Il est urgent de promouvoir la culture du respect de l’enfant comme “ultime révolution possible” et comme élément fondamental de transformation sociale, culturelle, politique et humaine de la collectivité.

Maria Rita Parsi, psychologue italienne.

Mesures sanitaires – L’usage de la « carotte » et du « bâton » : une logique malsaine ancrée dans l’enfance

Alors que le pass sanitaire est sur le point d'être demandé non seulement dans les lieux de culture et de loisirs, mais aussi dans les cafés, les restaurants, les hôpitaux et pour emprunter certains modes de transports 1, on entend dans les médias des discours de justification assez symptomatiques d'une culture de la punition et de la récompense. Ainsi, le professeur Bruno Mégarbane 2 expliquait dans une interview que les mesures prises par le gouvernement – c'est-à-dire les mesures interdisant l'accès à certains lieux (voire à certaines professions) aux personnes non-vaccinées – visaient à « encourager » ces dernières à se faire vacciner (et non pas à vacciner toute la population) 3, ou, pour le dire autrement, visaient à priver une partie de la population de certaines activités pour la contraindre à faire quelque chose. En effet, on a entendu le président Emmanuel Macron déclarer qu'il fallait « faire porter les restrictions sur les non vaccinés plutôt que sur tous » et que les tests PCR deviendraient payants « afin d’encourager la vaccination plutôt que la multiplication des tests » 4 expliquant de manière à peine cachée que l'objectif était de faire pression sur les non-vaccinés jusqu'à ce qu'ils obtempèrent, « restriction » étant dans ce contexte synonyme de « punition ».

D'où vient donc aux dirigeants, aux experts, aux personnalités publiques l'idée que l'on pourrait obtenir des gens qu'ils fassent ce que l'on souhaite d'eux en les contraignant ? Est-ce ainsi que nous dialoguons avec nos amis ou que nous aimons négocier avec nos collaborateurs ? Par le rapport de force, la contrainte et la répression ? Nous faisons l'hypothèse que l'immense majorité des gens sont habitués à un tel système de punition/récompense pour l'avoir éprouvé dans l'enfance. Cette logique se retrouve un peu partout dans notre société, dans différents domaines 5.

Pourtant, ce mode de fonctionnement pervertit les relations humaines. Il ôte sa dignité à la personne qui subit aussi bien les punitions que les récompenses (et même à celle qui les impose, dans une certaine mesure). Même les récompenses, qui pourraient apparaître comme quelque chose de positif, contribuent à mettre en place ou faire perdurer une relation descendante et de dépendance : une personne (ou un groupe) a le pouvoir de décider si un(e) autre personne ou groupe a le mérite d'être récompensé(e) ou a le déshonneur d'être sanctionné(e). Ce système n'est pas de nature à permettre des choix éclairés et anéantit la réflexion. Il bloque toute perspective d'évolution de la part de la personne qui impose ainsi sa volonté puisque la remise en question n'est plus nécessaire. Il est source de frustration et il provoque un sentiment d'impuissance chez la personne qui le subit.

On entend et lit ici et là des commentaires tels que : « Si les gens ne veulent pas comprendre, il faut bien en arriver là », ressemblant étrangement aux propos de certains parents dénigrant leur enfant ou de certains enseignants parlant d'un élève « récalcitrant » : « Il ne veut rien comprendre, il n'y a que ça qui marche ». Ce point de vue trahit surtout un manque de confiance en l'autre, un jugement de sa personne et de ses choix, un défaut d'empathie et, bien souvent, une forme d'arrogance : celui qui se donne le droit d'exercer une contrainte physique ou psychologique pour faire plier l'autre, quel que soit son âge, ne peut justifier sa posture que par la prétendue supériorité de ses décisions. Pour cette raison, certains journalistes ont parlé d'infantilisation du peuple français, renvoyant d'ailleurs ainsi l'idée qu'infantiliser les enfants – dans le sens péjoratif de traiter comme une personne immature et incapable de prendre de bonnes décisions 6 – est normal, une idéologie que nous remettons en cause à l'OVEO.

Ne pourrait-on imaginer un monde où tous, adultes comme enfants, nous pourrions bénéficier des deux composantes essentielles pour faire des choix lucides et prendre les décisions justes nous concernant : l'accès à une information complète, claire et transparente (connaissances, faits) et la possibilité de dialoguer, discuter, échanger, questionner ? Une société où l'argument de l'incompétence, de l'incapacité à comprendre ou de l'immaturité de l'autre ne serait plus invoqué par les uns pour prendre le pouvoir sur les autres, quel que soit leur âge ? Une société qui ne construirait plus l'impuissance de la majorité de ses membres ?


  1. www.gouvernement.fr/pass-sanitaire-toutes-les-reponses-a-vos-questions[]
  2. Bruno Mégarbane est chef de service en réanimation médicale et toxicologique à l'Hôpital Lariboisière et professeur de médecine intensive réanimation à l'université de Paris.[]
  3. Interview du 24 juillet 2021 sur RT France www.facebook.com/RTFrance/posts/3290172751215237[]
  4. Emmanuel Macron déclare le 12 juillet 2021 : « Reconnaître le civisme et faire porter les restrictions sur les non vaccinés plutôt que sur tous. » De plus, les tests PCR deviendront payants « afin d’encourager la vaccination plutôt que la multiplication des tests ». (www.liberation.fr/politique/macron-un-vaccin-sinon-rien-20210712_A2ZRMTAB5JFWRL4SC7XWEMLDVM/).[]
  5. C'est ainsi que beaucoup trouvent cohérent et juste qu'une personne soit molestée par un contrôleur ou la police de la SNCF si elle n'est pas en mesure de présenter un titre de transport valide ou qu'un manifestant reçoive des coups de matraque s'il participe à une manifestation non déclarée ou s'il s'est livré à des dégradations de biens, pour ne citer que deux exemples.[]
  6. https://fr.wikipedia.org/wiki/Infantilisation[]

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