Pourquoi appelle-t-on cruauté le fait de frapper un animal, agression le fait de frapper un adulte et éducation le fait de frapper un enfant ?

Comment réagir lorsque nous sommes témoins d’une situation de violence éducative ordinaire dans l’espace public ?

Cet article fait suite à l’atelier animé par Macha ROBINE à l’occasion du Festival enfantiste et anti-adultiste du 4 mai 2025. À travers le théâtre-forum, nous avons pu explorer des situations rencontrées par les participant·es.

Nous proposons également de publier à la suite de cet article les témoignages et pistes que vous souhaiteriez partager. Pour cela, nous vous remercions de nous adresser votre contribution par courriel à l’adresse temoignage@oveo.org.

Jef Aérosol. Morceau d'une fresque réalisée dans le cadre de la deuxième édition du festival « Wall Street Art », 2018.
Jef Aérosol. Morceau d'une fresque réalisée dans le cadre de la deuxième édition du festival « Wall Street Art », Evry 2018. Cette œuvre est dédiée aux enfants en général, à ceux d’Evry en particulier.

C’est une question qui revient souvent pour les militant·es et personnes conscientes de ces violences banalisées et quotidiennes. Selon les circonstances, selon nos possibilités, les réactions peuvent être différentes. Cet article ne vise pas à apporter des réponses types, mais plutôt des pistes, afin de susciter une réflexion à froid pour mieux permettre à chacun·e de s’approprier ce qui lui semblerait le plus adapté pour réagir à chaud.

Ces situations peuvent générer des sentiments et émotions différentes : stress, peur, colère… qui peuvent nous bloquer dans la démarche d’intervenir : peur de la réaction de l’adulte (va-t-il/elle s’en prendre à nous, à l’enfant ?), peur d’intervenir de façon trop agressive ou encore sidération (la situation peut faire écho à nos propres traumas). Il arrive également que nous nous formulions des raisons pour ne pas intervenir (quelle légitimité, comment serait perçue notre intervention, notamment face à une personne d’une autre culture…).

L’« effet témoin » entre parfois en jeu : face à une situation nécessitant de l’aide, la probabilité d’une intervention est d’autant plus faible que les témoins sont nombreux1. Mais surtout, les paroles humiliantes et comportements violents envers les enfants obtiennent toujours une forte acceptation sociale en France. Il est en effet encore largement considéré qu’il s’agit d’affaires privées, relevant de l’éducation parentale.

Dans ce contexte pourtant, réagir face à une situation de violence banalisée envers les enfants permet de sortir cette violence de la « normalité ».

Les situations auxquelles nous pouvons faire face peuvent être de nature différente : parfois l’adulte assume visiblement ses mots ou ses gestes, mais il/elle peut aussi être dépassé·e et ne pas maîtriser ses propres émotions. Certains contextes peuvent également induire un stress particulier (transports, salle d’attente, magasins…) car la société attend que les adultes « tiennent » les enfants dont ils/elles ont la responsabilité et les empêchent de déranger les autres adultes.

Voici quelques pistes pour agir. Aucun mode d’action n’est bon ou mauvais en soi. Certaines pistes ont été explorées dans le cadre de l’atelier, et ont permis d’identifier des effets possibles :

  • Chercher à stopper l’action, rappeler l’interdit : permet d’envoyer un message clair. Le risque étant une réaction de l’adulte à notre égard, sa colère peut se raviver.
    Il est possible que l’enfant se sente soulagé·e par cette intervention qui démontre que ce qu’il/elle vit n’est pas normal (nous pensons au principe de « témoin secourable » développé par Alice Miller2).
    Par sentiment de loyauté, l’enfant peut aussi avoir peur pour son parent (envie de le défendre, peur de la police ou de la prison). 
  • Proposer de l’aide à l’adulte, montrer de l’empathie (« c’est difficile d’attendre »…), rassurer sur l’attitude de l’enfant, sur ses besoins : peut permettre d’apporter un certain apaisement.
    Il est cependant important de se montrer aidant et empathique également envers l’enfant, car il/elle risque de percevoir cette intervention comme une forme de connivence entre adultes et de se sentir mis.e en accusation. Certains contextes permettent d’apporter une distraction à l’enfant, afin de créer une rupture (proposer un jeu, même simple – grimaces, jeux de doigts, par exemple). Dans certains cas, il arrive qu’un dialogue s’installe, il est alors important de faire preuve d’une écoute empathique. Cela peut être l’occasion d’apporter un autre regard sur les réactions des enfants, ou que l’adulte se confie sur les difficultés qu’il/elle rencontre. 
  • Évoquer ses propres émotions face à la situation (par exemple : « Excusez-moi mais c’est difficile pour moi d’entendre ce que vous dites / ça me fait mal au cœur d’entendre/de voir… ») : l’adulte peut être surpris·e par cette réaction où il/elle ne se sent pas mis.e en cause dans son « autorité ». Constater les émotions suscitées par l’acte ou les paroles violentes contre l’enfant peut faire émerger une prise de conscience des conséquences de ces violences.
  • Distraire : sans évoquer la situation, interrompre l’action par un moyen de détourner l’attention (demander l’heure, son chemin…), cela permet de marquer une rupture sans évoquer de façon directe ce qui se passe3.

 N’hésitez pas à nous faire part de vos témoignages et pistes d’intervention !


  1. Cet « effet témoin » ou « effet spectateur » est cependant plus complexe et met en jeu d’autres paramètres, en particulier la perception de la situation comme normale ou anormale. Voir par exemple : Pourquoi les individus aident-ils moins autrui lorsqu’ils sont nombreux ? ; L’effet du spectateur en psychologie. ↩︎
  2. Voir par exemple, dans les articles de son site : Les raisons trouvables Le rôle décisif des témoins lucides dans notre société ; La cruauté s’apprend dans l’enfance... ↩︎
  3. Cette proposition a été émise dans des groupes de discussion. L’atelier n’a pas permis d’approfondir toutes les pistes, mais il est clair que si ce mode d’intervention est plus facile (et peut-être moins risqué dans certains cas d’urgence), il n’apporte aucune solution durable... ↩︎

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