C’est seulement quand se produit un changement dans l’enfance que les sociétés commencent à progresser dans des directions nouvelles imprévisibles et plus appropriées.

Lloyd de Mause, président de l'association internationale de Psychohistoire.

45 ans, j’élève mes deux enfants sans claques, sans fessées, sans menaces

J'ai 45 ans, maman de deux enfants de 9 et 13 ans. Dès la naissance du premier, j'ai su que je l'élèverais sans le frapper ou lui faire peur. Mais j'ai eu du mal à me contrôler dès ses premières semaines face à ses pleurs stridents et si fréquents ; j'étais seule et perdue, sans comprendre ce qu'il avait : faim, mal, chaud, froid ? A l'hôpital, aucune aide ("il grossit normalement, tout va bien"), chez le pédiatre même pas d'écoute ("arrêtez de vous inquiéter pour rien"). J'étais à bout, et un jour, je lui ai crié dessus en le tenant à bout de bras : "tu vas arrêter oui !". Là j'ai eu très peur et je me suis rappelé mes résolutions.

Car enfant j'en ai subi des corrections (fessées, ceinture, torchon mouillé sur les jambes), des gifles, des cris, des insultes (sotte, bête, con, tu ne comprends rien), de la solitude, tant de solitude. J'ai su plus tard que ma mère étant très malade, elle voulait nous endurcir, nous préparer à son possible décès. Donc, pas de démonstrations de tendresse mais des coups pour faire entrer plus vite les leçons de vie en somme. moi j'étais du genre rebelle. Mais aujourd'hui je sais qu'en fait, toute petite j'étais rieuse, gaie. Puis je me suis punie seule : j'allais de moi-même au coin. Et puis je me suis révoltée, droit dans les yeux, je répondais, je protestais, je criais. Ma révolte a été de ne pas baisser les yeux quand on me donnait des gifles : je devais ôter mes lunettes et baisser les yeux. Je suis devenue téméraire, provocatrice, malheureuse et si seule, agressive, envers tous. Pas d'ami(e)s.

Pourtant mes parents m'aimaient, je le sais aujourd'hui. Mais le résultat de cette soi-disant préparation à la vie a été de me rendre vindicative, suspicieuse, susceptible, craintive et telle une chienne apeurée, je suis devenue agressive, tous crocs dehors ! Ma sauvegarde a été de trouver un travail loin d'eux et de suivre une psychothérapie après une rupture sentimentale dont je ne me remettais pas. Là j'ai compris certains liens entre l'âge adulte et l'enfance. En quête de réponses à mes interrogations, j'ai découvert les livres d'Alice Miller que j'ai lus au fil des années et de mes psychothérapies successives (dépressions récurrentes). J'ai aussi lu "Parents toxiques" de Susan Forward qui m'a beaucoup aidée à mieux les percevoir et à m'en détacher. Enfin est venu le temps de divorcer de mon mari, violent. J'étais libre désormais de vivre en tant que moi-même, pour soutenir mon fils dans son chemin de vie. Il était temps : pas encore 18 mois, il pourrait apprendre la vie sans violence. Mais là, mes parents sont réapparus, toujours aussi juges :"j'étais mauvaise, j'allais nuire à mon fils, un divorce, c'est trop déstabilisant pour l'enfant, j'étais égoïste, je ne pensais qu'à mon bien être". Alors là, je leur ai raconté les violences de mon mari et pourquoi je le quittais : pour ma survie et pour la sauvegarde de mon fils ! Ils étaient effondrés de n'avoir rien vu, rien su, rien senti. Mais pour vous aider, comment faire confiance à des parents qui vous ont traitée comme ils l'avaient fait ? De toute façon, moi, j'avais mes limites, je suis allée au bout de ces limites. Une fois franchies, j'ai pu partir, voilà. Et c'est aussi à ce moment là que mes relations avec mes parents ont changé, nous avons pu parler de mes souffrances, des dégâts qu'elles ont occasionné dans ma vie, et eux de leurs objectifs quand j'étais enfant et de leurs regrets face à ce gâchis.

Pour conclure, je dirais que l'éducation violente que j'ai reçue n'a fait que repousser les limites de ce que je pouvais considérer comme acceptable ! voilà la réalité : battez vos enfants et vous les habituerez à accepter la violence, leurs limites seront repoussées d'autant, pour eux-mêmes, comme envers autrui. c'est une bombe à retardement. J'ai failli en mourir. Heureusement, j'ai eu un père qui, bien que violent savait dire pardon. Cela m'a peut-être sauvée, car cela a fait germer en moi l'idée que son attitude était anormale et due à son manque de contrôle, l'indifférence (apparente ?) de ma mère face à ma souffrance, son intransigeance face à mes rebellions, son autorité violente elle aussi, n'avait fait que renforcer ma solitude et mon désespoir.

Aujourd'hui, je lutte toujours contre mes propres accès de violence. Oh, je ne suis pas exemplaire : je fais de mon mieux, mais au moins, mais enfants savent que la règle à la maison c'est : on ne tape pas, personne ne frappe personne, on évite les cris autant que possible car c'est une agression auditive qui peut être contrôlée petit à petit, avec un travail de chaque jour. L'objectif est de réussir à s'entendre, c'est-à-dire à s'écouter pour se comprendre, ceci dans le but de vivre ensemble. Nous devons nous respecter, même s'il est parfois difficile de se rendre compte qu'on n'a pas respecté l'autre ! Là est aussi l'apprentissage. Et quand il y a dérapage, de notre part (parents) ou de leur part (enfants), nous savons reconnaître qu'il s'agit d'une perte de contrôle, que ce n'est absolument pas normal, mais que nous vivons en apprentissage permanent, et qu'il nous faut veiller à progresser. les punitions chez nous sont exceptionnelles et visent à réparer les torts faits.

J'ai lu récemment "les 4 accords toltèques" de Don Miguel Ruiz. Ce livre m'a beaucoup plu. C'est un appel à une harmonie au delà de la peur qui ronge notre société. Et que génère l'éducation violente si ce n'est la peur au ventre pour nos enfants ?

Bien à toutes et à tous, qui comme mon mari et moi œuvrez chaque jour au sein de votre famille à une vie meilleure.

Cécile


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