Vous dites : « C’est épuisant de s'occuper des enfants.» Vous avez raison. Vous ajoutez : « Parce que nous devons nous mettre à leur niveau. Nous baisser, nous pencher, nous courber, nous rapetisser. » Là, vous vous trompez. Ce n'est pas tant cela qui fatigue le plus, que le fait d'être obligé de nous élever jusqu'à la hauteur de leurs sentiments. De nous élever, nous étirer, nous mettre sur la pointe des pieds, nous tendre. Pour ne pas les blesser.

Janusz Korczak, Quand je redeviendrai petit (prologue), AFJK.

Violence à l’école et violence de l’école

Nous ouvrons ici une nouvelle page sur la violence éducative ordinaire (VEO) telle qu’elle se manifeste dans le milieu scolaire. Vous trouverez au bas de cette page une liste d’articles de notre site déjà publiés (ou à venir) sur ce sujet. Nous regrouperons sur cette page des commentaires de « faits divers » ou de témoignages qui nous parviendront.

Il ne s’agit évidemment pas ici de « stigmatiser » des individus ni le corps enseignant dans son ensemble, pas plus que, lorsque nous dénonçons la VEO dans les familles, nous ne souhaitons jeter l’opprobre sur les parents, les envoyer en prison et faire placer leurs enfants dans des foyers. Faut-il rappeler que les parents sont les premières personnes à qui l’enfant s’attache, que ce sont généralement, et, pour de longues années, les personnes plus importantes pour lui, celles qui sont responsables de lui et censées le protéger ? La rupture des relations est donc toujours très grave, y compris lorsqu’elle devient nécessaire ! Notre but n’est donc pas de détacher les enfants des adultes, mais bien au contraire de prévenir ce qui causerait la rupture de cette relation vitale pour un enfant, et d’autant plus vitale qu’il est plus jeune. Il s’agit donc :

1/ de prendre le parti de l’enfant et non celui des adultes contre lui, sans égard à son intérêt,

2/ de faire prendre conscience à toute la société (parents, enseignants, pouvoirs publics, adultes en général, et aux enfants eux-mêmes) de la façon dont les enfants sont traités, des relations destructrices que les adultes entretiennent avec eux – de manière consciente ou inconsciente, mais toujours en reproduisant des attitudes et un langage appris et acquis par imitation (de ce qu’ils ont vu et subi eux-mêmes) – sans se rendre compte des effets immédiats et à long terme sur la vie et sur le développement des enfants.

Les enseignants aussi sont « victimes du système » : dans leur histoire personnelle, en tant qu’anciens enfants, mais aussi en tant qu’adultes chargés de perpétuer un système basé sur les résultats (la performance produite), sur le jugement, sur l’obéissance et la soumission. Cependant, le système lui-même est alimenté et justifié par l’acceptation de ces comportements. De plus, il a tendance, de par sa violence intrinsèque, à « sélectionner » les enseignants (et les responsables d’établissement) les plus capables de s’adapter à lui et de le supporter, cela au détriment de ceux qui voudraient entretenir d’autres relations (« pédagogiques » ou tout simplement humaines) avec les enfants. Ces enseignants se retrouvent souvent exclus ou en souffrance (maladie, dépression), voire victimes eux-mêmes d’enfants ou d’adolescents conditionnés par une tradition d’éducation violente.

Nous n’ignorons pas les autres causes possibles de la violence à l’école, et il paraît d’ailleurs évident que de mauvaises conditions sociales, économiques et politiques, ne peuvent qu’aggraver les problèmes de violence à l’école. Mais il faut lutter sur tous les fronts. Alice Miller aussi, dans ses livres, a parlé de la violence éducative en la mettant en relation avec la violence politique et sociale. L’être humain est un animal social, les relations conditionnent tout, et des relations qui ne prennent pas en compte les capacités prosociales des êtres humains, qui les obligent à être en état de stress et de conflit permanent, ne peuvent qu’être violentes – à l’école comme dans les familles, au travail et dans toute la société. Un système scolaire basé sur la performance et sur l'évaluation (notation, mise en concurrence de tous contre tous) ne peut ni tenir compte des besoins fondamentaux des enfants, ni leur permettre de développer leurs capacités sociales (entraide, coopération), mais seulement conduire à l'exclusion (de fait) de tous ceux qui ne parviennent pas (souvent pour de très bonnes raisons !) à s'y adapter.


Un petit témoignage récent (2011) sur les punitions à l'école, suscité par le "fait divers" sur l'enfant retrouvé pendu à un porte-manteau dans le couloir à la suite d'une "punition qui a mal tourné" (expression couramment employée par les médias !) :

Ma fille de 10 ans est rentrée de l'école (CM2 ) en me disant qu'elle en avait marre que la maîtresse mette tout le monde dans le couloir !!!

Voici à peu près le discours entre nous deux :

Elle : Oui, aujourd'hui j'y suis allée alors que je n'avais pas parlé !
Moi : Ah bon ! Et que fais-tu dans le couloir ?
Elle : Ben j'attends ? Que veux-tu que je fasse d'autre !
Moi : A quoi penses-tu quand tu es dans le couloir ?
Elle : Qu'elle est conne et bête et que je la déteste !
...
Elle : Et parfois elle nous oublie

Moi : Combien de temps es-tu restée ?
Elle : Peut être 10 minutes
Moi : Et tu t'assois par terre ?
Elle : Non, il y une chaise et on s'assoit dessus et on attend...

Moi : Qu'en penses-tu ?
Elle : Elle est super énervée en ce moment, elle met tout le monde à la porte.

Après elle a goûté et est partie jouer dehors...

(Françoise, membre de l'OVEO.)


Articles associés à ce sujet

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Sur d'autres sites :

Sur le site d'Alice Miller (lettres de lecteurs) :

  • Un très long témoignage sur une scolarité dans les années 1980 : La brutalité à l’école
  • Le témoignage de la maman de deux petites filles qui s’inquiète de ce qu’elles peuvent subir à l’école : Discipline scolaire (avec une petite réserve sur le début de la réponse de Brigitte Oriol : "Peut-être qu’ainsi vos filles n’auront plus besoin de se mettre inconsciemment dans des scénarios d’injustice pour vous rappeler combien vous avez souffert vous aussi d’être ainsi traitée" ? Bien qu'on ne puisse qu'approuver la suite de la réponse...)
  • Témoignage Un instituteur violent (Brigitte répond fort justement que pour que l’Education nationale considère le problème comme sérieux, il faut que TOUS les parents concernés réagissent ! On voit bien que lorsqu’un seul parent ou même deux ou trois s’inquiètent, cela n’a généralement aucun effet...)
  • Impuissance à l'école, lettre de 2009 d'une enseignante qui témoigne d'un discours politique qui semble avoir encouragé les pratiques de certains enseignants adeptes de la pédagogie noire... Et une réaction à cette lettre : Les enseignants et les parents
  • A contrario, la lettre encourageante d'un(e ?) enseignant(e) plein d’enthousiasme après avoir découvert Alice Miller (et La Fessée d'Olivier Maurel), et qui essaie d’intervenir auprès des parents violents de ses élèves. Cet enseignant voudrait proposer un journal qui informerait sur la violence éducative et serait envoyé aux élus : nous sommes partants ! Un autre projet (plus réaliste ?) pourrait être une brochure d'information de l'OVEO destinée aux enseignants et professionnels de l'enfance...

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