La violence n'est pas innée chez l'homme. Elle s'acquiert par l'éducation et la pratique sociale.

Françoise Héritier, anthropologue, ethnologue, féministe, femme politique, scientifique (1933 – 2017)

Une ville américaine se déclare contre les châtiments corporels

Le 6 décembre 2017, la chaîne Channel 3000 a diffusé un reportage sur l'expérience de la ville de Stoughton, dans l'État du Wisconsin aux États-Unis, qui a décidé en 2016 de se déclarer « No Hit Zone » : zone sans châtiment corporel. Dans un pays où les châtiments corporels continuent d'être largement défendus et pratiqués 1, y compris en milieu scolaire dans 19 États (sur 50), c'est une nouvelle à saluer, et dont des villes françaises devraient peut-être s'inspirer 2 ? Ci-dessous la traduction de l'essentiel du reportage télévisé (en anglais) :


C'est début décembre 2017 que les employés de la ville de Stoughton (12 000 habitants) ont commencé à suivre des formations qui s'inscrivent dans le cadre d'une politique d'abolition des châtiments corporels (No Hit Policy) adoptée par la ville en 2016.

L'idée est de rendre le personnel de la ville capable d'intervenir pour aider les parents dans des situations stressantes avant qu'elles ne basculent dans l'administration de châtiments corporels aux enfants. Des panneaux No Hit Zone (zone sans châtiment corporel) sont placés sur les bâtiments publics et dans les parcs.

Le patron de la police locale, Greg Leck, tient face caméra des propos que l'on aimerait beaucoup entendre dans la bouche d'un policier français, fût-il subalterne : « On ne se place pas dans la position de juger quiconque, ou quoi que ce soit de ce genre ; ce qu'on dit, c'est qu'il y a des alternatives [aux châtiments corporels]. Nous pouvons peut-être briser en partie ce cycle et mettre fin à la violence [envers les enfants]. »

D'après la journaliste, Leck déclare également que fesser ou frapper les enfants peut conduire à des comportements violents de leur part plus tard dans la vie. Le responsable de la police envisage des interventions qui pourraient être aussi simples que distraire un enfant qui « fait une colère » ou « un caprice » (comme ont coutume de dire les adultes lorsqu'ils parlent des enfants, mais jamais de leurs pairs lorsqu'ils se mettent en colère…).

Leck est bien conscient que tout le monde ne sera pas d'accord, mais il estime très positif le fait même que cette politique d'intervention puisse – il l'espère - provoquer le débat : « un débat sur les coups, sur la brutalité, ce serait une énorme avancée si l'on amène de plus en plus de gens à en parler ; même s'ils ne sont pas d'accord, au moins on en parle. »

Le reportage donne ensuite la parole au Dr Barbara Knox de l'American Family Children's Hospital, qui confirme les dires de Greg Leck. La recherche montre que les châtiments corporels ne sont pas la bonne réponse ; « au lieu d'enseigner le respect, ce que font en réalité les châtiments corporels, c'est d'entraîner une augmentation de la désobéissance et de l'agressivité des enfants frappés, et les expose à une probabilité accrue d'abus de drogue ou d'alcool plus tard dans leur vie, de même qu'à un risque de troubles mentaux. » Knox se réfère aux études qui démontrent des impacts avérés ou potentiels, potentiellement durables, sur la physiologie (cerveau, hormones…) des enfants. Elle enfonce le clou : « Même s'il est possible qu'on ne voie aucun signe extérieur d'un quelconque problème, ce n'est peut-être que bien plus tard, lorsque l'enfant sera pré-ado ou adolescent, que les conséquences deviendront visibles. »

Greg Leck, chef de la police locale, espère que cette « No Hit Policy » pourra également s'étendre aux commerces. En effet, il relève que nombre des situations stressantes qui exposent les enfants à des châtiments corporels ont lieu dans les magasins.

(Traduit et adapté par Xavier Rabilloud.)


A lire sur ce sujet :


  1. Contrairement à ce qu'imaginent beaucoup de personnes ayant vécu ou voyagé aux Etats-Unis, il n'y existe aucune interdiction du châtiment corporel des enfants dans les familles. Le projet de loi de 2007 en Californie a été rejeté.[]
  2. Le mouvement contre les châtiments corporels à l'école, puis dans les familles existe aux États-Unis depuis les années 1990. On trouve beaucoup d'informations sur le sujet sur le site Project NoSpank créé par Jordan Riak. Sur le sujet des No Hit Zones, voir par exemple cet article de 1999 où il est question, au nom de la lutte contre la maltraitance, de remplacer le concept de No Spanking Zone (zone sans fessée) par des alternatives moins "choquantes" ("châtiments corporels", "coups", etc.)... moyennant quoi une fessée ne sera pas nécessairement considérée comme une forme de violence : Oakland council to take swing at alternative to spanking ban.[]

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