C'est à l'échelle mondiale qu'il faut désormais inventer de nouveaux concepts mobilisateurs, pour parvenir à cet idéal : l'égalité en dignité et en droit de tous les êtres humains.

Françoise Héritier, anthropologue, ethnologue, féministe, femme politique, scientifique (1933 – 2017)

Gifles, fessées et mésestime de soi

Témoignage reçu en réponse au questionnaire du site.

 
- Avez-vous subi vous-même de la violence éducative au cours de votre enfance ? Sous quelle forme ?

Oui, gifles et fessées.

- A partir de et jusqu'à quel âge ?
A 6 et 7, 8, 9 ans. C'est un peu flou.

- Par qui ? (père, mère, grands-parents, aquelqu'un ?
utre personne de la famille ou de l'entourage, enseignant...)
Par mon père, ma mère, l'institutrice de CP, puis quand je passais dans les couloirs au collège au moment des inter-cours, dans la cour de récréation (collège toujours !)

- Cette ou ces personnes avaient-elles elles-mêmes subi de la violence éducative dans leur enfance ? De quel type, pour autant que vous le sachiez ?
Mon père oui (instituteur) né en 1937. Ma mère a été témoin de violences à l'école. L'institutrice cognait la tête d'une de ses camarades de classe sur le tableau en la tenant par les cheveux. Cette instit pinçait également les joues, ce qui a failli arriver à ma mère qui ne savait pas répondre : la réponse a jailli in extremis.

- Avez-vous subi cette(ces) épreuve(s) dans l'isolement ou avez-vous eu le soutien de quelqu'un ?
Dans l'isolement. En ce qui concerne l'instit qui m'avait giflée 4 ou 5 fois, j'avais refoulé ces actes jusqu'il n'y a pas très longtemps. Ma mère fut très étonnée de l'apprendre. Je lui ai dit qu'à cette époque, les profs avaient toujours raison pour mes parents, que j'étais persuadée que j'aurais été considérée comme fautive et non comme victime.

- Quelles étaient les conséquences de cette violence lorsque vous étiez enfant ?
Mésestime.

- Globalement, que pensez-vous de votre éducation ?
Autoritaire et aliénante. Les émotions étaient niées. Je n'avais pas le droit d'être triste, trop joyeuse, jalouse, et ne parlons pas de la colère et de la peur. Ma mère voulait divorcer, mais elle avait peur de mon père car il lui avait dit qu'elle pouvait divorcer mais qu'elle verrait ce qui arriverait. Il l'a menacée. Elle est restée. Mes frères et moi, sans nous consulter, avions souhaité que nos parents divorcent. Nous en avons discuté avec mon frère aîné il y a peu de temps. Je suis persuadée que si nous n'avions été éduqués que par notre mère, certaines choses auraient été évitées.

- Viviez-vous, enfant, dans une société où la violence éducative est courante ?
J'entendais régulièrement qu'une bonne fessée ne faisait pas de mal : « Ce qui ne te tue pas te rend plus fort ».

- Avez-vous des objections aux idées développées par l'OVEO ? Lesquelles ?
NON

- Ce livre (La Fessée) a-t-il modifié ou renforcé votre point de vue sur la violence éducative à l’égard des enfants ?
Renforcé !!! Malheureusement, il est très difficile de se déprogrammer quand on a des enfants.. Avec mon mari, nous tentons de nous neutraliser l'un l'autre. Il a accepté l'idée d'une éducation non-violente. Les dérapages sont rares, mais pour moi, il sont inexcusables. Je culpabilise donc énormément. J'ai levé la main sur notre fils aîné de 3,5 ans 5 fois. La maîtrise de soi, parfois, semble surhumaine.. Nous avons eu des jumeaux en avril dernier, donc stress, fatigue se cumulent. Je culpabilise aussi quand je lui crie dessus. Pour moi, c'est aussi de la violence. Je ne pense pas qu'il y ait une petite violence.

- Cette manière de vous faire obéir vous a-t-elle été profitable ?
NON ! Mésestime de soi, rancoeur, colère, haine contre les personnes qui ont agi de cette façon.


- Voyez-vous un rapport entre votre éducation et votre opinion actuelle sur les châtiments corporels ?
Oui. Il y a deux ans, j'ai consulté le site « Ni claques ni fessées ». C'est à partir de là que je me suis vraiment posé des questions, même si je suis contre tout châtiment corporel. Ce qui m'a interpellé, ce sont les rapports entre châtiments corporels et violence routière. Mes frères aînés ont eu un grave accident de voiture en 1983. Notre frère aîné est décédé et mon autre frère aîné, grièvement blessé. Un mois auparavant, ce dernier avait déjà été victime d'un accident grave (renversé à vélo par une voiture. Je me souviens que ça criait beaucoup à la maison. Mes frères sont allés en pension dans le privé (Moncade et Gavaison). Apparemment, ils subissaient des châtiments corporels. En ce qui me concerne, je viens d'établir que j'étais terrifié par mon père. Il voulait des matheux, il n' a eu que des littéraires. Je sais que j'avais envie de bien faire, mais ma peur parasitait mes compétences cognitives. J'en suis persuadée.


- Avez-vous été punie ? Comment ?
Je devais aller dans ma chambre.

M. B.
Sexe : F
Âge : 41 ans
Milieu : Etudes supérieures, Maman au foyer
Enfants : 3 (3,5 ans, 7 mois 1/2)

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