un comportement passif/agressif, pipi au lit à 5 ans en colonie de vacances (sans doute trop tôt pour moi), victime potentielle de harcèlement/persécution sans gravité.

Quelles en sont les conséquences maintenant que vous êtes adulte ? En particulier vis-à-vis des enfants, et notamment si vous êtes quotidiennement au contact d'enfants (les vôtres, ou professionnellement) - merci de préciser le contexte ?

Manque de confiance en moi et en les autres, distance émotionnelle, difficultés relationnelles, notamment avec mon second fils, maladresse dans les relations.

Globalement, que pensez-vous de votre éducation ?
J'étais un peu différente de mes frères et soeurs, je ne supportais pas leurs conflits, j'étais "contemplative" selon ma mère, ce qui a sans doute compliqué les choses et je ne rejette pas tout sur elle, disons qu'on n'était pas sur la même longueur d'onde, et qu'elle ne comprenait pas ma différence, ma lenteur, mon rythme différent.
Elle m'a amenée chez un psy vers 10 ans, pour savoir si j'étais "normale", sans rien m'expliquer et la réponse a été que j'étais intelligente, et je suis celle qui a fait le plus d'études! L'éducation a été surtout morale et religieuse et rigide, et j'ai du mal avec certains domaines, notamment séduction-plaisir par loyauté et fidélité à ma mère.

Qu'est-ce qu'évoque pour vous l'expression « violence éducative ordinaire » ? Quels types de violence en font partie ? Et quelle différence faites-vous, le cas échéant, entre maltraitance et « violence éducative ordinaire » ?
Pour moi, la violence éducative ordinaire est cachée sous des comportements banals, elle est sournoise, très manipulative, elle apparaît dans le besoin maladif pour les parents de dominer, de juger, d'être obéi à tout prix, d'avoir raison et d'être le plus fort "ce n'est qu'un enfant", "qui aime bien châtie bien", besoin de préserver une image honorable même fausse de la famille, et besoin de paraître et d'être dans la norme, enfin non-acceptation de la diversité des caractères, non prise en compte de la personnalité de l'enfant et de son rythme propre.

Avez-vous des objections aux idées développées par l'OVEO ? Lesquelles ?
Ca me paraît utopique d'élever les enfants dans le respect total, mais on peut s'en approcher, ça demande une formidable remise en cause de nos préceptes éducatifs.

Comment nous avez-vous connus : site ? livre d'Olivier Maurel ? salon ? conférence ? autres ?
Site internet, recherches personnelles.

Ce site a-t-il modifié ou renforcé votre point de vue sur la violence éducative à l'égard des enfants ?
Renforcé ma conviction, d'autant plus que je viens de lire un livre sur l'agressivité refoulée qui ressort par la suite de manière détournée.

Si vous acceptez de répondre, merci de préciser sexe, âge et milieu social.
Femme, 54 ans, adjoint d'administration (suivant des études en psychologie du travail en parallèle).

Asphodèle

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