J’étais terrorisée de rentrer à la maison
grande violence éducative, sous forme de coups, coups de pieds, claques, fessées, mais aussi être tenu par le col et frappé la tête contre le mur car mon bulletin était mauvais, j'en passe... et bien sûr, des critiques, du mépris, humiliations constantes,..., enfermement dans la cave, punitions et corvées.
2) A partir de et jusqu'à quel âge ?
ça a débuté vers l'âge de 5 ou 6 ans, cela correspond au moment où mes parents se sont installés dans leur vie professionnelle de médecins de campagne. Avant, pendant leurs études, c'était les grands-parents qui s'occupaient de moi. A 16 ou 17ans, c'était la dernière fois qu'il (mon père) me tapait dessus, mais ayant un parcours houleux dans mes études, ses menaces ont duré jusqu'à tard. A 22 ans : "tu vas voir, ça va être un vrai goulag pour toi maintenant" parce qu'il était excédé que je ne puisse pas passer mes examens de fac (j'avais inventé une agression la veille d'un exam, me sentant totalement incapable de le passer, il ne savait pas que c'était pas vrai).
3) Par qui ? (père, mère, grands-parents, autre personne de la famille ou de l'entourage, enseignant...)
Mon père. Ce mot si doux me fait quasiment vomir. Depuis la lecture de "C'est pour ton bien", je l'appelle Adolphe.
4) Cette ou ces personnes avaient-elles elles-mêmes subi de la violence éducative dans leur enfance ? De quel type, pour autant que vous le sachiez ?
Évidement il a subi des violences gamin pour le faire bosser et filer droit, surtout par sa mère, je l'appelle Germaine Cru aujourd'hui, et je ne sais par son père. Coups, enfermement dans la cave, punitions... Ça permettait à ma mère de justifier ses accès de colère (elle s'est suicidée il y a 10 ans).
5) Vous souvenez-vous de vos sentiments et de vos réactions d'alors (colère, tristesse, résignation, indifférence, sentiment d'injustice ou au contraire de l'avoir “bien mérité”...) ?
j'étais terrorisée à l'idée de rentrer à la maison. Ma mère nous avait appris (je suis l'aînée) à faire notre prière. J'ai d'abord prié pour qu'il parte et nous laisse tranquille, puis pour qu'il meure dans un accident, qu'il n'existe plus et que l'enfer se termine. sentiment d'injustice très fort, mais aucun droit d'exprimer ma colère, ni même un soupir, puis, vers 12-13 ans, je me suis résignée, et j’ai accepté d'être la nulle comme il voulait me le faire croire.
6) Avez-vous subi cette(ces) épreuve(s) dans l'isolement ou avez-vous eu le soutien de quelqu'un ?
Total isolement, aucun soutien de personne. C'était devenu tout ce qu'il y a de plus normal puisque c'était moi le problème. On ne remet pas en question un médecin, un notable, qui plus est extrêmement séducteur, je ne passais pas les visites médicales, même lorsqu'on me demandait d'où venait ce bleu, et que je répondais la vérité, personne ne s'en offusquait... tout le monde semble être amnésique, même si un jour ma grand-mère maternelle m'a avoué que lors de ses colères, elle avait peur qu'il nous tue, depuis elle a oublié. Mes sœurs plus jeunes n'ont pas servi de boucs émissaires. La cadette est rentrée dans son jeu pour se protéger, elle mentait à ma mère quand il allait voir ses amoureuses, du coup ils étaient complices. Aujourd'hui elle s'en veut à mort.
