Il est urgent de promouvoir la culture du respect de l’enfant comme “ultime révolution possible” et comme élément fondamental de transformation sociale, culturelle, politique et humaine de la collectivité.

Maria Rita Parsi, psychologue italienne.

Gifles, tapes, punitions, chantage et… sentiment de culpabilité

Par Peggy Millez, membre de l’OVEO, éducatrice de jeunes enfants

Il est souvent reproché aux personnes et aux associations qui défendent le droit de l’enfant à ne pas subir de violences corporelles et morales de culpabiliser les parents.

Il est vrai que s’entendre dire que nous portons tort à nos enfants en leur administrant des fessées, des claques ou même de petites tapes et des punitions n’est pas sans effet. Certains d’entre nous (parents) resteront indifférents, d’autres réagiront par la colère (« de quel droit me dicte-t-on ce que je ne dois pas faire dans ma vie privée ? »), la plupart se sentiront coupables, et encore plus coupables s’ils ne parviennent pas à changer d’attitude vis-à-vis de leurs enfants. Comment accueillir ce sentiment ? Que faire de cette culpabilité ?

Beaucoup d’auteurs qui ont exploré la question du respect de l’enfant affirment qu’il ne faut pas « culpabiliser » si nous ne sommes pas le parent que nous aimerions être. Et si nous changions notre regard sur la culpabilité ? Et si nous essayions de l’utiliser plutôt que de tenter de la chasser ?

Il est vrai que la culpabilité est un sentiment négatif, qui nous dérange, voire nous fait souffrir. Pour échapper à ce désagrément, il est bien tentant alors de reporter la faute sur les autres en affirmant rapidement : « C’est vous qui enlevez les limites aux enfants en demandant l’interdiction de la fessée », « Il a bien mérité sa gifle, voyez comme il me cherche », ou alors de nier : « Vous avez tort, une petite tape n’a jamais fait de mal à personne », de banaliser : « Tout le monde punit ses enfants, ce n’est pas bien grave. »

Si, au lieu de la repousser, nous l’accueillions pour nous permettre de réfléchir, de nous questionner : « Pourquoi me sens-je mal après avoir envoyé mon enfant au coin ? », « Pourquoi cela me peine-t-il de voir ma fille pleurer après avoir crié sur elle parce qu’elle n’a pas rangé sa chambre ? », « Pourquoi suis-je mal à l’aise quand mon fils ne me sourit plus après avoir été privé de sortir avec ses copains parce qu’il est rentré trop tard hier ? » La culpabilité, malgré tout ce qu’elle a d’inconfortable, possède cet atout incontestable1 : elle agit comme un excellent signal d’alarme. Les interrogations qu’elle suscite vont en effet nous permettre de nous remettre en cause (ou pas2). Ainsi, mon malaise face à la tristesse, aux pleurs, à la colère de mon enfant me permet de m’apercevoir que je les ai provoqués volontairement par mes gestes ou mon attitude ou mes paroles, alors qu’ils ne répondent à aucun besoin personnel : si je souhaite que ma fille range les jouets qui traînent au salon, c’est pour rendre la vie plus agréable à la maison ; or, lorsque je la menace de les mettre à la poubelle, je me mets en colère, je suis mal à l’aise de la voir triste, bref, la vie ne devient pas plus agréable, contrairement à mon objectif de départ !

Se sentir coupable peut constituer ainsi le premier pas vers une éducation plus respectueuse : je m’interroge, je m’informe et je réfléchis à d’autres manières de réagir à ce qui me dérange dans le comportement de mes enfants, je change petit à petit d’attitude.


1. A moins bien sûr qu’elle ne soit envahissante et nous empêche de prendre toute décision pour accompagner nos enfants à devenir sociables et respectueux ; à ce moment-là, elle doit nous interroger d’abord sur nous-mêmes, et non sur notre comportement face à nos enfants.
2. Si je me sens coupable, mon petit garçon ayant longuement pleuré parce que je n’avais pas envie de faire un gâteau ce dimanche contrairement aux autres dimanches, je ne vais évidemment pas faire un gâteau. La réflexion me permettra de voir que la culpabilité est tout à fait inutile. Je me contenterai d’accueillir les pleurs de mon fils et de lui expliquer que mes envies changent, que nous pouvons remplacer le plaisir du gâteau par autre chose, par exemple un moment autour d’un jeu de société qu’il apprécie.


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