C'est à l'échelle mondiale qu'il faut désormais inventer de nouveaux concepts mobilisateurs, pour parvenir à cet idéal : l'égalité en dignité et en droit de tous les êtres humains.

Françoise Héritier, anthropologue, ethnologue, féministe, femme politique, scientifique (1933 – 2017)

Gros cerveau tué dans l’œuf

Témoignage reçu en réponse au questionnaire du site

Avez-vous subi vous-même de la violence éducative au cours de votre enfance ? Sous quelle forme ? À partir de et jusqu'à quel âge ? Par qui ?

Dans ma famille on ne parlait pas de ses sentiments ni de ses émotions. Mon père, peu présent, était incapable de s’intéresser à la vie réelle de ses 5 enfants.

Mes parents ne frappaient pas les enfants mais mon père avait une double vie depuis 10 ans. Mes parents avaient passé un accord pour rester ensemble jusqu'à mes 16 ans. Quelques jours après mon anniversaire, mon père a mis une valise dans sa voiture et est parti pour toujours. Malgré l'accord, ma mère est devenue comme folle et a exigé que mon père m'empêche de faire des "bêtises" (manifs interdites, drogues...). Il n'avait aucune compétence pour me reprendre en main puisqu'il ne l'avait jamais fait. Je lui expliqué qu'il n'avait pas de légitimité pour m'imposer quoi que ce soit et il est devenu fou de rage, il m’a battu, crevé les tympans à coups de claques et bourré de coups de pied, je crois bien qu'il était parti pour me tuer sous les yeux de ma mère qui est restée contre le radiateur. C'était une incroyable douleur. Je ne savais rien de leur histoire. Je ne me doutais de rien car rien n'a jamais été formulé.

Cette ou ces personnes avaient-elles elles-mêmes subi de la violence éducative dans leur enfance ? De quel type, pour autant que vous le sachiez ?

Mon père a été orphelin de père à 14 ans. Ma mère disait qu’il avait été battu quelquefois.

Vous souvenez-vous de vos sentiments et de vos réactions d'alors (colère, tristesse, résignation, indifférence, sentiment d'injustice ou au contraire de l'avoir ”bien mérité“...) ?

J’ai été envahi par un immense sentiment de trahison. La douleur était insupportable. Je voulais disparaître de leurs vies.

J’étais sidéré et en colère. Je ne comprenais pas pourquoi tout cela arrivait. Mes parents m'avaient éloigné de Lyon car ils voulaient me couper de mon milieu amical où la drogue circulait et je me suis retrouvé à Paris dans l'atelier d'un oncle.

Avez-vous subi cette(ces) épreuve(s) dans l'isolement ou avez-vous eu le soutien de quelqu'un ?

J’étais globalement seul. Ma mère détruite par le départ de mon père a laissé faire. Mes frères et sœurs plus âgés l’ont appris 40 ans plus tard.

Quelles étaient les conséquences de cette violence lorsque vous étiez enfant ?

J’étais craintif et solitaire. Les adultes me terrorisaient. Ma mère très possessive me surprotégeait. J’ai développé une mentalité de victime trop faible pour affronter la vie.

Quelles en sont les conséquences maintenant que vous êtes adulte ?

J’ai vécu avec une constante anxiété renforcée par mon profil atypique – testé THPI à 64 ans... Un fort sentiment d’isolement et réfractaire à travailler comme subordonné. J’ai fait 20 métiers mais je suis toujours très actif (hyper).

En particulier vis-à-vis des enfants, et notamment si vous êtes quotidiennement au contact d'enfants (les vôtres, ou professionnellement) - merci de préciser le contexte ?

Je suis très à l’écoute des enfants et me suis efforcé d’être doux avec les 4 miens. J’ai donné 2 gifles qui m’ont débordé.

Mon fils de 10 ans est épanoui et très joyeux. Nous rions beaucoup.

Si vos parents ont su éviter toute violence, pouvez-vous préciser comment ils s'y sont pris ?

Ils ont essayé d’être gentils et à l’écoute de leurs 5 enfants mais aucun des deux n’avait examiné ses blessures enfantines.

Lorsque mon père est parti ma mère a fait une psychanalyse et est devenue thérapeute. Elle n’a pourtant pas renoncé au chantage affectif. Elle parlait de suicide si j’allais voir mon père. Finalement je n’ai pas vu mon père pendant 30 ans.

Globalement, que pensez-vous de votre éducation ?

De la bonne volonté mais pas mal de violence ordinaire. Ma vie n’a pas été heureuse et je n’ai pas été triste quand ils sont morts malgré l’affection que je leur porte. Ce sont aussi des enfants perdus.

Viviez-vous, enfant, dans une société où la violence éducative est courante ?

Oui, vous le savez, à l’époque on frappait ouvertement les enfants. Mes parents, qui ont ouvert les premiers centres d’accueil pour mineurs délinquants, se pensaient à l’avant-garde en matière d’éducation.

Qu'est-ce qu'évoque pour vous l'expression « violence éducative ordinaire » ? Quels types de violence en font partie ? Et quelle différence faites-vous, le cas échéant, entre maltraitance et « violence éducative ordinaire » ?

VEO : l’indifférence, le chantage affectif, l’amour conditionné. L’absence, la trahison, l’incapacité à s’excuser, à s’expliquer.

Maltraitance : violences corporelles.

Avez-vous des objections aux idées développées par l'OVEO ?

NON

Comment nous avez-vous connus : site ? livre d'Olivier Maurel ? salon ? conférence ? autres ?

Recherche sur le Net en tant que parent délégué

Ce site a-t-il modifié ou renforcé votre point de vue sur la violence éducative à l'égard des enfants  ?

Cela m’a conforté dans ma volonté d’agir. Éradiquer la VEO est la fondation d’une société juste et heureuse.

Philippe,  68 ans et la vie devant lui

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