7) Quelles étaient les conséquences de cette violence lorsque vous étiez enfant ?
vivre dans la terreur permanente. un grand cynisme, un mépris des enfants que je considérais comme mièvres dans leur relation à leurs parents, surtout leur père, un mépris, une sainte horreur de la vie simple et tranquille. Je tapais ma sœur, je me défoulais sur elle. Une grande dévalorisation, perte totale de confiance en moi. Problème dans les études, tout ce qui concernait l'école et les devoirs était très "dangereux". Dès l'école primaire j'ai dû faire mes devoirs la nuit, pour qu'il ne puisse pas vérifier mes cahiers. J'ai pourtant fait beaucoup d'études, plutôt bien réussies, pour éviter d'affronter la vie comme une adulte.
8) Quelles en sont les conséquences maintenant que vous êtes adulte ? En particulier vis-à-vis des enfants, et notamment si vous êtes quotidiennement au contact d'enfants (les vôtres, ou professionnellement) - merci de préciser le contexte ?
je n'ai jamais pu tenir un boulot. Je donne quelques heures de cours pour des BTS. Alcool, anorexie, boulimie, accidents répétés ont duré de longues années. Instabilité, dépression,...Angoisses,.. Difficultés à être dans la vie et à se projeter. Difficile pour mon compagnon.
Depuis plus de 10 ans (après le suicide de ma mère), je fais une analyse, ça ne fait que quelques mois que je percute, je suis capable de voir, d'exprimer en mots, de prendre la mesure de ce que j'ai vécu et surtout de comprendre cette colère abyssale et ce dégoût contenus en moi. J'ai 37 ans.
j'ai un fils de 5 ans. je n'ai jamais levé la main sur lui, même aux pires moments de colère et de violence, j'ai tendance à la retourner contre moi. Par contre, je me fâche parfois et je le gronde, mais ça me parait juste et normal.
9) Si vos parents ont su éviter toute violence, pouvez-vous préciser comment ils s'y sont pris ?
10) Globalement, que pensez-vous de votre éducation ?
nulle, tordue, violente, perverse, à la mesure de la débilité des générations antérieures qui se sont succédé sans jamais rien remettre en question.
11) Viviez-vous, enfant, dans une société où la violence éducative est courante ?
non, dans les années 80
12) Si vous avez voyagé et pu observer des pratiques coutumières de violence à l'égard des enfants, pouvez-vous les décrire assez précisément : quel(s) type(s) de violence ? par qui ? à qui (sexe, âge, lien de parenté) ? en quelle circonstance ? pour quelles raisons ? en privé ? en public ?
dans la rue des mères qui hurlent sur leurs enfants. Je ne supporte plus la moindre agression que ce soit.
13) Qu'est-ce qu'évoque pour vous l'expression « violence éducative ordinaire » ? Quels types de violence en font partie ? Et quelle différence faites-vous, le cas échéant, entre maltraitance et « violence éducative ordinaire » ?
la violence éducative, c'est la facilité pour des parents et autres personnes tordus et vicieux de se défouler et d'assouvir la colère contenue en eux sur leurs enfants tout en se justifiant impunément. c'est une forme de maltraitance.
14) Avez-vous des objections aux idées développées par l'OVEO ? Lesquelles ?
merci de continuer à militer, c'est précieux.
15) Comment nous avez-vous connus : site ? livre d'Olivier Maurel ? salon ? conférence ? autres ?
Par le site d'Alice Miller qui m'avait été conseillé par la thérapeute que je vois depuis 3 ans. Celle que j'ai vue durant 8 ans n'a jamais voulu que je remette mes parents en question.
16) Ce site a-t-il modifié ou renforcé votre point de vue sur la violence éducative à l'égard des enfants ?
le site de l'OVEO et celui d'Alice Miller m'ont aidée à prendre conscience qu'il s'agissait bien de moi. Jusqu'à présent je ne m'étais jamais sentie concernée par la maltraitance et les violences éducatives, persuadée d'avoir eu un père certes un peu violent et sévère, mais certainement juste, aucun parent ne pouvait faire du mal à son enfant.
17) Si vous acceptez de répondre, merci de préciser sexe, âge et milieu social.
Claire, 37 ans, architecte-paysagiste.
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